La rouille de nos hauberts est-elle histo ?

[Réchignac]

Je ne comprends pas la logique qui consiste à dire que parce qu'il y a écrit dans les textes blanc harnois = étamage.
On a le même terme utilisé fin XIVème début XVème et pourtant les pièces d'armures n'étaient pas étamées.
Car techniquement pour faire un étamage sur de la maille bonjour l'angoisse. C'est quasi impossible d'étamer une cotte de mailles partout avec les techniques de l'époque. On ne peut pas passer entre les anneaux si vous voyez ce que je veux dire.
Aujourd'hui avec les techniques modernes on pourrait le faire par trempage en étamage à froid mais à l'époque ça se faisait en chauffant la pièce et en faisant coulé l'étain dessus et en l'essuyant au chiffon. J'imagine pas cette technique sur un haubert de maille car l'étain coulerait à travers les mailles.

Si c'était le cas on aurait retrouvé des traces d'étamages sur les mailles . Est-ce que c'est le cas medieviste vu que tu as eu l'occasion d'étudier de prés la question ?

Par contre je vais dire un truc peut-être stupide mais comme on a retrouvé des textes au début XVème d'armures peintes, n'aurait t'il pas été possible que les hauberts auraient pu être peints aussi ?

[medieviste]

Réchignac a dit : Si c'était le cas on aurait retrouvé des traces d'étamages sur les mailles .

Non, justement, tout le problème est là. J'ai discuté longuement avec l'archéologue médiéviste et antique allemand Holger Ratsdorf qui m'a expliqué que l'étain disparait très très vite (quelques dizaines d'années environ) si on l'abandonne dans la nature ; un objet médiéval doré à l'or ou argenté, on retrouve des traces de l'or ou de l'argent sans problème 700 ans polus tard.
Mais un objet étamé, on ne retrouve aucune trace 100 ans après. Même conservé dans l'eau, c'est dire !

Lui, il a retrouvé d'infimes petites traces d'étamage sur des tout petits recoins de boucles médiévales, et il pense justement que la plupart des objets usuels suscptibles de rouiller étaient étamés (boucles, appliques, lames de couteaux, pommeaux d'épées etc...)
D'autre part, Erik Schmid m'avait également parlé d'étamer le haubert que je lui ai commandé... il y a longtemps.
Quant à chauffer la pièce et verser de l'étain dessus, je crois avoir entendu parler d'une autre technique, avec un "liant" pour fixer l'étain.
Disons qu'une chose est sûre : un haubert étamé nécessite de l'entretien, il faut de temps à autre le réétamer selon les coups reçus, les frottements.

Quant à le peindre, c'est possible également, et le problème sera le même : il faudra le repeindre souvent. Ceci dit, autant j'ai souvent eu des échos de hauberts étamés, autant la peinture ne me dit rien.

[Réchignac]

C'est drole qu'on ne retrouve aucune trace d'étamage si c'était le cas alors que l'on en a retrouvé sur les lorica segmentata romaine. Bon je ne suis pas archéologue, ils doivent savoir de quoi ils parlent quand même.

[urbain]

Et la technique du sablage, pour nettoyer la maille, si elle est bien attestée, devrait retirer l'étain, non ?

Dans les textes, lorsqu'on fait allusion aux mailles "blanches", "étincelantes"... n'est-ce pas pour décrire un personnage exceptionnel ? (un peu comme un James Bond qui fait du ju jitsu ou de l'escalade en smoking, quoi...).

Il y a quelques années, je m'étais fait un camail en fil de fer recuit, en abouté. Il rouillait vite, mais se nettoyait facilement et rapidement, et durant les premières heures d'utilisation, il brillait bien, même si au final je devais moi aussi me nettoyer le visage et le coup !

[medieviste]

Urbain a dit : Et la technique du sablage, pour nettoyer la maille, si elle est bien attestée, devrait retirer l'étain, non ?

En théorie oui. Mais pour la pratique, s'il est étamé, il ne rouille pas, donc pas besoin de salber le haubert.
Quant à cette technique pour dérouiller, on l'entend souvent, mais je ne sais pas si on a des sources...
Ensuite pour les personnages importants, non pas plus que ça : les descrïptions de casque et haubert étincelant au soleil concernant tout un chacun, soldat ou chevalier, par exemple dans la chanson de Roland !

A priori, l'étamage ne reviendrait pas très cher à l'époque, d'après ce que m'en ont dit les archéologues qui se sont penchés sur la question.
Au XVe, on étamait bien les brigandines, non ?

[euryel]

la citation harnois blanc ne s'applique qu'a l'armure complète de plates.
je vois mal comment étamer une harnois blanc, de plus les coups portés auraient tôt fait de faire disparaitre cet étamage.........

et les mailles se frottant les unes aux autre auraient usér l'étamage.

sur un numéro d'" HISTOIRE MEDIEVALLE", on parle de sablage pour nettoyer les mailles de leur rouille et de peinture pour certains hauberts.
Mais n'ayant plus ces livres je ne peu préciser le numéro.

Mais pour avoir négliger mon haubert durant une 15ene de jours, un dépot s'était formé, puis passé une journée a marcher, combattre etc
je me suis apperçu que la rouille était quasiment partie.

Et là avant de le ranger je l'ai copieusement bombardé de 3 en 1 et rangé dans du carton.

