[identification]Lot de divers objets romains/haut moyen age

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Hermelind
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jeu. févr. 17, 2011 4:10 pm

Tu as un nombre énorme de tableaux anciens dont on ne sait rien. Aucune idée de leur provenance, de leur histoire... Parce que c'est passé de collec privée en collec privée. Voir par exemple une bonne partie de la collec de la Dulwich Picture Gallery. Don de Fairfax Murray. Il était bien marrant le gars, il a fait des tas de copies superbes d'oeuvres italiennes, ses tableaux sont pas dégueu, mais comme marchand d'art, il a fait du dégât. On ne sait pas où il achetait.
J'avais contacté Harvard au sujet d'un de leur tableau qui m'intéressait vaguement (euphémisme). Ils n'avaient rien avant le XXème dans son historique. Le gag, c'est qu'en passant par des chemins très détournés (à savoir qu'on en trouve une influence dans un autre tableau), il y a de fortes chances pour que ce tableau ait été dans l'entourage de Burne-Jones au XIXème. Et comme y a Fairfax dans cet entourage, ça laisse tout possible...
Bref, dire qu'un tableau dans un musée est traçable, c'est archi faux. Certains peuvent l'être. Pas tous. Loin de là (tu ôtes les non traçables de Dulwich, il ne leur reste plus grand chose...).

Et c'est pareil pour les antiquités égyptiennes. Peut être même pire ! Et des obélisques tombés du ciel, y en a plein les places romaines. Je doute qu'on sache de quel temple exactement ils proviennent ;) Les antiquités précolombiennes, on en cause même pas !

Bref, ceci pour dire qu'il y a aussi une certaine hypocrisie au niveau des musées. Qui montre aussi une hiérarchisation des objets.
Un tableau ou une belle tête égyptienne tombés de la Lune, on prend. On met juste "origine inconnue" et roule ma poule.
Un truc en ferraille romain ou méro, on s'en tape. Mais en même temps, on dit "le trafic c'est pas bien".
Et pourtant, parfois, aussi belle soit elle, la tête a moins d'intérêt histo ou technique que l'objet pourri. Mais, dans les salles du musée, ça fait mieux.
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pierre al
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jeu. févr. 17, 2011 4:34 pm

Je suis parfaitement d'accord, mais ca reste très différent. Un tableau, même coupé, entaillé et dont on ne connait pas le parcours avant 1920, ca reste quand même un ensemble X. Donc sur lequel on peut travailler. Le bout de tableau perdu, moins. C'est pareil pour nos vieux objets métalliques. On fournirait une tombe entière, avec TOUS les objets trouvés, mais SANS le contexte, ca serait un ensemble utile. Un objet pris dans le tas, c'est juste un peu de la merde. C'est comme la différence entre un gros stock de carreaux d'arbalètes et UN carreau d'arbalète. Le stock, il peut etre utile (on peut par exemple se poser la question de la série, des méthodes de fabrications etc etc). Le carreau tout seul, c'est juste un bout de fer tout pourri.
Pour les obélisques, c'est encore un autre souci, puisqu'ils se sont intégrés a d'autres types de vestiges, a d'autres cadres architecturaux. C'est comme les momes dans les murs que l'équipe de Mari a retrouvée en Syrie. On sait pas trop d'ou ils viennent, mais leur présence a néanmoins un intérêt historique fort. On aurait retrouvé les dépouilles de ces momes au marché noir des momies, je pense que ce serait pas du tout pareil.
Bon, je reconnais par contre que les rares antiquités précolombiennes américaines, c'est encore un autre souci (quoiqu'il y en a un paquet en amérique latine, comparé à nos collections nationales).

Tiens, un exemple que je connais bien. Les lions de Mari, début du second millénaire avant JC (il parait)
Image

Celui du Louvre est exposé hors contexte, on connait mal son rôle et son objectif, on l'a même retrouvé en miettes et c'est un des plus beaux chef d'oeuvre des restaurations mésopotamiennes. La datation est étrange, on pense qu'il gardait l'entrée d'un temple de Dagan avec son petit frêre et c'est à peu près tout (je vous fais grâce des hypothèses que je dois me farcir tous les jours a la maison.) Pourtant, il conserve un contexte (parce qu'on sait OU il fut trouvé, à quelle profondeur, à quelle situation de la ville de Mari etc etc.) Chacun de ses morceaux était issu d'un ensemble et il en manque surement.
Que sont devenus ces morceaux perdus ? Honnètement, et c'est là que je voulais en venir, je prefère les savoir perdus, détruits et vaporisés plutot que de les imaginer dans la collection privée de quelqu'un qui ne peut rien en faire sauf les regarder en disant "hahahah, j'ai un vieil objet chez moi". Parce que même si on les retrouvait aujourd'hui, on pourrait rien en faire, on ne saurait peut etre même pas que ce sont des fragments des lions de Mari. Voila le genre de ravage définitifs que peut causer le traffic d'objets anciens : la perte définitive de notre passé.
Comme cela a été dit avant et encore avant, un objet sorti de son contexte et intracable, il n'a plus que la valeur du support sur lequel il est réalité. Il serait détruit que ce serait pareil. Sauf que s'il était détruit, il ne pourrait pas être revendu et alimenter le marché des oeuvres volées au patrimoine.
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Hermelind
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jeu. févr. 17, 2011 4:52 pm

Le collectionneur privé peut l'offrir (ou ses héritiers, en droit de succession) au musée qui a le reste...

On a même le cas d'une collectionneuse privée qui a prêté 2 bouts de tableaux qu'elle avait dans sa collec pour que la National Gallery puisse refaire le puzzle, parce qu'ils avaient tout, en cherchant à droite à gauche, et il leur manquait 2 bouts.
On dit merci à madame Deux, Elizabeth de son prénom.
La NG a aussi une belle tête d'ange. Strasbourg aussi. Ils viennent sûrement du même tableau. On ne sait que dalle. Mais ils sont exposés... Alors qu'on ne peut, niveau boulot, rien en faire (bon, c'est du Filippino Lippi, et après ? C'est très beau, mais intérêt histo = 0 ) Maintenant, moi, j'aimerais bien que le collectionneur privé qui a la Vierge à l'enfant qui va avec l'aie toujours. Pas que ça parte en fumée. Ou que ce soit partie en fumée. Parce qu'entier, ça devait avoir de la gueule. Mais après, on fait comment ? Parce que les 2 musées vont pas donner leur partie. Ils peuvent pas... (Quoique, Stras n'est pas musée national, alors peut être. Faudrait voir les statuts. Mais c'est une de leur plus belles pièces. Alors qu'à Londres, il est dans les réserves. Mais, c'est à eux, et je crois que comme en France, ils ne peuvent pas vendre les pièces des musées nationaux...)

Et si ça se trouve, les conservateurs du Louvre ont refusé les morceaux de Mari, parce que ça ressemblait à rien :lol: !

(On cause des vases qui sont au British que le Louvre a refusé, alors qu'ils sont traçables, parce que des oenochoés celtes trouvées en Lorraine, on s'en fiche ? Ils ont dit que ça pouvait être détruit)
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jeu. févr. 17, 2011 4:53 pm

Allez j'ai une idée d'animation pédago, pour Pol.
On fait manipuler en suggérant l'émerveillement de vrais objets d'origine inconnue, très anciens, on fait passer de main en main, on récupère, et PAF !!! Un coup de marteau !!!
Ça c'est de la pédagogie !
(23ème degré, là, minimum)
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jeu. févr. 17, 2011 5:02 pm

Le collectionneur privé peut l'offrir (ou ses héritiers, en droit de succession) au musée qui a le reste...
C'est ce que je soulignais pour les lions de mari et par répercussion pour pleins d'objets métalliques : généralement, on ne peut pas faire un vrai rapport entre les deux. Une fois le fragment sorti de son contexte et perdu, c'est fini, terminé.

Pour les tableaux, on sort du sujet, puisqu'on est dans une opposition patrimoine/histoire et patrimoine/esthétique. Moi aussi, je pense que le lion de Mari serait plus beau tout entier. Sauf qu'il le sera plus jamais, parce qu'on ne peut pas relier des fragments de bronze épars et un lion reconstitué. Et ces fragments peuvent continuer a faire vivre un marché parallèle, donc continuer à encourager le commerce d'objets d'histoire. C'est là la différence entre des objets séparés conservés par des musées et des objets dont une partie est en musée et une partie dans la nature, ou un exemplaire en musée et un exemplaire dans la nature. Ou encore un objet en plusieurs morceaux dans la nature. Les deux musées "peuvent" collaborer (quand ils en ont le temps, l'envie et les moyens). Le collectionneur privé, lui non, parce que par essence, il est privé, il est à la recherche d'un plaisir et d'un intérêt individuel (certaines collections privées sortent du lot, mais malheureusement pas toutes). C'est un "collectionneur" quand les musées sont des "conservateurs".