[urbain]

Bah moi, j'ai ça (et j'ai la flemme de traduire, mea culpa !) :

1296. 23-24 Edw. I (Duchy of Lancaster Accounts).
Itm. xx s. xj d. in duobus saccis de coreo pro armatura comitis.
This refers to leather sacks used either for keeping the armour in
or for cleaning it by shaking it with sand and vinegar.

1344. Inventory of Dover Castle.
i barrele pro armaturis rollandis.
The barrel was here used in the same way. The mail was placed
inside with sand and vinegar and rolled and shaken. The same method
is still practised in some districts for cleaning barrels for cider or ale.
Chains are placed in the barrel with sand to obtain the same result. On
Plate XV a barrel is shown on the extreme left of the picture with a
mail shirt hanging over the edge.

1364. Inventory of the donjon of Vostieza.
i barellum ad forbiendum malliam.

1369. Prologue, Canterbury Tales, Chaucer.
Of fustyan he wered a gipoun
Alle sysmoterud with his haburgeoun.
This extract shows clearly the need for the barrel and sand. The
mail had evidently rusted with rain and perspiration, and left stains
and marks on the quilted undergarment. We find the term " rokked "
used in the poem of Syr Gawayn, which means cleaned by rolling.

1372. Froissart uses the expression
a rouler leurs cottes de fer.

1417. Inventory of Winchester College.
i barelle pro loricis purgandis.

1423. Roll of Executors of Henry Boivet, Archbishop of Tork, Oct. 20.
j barrelle cum suis pertinentiis ad purgandos loricas et alia arma
de mayle.

1467. Howard Household Boo (Dom. Expenses in England, 416).
gd. to an armerer at Pawles Cheyne for an harneys barelle.

1513. Earl of Northumberland's Equipage (see also page 30).
a paommyshe.
Eight yards of white blaunkett for trussing of my Lord's harnes in.
The pumice was for cleaning off the rust, and the blanket was
used for packing the armour when in store or on a journey.

De Charles John FFOULKES, dans The armourer and his craft.
La planche XV dont il est question renvoie au tableau de Jan Brueghel, Alegoria del tacto.

[Himon]

un essai de traduction

1296. 23-24 Edw. Je (Duché de Comptes de Lancaster).
Itm. xx s. xj d. dans duobus saccis de coreo pro armatura comitis.
Cela se réfère aux sacs en cuir utilisés pour empêcher l'armure de sortir ou pour le nettoyer en le secouant avec le sable et le vinaigre.


1344. Stock(inventaire) de Château de Douvres.
i barrele pro armaturis rollandis.
Le baril a été ici utilisé dans la même façon. La maille a été placé à l'intérieur avec le sable et le vinaigre et roulé et secoué. La même méthode est toujours pratiquée dans quelques zones pour nettoyer des barils pour le cidre ou la bière.
Les chaînes sont placées dans le baril avec le sable pour obtenir le même résultat. Sur la Planche XV on montre un baril sur l'extrême gauche de l'image avec une chemise de maille s'accrochant sur le bord.

1364. Stock(inventaire) du donjon de Vostieza.
i barellum ad forbiendum malliam.

1369. Prologue, Contes de Cantorbéry,Chaucer.
Of fustyan he wered a gipoun
Alle sysmoterud with his haburgeoun
Cet extrait montre clairement le besoin du baril et du sable. La maille s'était apparemment rouillé avec la pluie et la transpiration et avait laissé des taches et des marques sur le sous-vêtement matelassé. Nous trouvons le terme "rokked" utilisé dans la poésie de Syr Gawayn, qui signifie nettoyé en roulant.

1372. Froissart utilise l'expression
a rouler leurs cottes de fer.

1417. inventaire collège de Winchester.
i barelle pro loricis purgandis.

1423. Rouleau des Exécuteurs d'Henry Boivet, Archevêque de Tork, le 20 octobre.
J barrelle cum suis pertinentiis annonce purgandos loricas et alia arma de mayle.

1467. Howard Household Boo (Dom. Dépenses en Angleterre, 416).
Gd. à un armerer à Cliquets Cheyne pour un harneys barelle.

1513. Le comte d'Equipage de Northumberland (voir aussi la page 30).
a paommyshe.
Huit yards de blaunkett blanc pour attacher de harnes de mon Lords.
La pierre ponce était pour laver la rouille et la couverture a été utilisée pour empaqueter l'armure dans le dépôt ou sur un voyage.

j ai pas tout compris mais pour les non bilingue comme moi cela devrais aidé quand meme un peu

[euryel]

en tout cas Merci, ainsi nous smmes fixé sur le fait que les armures de mailles rouillent et sont débarrasées de cette rouille a l'aide de sable et de vinaigre. en la roulant dans un baril.
c'est clair comme de l'eau de roche.

[medieviste]

Ouaip, là on a des sources !
Reste à explorer la piste :
- des mailles étamées
- des mailles brillant et étincelant au soleil
- des mailles peintes

A mon avis, c'est comme les hauberts de soldats (avec ou sans coiffe intégrée ? Avec ou sans moufles intégrées ? Long ou court ? etc...) : y a un peu de tout !

[Réchignac]

Oui tout à fait. Personnellement je n'ai jamais cru à des standarts. Ca devait être trés hétéroclite.