Après, je suis tout a fait d'accord qu'il y a un grave souci d'esthétisme au détriment de la connaissance dans les musées (on montre les trucs beaux, ou plutot les trucs qui "ont de la gueule". Comme au musée de l'armée avec les armures). Mais ce n'est plus du tout le même débat. Ici, je ne faisais que souligner le role que pourrait jouer la destruction d'objets définitivement hors contexte dans la lutte contre un traffic d'objets.
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jeu. févr. 17, 2011 5:08 pm

D'accord, mais si l'objet, finalement, est reliable à un autre ? Tu vas pas péter (dans le sens "réduire en poudre", ici) un doigt de la Victoire de Samothrace si tu le retrouves dans une collec privée ? Il faudra parfois des dizaines d'années avant que le rapprochement ne soit fait (c'est le cas du tableau de Carpaccio "Les Courtisanes". On en a retrouvé une autre partie, dans un autre musée. Il en manque encore :( ) Ou qu'on se rende compte, même avec des pièces éparses, sans qu'on sache d'où elles viennent, que tu peux en déduire certaines choses malgré tout (ne serait-ce que pour certaines statistiques... Fréquence d'un objet, formes...)
Mais c'est vrai que j'ai une sale tendance à ne rien jeter (d'où mon bazar [img]smile/hapface01.gif[/img] ). Je crois que tout peut servir.
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jeu. févr. 17, 2011 5:12 pm

D'accord, mais si l'objet, finalement, est reliable à un autre ? Tu vas pas péter (dans le sens "réduire en poudre", ici) un doigt de la Victoire de Samothrace si tu le retrouves dans une collec privée ?
Et là, on touche à ce que je voulais faire ressortir, à savoir le choix:

On préfère que le doigt potentiel de la Victoire continue a circuler, générant un traffic et donc un fléau pour la recherche ?

ou

On préfère que ce doigt soit enfermé dans des institutions (et donc stocké potentiellement jusqu'à la fin des temps, si preuve de rapprochement n'est pas faisable) ou détruit, pour que le traffic se résorbe, par manque de matière ?

En d'autres termes, qu'est ce qui est le plus dommageable ? Pouvoir reconstituer des oeuvres ou empêcher de nouvelles sources documentaires de disparaitre ? Préserver et bonifier ce qui est déja acquis ou permettre à ce qui ne l'est pas encore de l'être un jour ?

C'est une décision plus politique que scientifique, mais c'est, à mon sens, le fond du débat.
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jeu. févr. 17, 2011 5:20 pm

Garder tout... Si on en a les moyens... Documenter un max. C'est sûr que le trafic et la fouille sauvage font des dégats, mais, c'est déjà à ce niveau là qu'il faut changer.

Sinon, on fait comme certains entrepreneurs quand ils trouvent une tombe. Ni vu ni connu, un explosif... Faut pas retarder le chantier, ça coûte des sous...

Y a qu'à développer les amendes. Y aura les sous pour entreposer le butin :lol:
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jeu. févr. 17, 2011 5:27 pm

Oui, l'idéal c'est que tout soit fait. Sauf que j'y crois pas vraiment, rien n'est jamais vraiment absolu. Le fait qu'il y ait des amendes ne résorbera pas le marché parallèle, ce ne marche jamais. Regarde la drogue, les armes, tous les traffics possibles et imaginables. Tarir la source de ce traffic, par contre, ça marche mécaniquement (plus de flot d'objets, plus de marché). Voir mon exemple sur le traffic d'ivoire, ca a contribué à la baisse du traffic, vu que chaque objet était détruit, donc non rentable. Ca n'a pas TOUT résolu, mais ca a joué. Plus que de manière annecdotique. Bon, j'admet que pour la drogue, ca ne fait que déplacer le problème, à chaque fois que la culture est éradiquée dans une zone, elle se déplace ailleurs.
Faut pas retarder le chantier, ça coûte des sous...
Pour avoir eu un père entrepreneur et donc fréquenté des gens du BTP... bref. Il n'y a pas de sources montrant qu'une entreprise ait fait faillite "a cause" de fouilles, mais pour certaines que j'ai connu, ca a joué (question de retard et de trésorerie)
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jeu. févr. 17, 2011 5:33 pm

Je sais, mais... Certains entrepreneurs (parfois couverts par des municipalités) n'ont pas envie de retarder le chantier, malgré tout... S'en foutent complètement...
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jeu. févr. 17, 2011 8:24 pm

pierre al a écrit :Le vrai souci d'une telle assos, ce serait la place et les bonnes volontés pour trier, identifier et organiser.
Après discussion avec ma dame, une idée a germé sur la forme, je vous en fait part.

Plutôt qu'une association, cela pourrait prendre la forme d'un réseau de "militants". Je m'explique : beaucoup d'associations "d'activités à thème historique" (pour râtisser large), ayant donc comme point commun un certain amour pour l'Histoire, consacrent une partie de leur temps à des animations, stands explicatifs et autres actions pédagogiques envers le public. Souvent, cela s'accompagne d'un étal avec du matériel ou des réalisations diverses exposées. Pourquoi ne pas profiter de ces étals pour réserver un coin de table/coffre/tapis à ce genre de pièces, avec une simple mention "Histoire perdue", et éventuellement un petit texte explicatif pour sensibiliser le public à cette problématique ? Les questions que le public ne manquera pas de poser seront prétexte à engager la conversation sur ce sujet...

Il faudrait un affichage suffisamment surprenant pour que le public s'interroge, j'imagine par exemple une petite plaquette de présentation pour chaque objet, avec des points d'interrogation partout.
?????? ? ??????
Provenance : ????, ????
Datation : ????? ?? ????? ?????? (?)
?? ??????? ??? ?????? ??? ??? ???????? ???? ???????? ?? ??????? ????????? ? ???? ?????????.
???? ???????? ? ?????? ??????????????? ?? ??? ?? ????? ????? ???? ????????? ?? ????.
Ce serait une sorte de "musée itinérant", décentralisé car réparti entre plusieurs associations et/ou particuliers réglant au moins le problème de la place et de l'organisation. Il n'y aurait même plus besoin de trier ni d'identifier en fait, puisque ce qu'on veut mettre en avant est justement la perte de savoir. Ou du moins, pas forcément besoin, rien n'empêchant par la suite ceux qui le désirent de faire ce qu'ils peuvent de recherches sur les objets qu'ils possèdent.

Le principe de base étant toujours, bien sûr, de ne pas encourager le marché, donc de ne pas acquérir par achat. Par bouche à oreille, cela permettrait à ceux qui veulent se détacher de telles pièces de leur trouver facilement un repreneur. Un peu comme quand on ramène des piles au magasin.
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jeu. févr. 17, 2011 8:32 pm

Ca pourrait même être un point du vieux serpent de mer qu'est cette charte. Chaque association signataire s'engagerait à tenir un inventaire des pièces récupérées, exposer des objets historiques "perdus" et à expliquer pourquoi c'est une catastrophe.

Non, ce serait trop beau :)
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jeu. févr. 17, 2011 8:34 pm

On signe direct.
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jeu. févr. 17, 2011 10:37 pm

Je reste quand même abasourdi, je tiens à le dire, par le mépris avec lequel beaucoup de membres de ce forum parlent des objets historiques communs. Pour certains c'est "de la merde", pour d'autres "il faut les détruire par principe"... Je suis outré. Vraiment. Abasourdis que des médiévistes puissent envisager la destruction d'artefact anciens, des objets qui ont traversés les siècles et appartiennent à notre histoire.
Et pourtant, c'est la réalité. Une fois qu'un objet n'a plus d'intérêt historique, c'est à dire qu'on ne peut plus l'expliquer, le comprendre dans son contexte historique, il n'a plus de valeur historique. Qu'il ait traversé les siècles ne veut rien dire si on ne peut rien en tirer pour la compréhension du passé, hormis si on veut un "souvenir" du passé. Mais là, d'une part on se place dans logique du collectioneur, d'autre part on oublie ce qu'est réellement l'histoire: un travail d'analyse et pas un travail d'amour ou d'émotion. Est ce que tu sais comment on fouille dans le monumental ? En tout cas pour l'expérience et la connaissance que j'en ai, a savoir le monumental proche oriental ? On détruit. Et oui. Une fois un niveau cartographié, fouillé, épluché, photographié, on le détruit pour savoir ce qu'il y a en dessous. On détruit ainsi des choses "appartenant a l'histoire" qui ont quelquefois des milliers d'années pour comprendre comment on les construit et pour savoir ce qu'il y a en dessous. Et on le fait pas par "plaisir" ou avec joie. Mais on le fait quand même, parce que c'est la seule manière de prendre contact avec le passé monumental.

Reprenons l'exemple du carreau d'arbalète, que j'ai moi même qualifié de "pourri". Le carreau seul, il sert à quoi ? Sans son contexte de découverte, on ne peut pas le dater. Sans pouvoir l'inclure dans une série de production, on ne peut pas vraiment le relier à une typologie. Qu'est ce qui reste ? un bout de métal de quelques grammes, c'est tout. Le fait qu'il soit "vieux" ne veut rien dire, du point de vue historique. Ce n'est pas du "mépris", crois moi, je suis historien jusqu'au bout des ongles et je ne vis quasiment que pour ma matière. Mais l'objet, en lui même, je n'en ai rien, strictement rien a faire. Ce qui m'interesse, en tant qu'historien, ce n'est pas l'objet, c'est ce qu'il est, ce qu'il signifie, représente pour l'époque. Quelle culture il illustre, quelle homme l'a touché, fabriqué possédé. Et s'il faut le déconstruire pour le comprendre, on le fait. Tu donnais l'exemple des enfants à qui on donne a toucher des objets. L'histoire, c'est un peu plus que le lien tactile avec un vieil objet. Tu montrerais à un enfant une copie de l'objet en question, il ne saura pas que c'est le cas, il ne voit qu'un objet curieux et qu'il n'a probablement jamais vu. S'il lui arrive de poser la question "ca vient d'ou" là c'est drole, surtout quand on sait pas. On répond donc "je sais pas". Il date de quand "je sais pas, entre le ... et le ... siècle". Il sert à quoi ? "c'est une attache de fourreau/ceinture/fibule"... c'est très limité comme contact avec l'histoire, limite désinformatif de faire croire que c'est ça, d'ailleurs. Je citerais toujours ce conférencier qui exposait à un public qu'il prenait probablement pour des singes savants : Voici un lit, car les Egyptiens avaient des lits. Voici une lampe, car les Egyptiens avaient des lampes. Je me souviendrais toujours de ce papa qui avait répondu "on s'en fiche un peu de ca, pourquoi ils n'auraient pas de lit ou de lampe ? dites nous plutot pourquoi ils construisaient des statues de 6 mètres de haut".

Après, je comprends que les expressions ici puissent choquer, mais elles sont un véritable débat et une réponse réellement analysée par certains scientifiques et certains pouvoirs publics... je reprends l'exemple de l'ivoire ici : qu'est ce qui nous dit qu'on ne rate pas un futur Rodin, un futur Picasso en détruisant des statues et des objets artistiques (parfois réellement magnifiques) en ivoire issus du traffic d'ivoire ? Objectivement, rien. Pourtant, il faut bien faire quelque chose pour décourager les braconiers qui ont massacrés des dizaines de milliers d'animaux uniquement pour leurs défenses. La destruction est le choix qui fut fait. Et comme je le disais, ca a fait diminuer le traffic, étant donné qu'on a fermé un débouché commercial de ce réseau.
Ici c'est pareil. Le pool d'objets historique n'est PAS infini, il se tarira un jour ou l'autre. Ce qui fait qu'il faudra, un jour prochain, se pencher réellement sur un moyen d'éliminer le traffic et le vol d'objets patrimoniaux à leurs sites. Sinon, un jour, il ne nous restera plus grand chose à comprendre dans ces sites. On aura juste une masse de très vieux objets dont on ne sait rien et qui ne servent plus a rien, sinon au plaisir visuel de voir un vieux truc. On aura plus de passé, on aura juste des objets.
Le peu de goût pour proposer du concrêt m'a également beaucoup déçu.
Les gens ont été au contraire plutôt doux et sympas dans leurs conseils. Parce qu'au fond, ils t'ont donné un conseil très concret et très clair:

On te propose des objets dont on ne sait ni d'ou ils viennent, ni où ils furent trouvés, ni s'il s'agit d'un lot complet ou d'un réassemblage de pièces diverses. La seule chose à faire, c'est surtout de ne pas acheter. Jamais. Pour ne pas alimenter un réseau qui déconstruit l'histoire et le passé. A la rigueur en proposer le don (comme cela fut aussi répondu) à une association ou un groupe. C'est tout. Aucun achat, aucune transaction, jamais.

EDIT orthographe et découpage du texte
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aurélien
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jeu. févr. 17, 2011 11:14 pm

Marell le Fou a écrit :Mon amie m'a fait penser que cette asso pourrait (exception à la règle que j'avais proposé) donner des set d'objets à des écoles ou collèges (genre une dizaine d'objets de types différents). Pour sensibiliser les élèves à l'histoire. Leur donner l'occasion de manipuler du concrêt. Un bref historique des pièces ou au moins une identification serait donnée à la maitresse avec la dizaine d'objets. Un enfant tu lui met un poid ou une fibule entre les mains pendant un cour sur l'empire romain en lui disant "ça a été fait par des hommes il y a 2000 ans", il ouvre de grands yeux. Il touche l'histoire avec ses mains au lieu de simplement copier dans un cahier. C'est autrement plus concrêt. En plus on prend contactes avec des établissements qui seront peut-être contents de faire appel à des médiévistes pour venir parler aux élèves, qu'en sais-je... On commence à mettre en place un réseazu didactique intéressant. Ceux qui travaillent dans les écoles savent que le budget pour ce genre d'objets n'existe pas. Pourquoi ne pas oeuvrer en ce sens ?
Parce que ta fibule datera peut-être du VIIe siècle et n'aura rien à voir avec l'empire romain. Un objet sans contexte est juste "ancien", ce n'est pas un objet d'histoire. Je sais qu'on peut faire avaler n'importe quoi aux gamins (après tout, qu'est-ce qu'une "erreur" de deux siècles pour eux qui ont du mal à situer 1789 ?) mais ce ne serait pas honnête de filer des objets dont on ne sait rien. Même si j'ai souvent le nez dans des typologies ou des catalogues, je serai bien en peine d'identifier les objets que tu as présentés en première page.
Je reste quand même abasourdi, je tiens à le dire, par le mépris avec lequel beaucoup de membres de ce forum parlent des objets historiques communs. Pour certains c'est "de la merde", pour d'autres "il faut les détruire par principe"... Je suis outré. Vraiment. Abasourdis que des médiévistes puissent envisager la destruction d'artefact anciens, des objets qui ont traversés les siècles et appartiennent à notre histoire.
Malheureusement, ce n'est pas de l'extrémisme, c'est juste un constat... Pour connaître, il faut détruire: Pierre al en a parlé pour le Proche Orient. Ca fonctionne pareil en archéologie préventive franco-française. On enlève couche par couche le matériau en notant le maximum de choses tout en étant conscient qu'on passera forcément à côté de certaines choses puisque notre technique actuelle, aussi pointue soit-elle, a des limites. Je ne te parle même pas des fonds de manuscrits conservés dans des conditions plus que déplorables dans nos archives et que la Culture laisse détruire par pingrerie et négligence.

Un objet ancien n'est pas un objet "historique". Un objet historique possède une valeur ajoutée parce qu'on peut le contextualiser, l'insérer dans une série d'évolutions et lui-même peut apporter des originalités, c'est pas juste un morceau de fer ou un tesson de poterie. Il y a une différence incommensurable entre un bout de fer rouillé sorti d'on ne sait quel grenier du grand-père et une arme récupérée sur un charnier, localisée, datée, fichée, et précisée.
Ca m'a heurté aussi l'histoire de détruire des objets chargés d'histoire. Mais je comprends la logique... même si je ne l'approuve pas, je la comprends.
S'il faut détruire ces objets-là pour que d'autres soient préservés, c'est choisir le moindre mal.

Le ton des personnes du forum peut paraître véhément mais c'est vraiment l'expression d'une passion commune et le sentiment d'impuissance (de colère ?) devant une histoire qui est en train de se perdre.
Je l'ai dit plus haut: ces objets sont de l'Histoire Perdue et ce n'est pas parce qu'ils existent qu'ils ont une histoire. Ils sont en quelque sorte lettres mortes, ils n'apportent rien d'autre qu'une vague nostalgie ou un attachement sentimental. Ca peut paraître cru ou excessif mais ... s'il faut les détruire pour que les gens prennent conscience qu'en alimentant ce trafic, ils contribuent de facto à tuer notre Histoire, on peut appeler ça un sacrifice nécessaire.
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