"médecine et soins": spécialités?

Vie, coutumes, institutions, pouvoir et organisation de la société au Moyen-Age

Modérateur : L'équipe des gentils modos

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eodhel
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jeu. juil. 10, 2008 7:08 am

Le furet a dit : les médecins pourraient s'occuper de vraies maladies.
Je ne crois pas qu'il y ait des vraies et des fausses maladies, on ne peut pas vraiment hiérarchiser (on devrait, mais on ne peut pas...).
En revanche, il y a des malades plus ou moins handicapés par leurs maux, qu'il faut traiter pour qu'il puissent être sereinement productifs.
(exemple : l'asthme est considéré comme une maladie ; il y en a qui en meurent, il y en a qui arrivent à des niveaux de compétition sportive assez élevés... La même tare - j'en suis également affligée - sert à certains d'excuse pour ne pas se bouger le cul et sert à d'autre à prouver que rien ne les arrêtera).
Lorsqu'on ne traite pas "contre une maladie", mais qu'on traite "pour un malade", ça fait une sacrée différence. Et pour ça, il y a des physiciens/rebouteux/thérapeutes (peu importe le nom) qui feront toujours mieux que des ânes savants récitant leur vidal sans chercher à comprendre (hé oui, toujours cette différence entre le premier de la promo et le dernier de la promo...).
<span style="color: #0000ff;">Mediaephile  </span><a href="http://mediaephile.com" target="_blank">http://mediaephile.com   </a> Si ceux qui disent du mal de moi savaient ce que je pense d'eux, ils en diraient bien davantage. S.Guitry
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yrwanel
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jeu. juil. 10, 2008 12:14 pm

Disons que on devrait plus parler en terme de "santé" et rejoindre la définition de "bien-être" de l'OMS, définition qui rejoint "d'autres médecines" qui ont autant fait leurs preuves que l'occidentale actuelle.

Et parler de "situation de handicap": une déficience ou une atteinte fonctionnelle ne met pas obligatoirement en situation de handicap...

Sinon: un gars de 2m10 est "handicapé" parce qu'il déborde des lits "classiques taille moyenne". Une nana d'1m50 n'a pas de soucis avec les hauteurs de portes, mais n'atteint pas le haut de l'armoire...

Dans la "maladie", il y a aussi le vécu perso de la personne mais aussi les interactions (ou "regards des autres") qui agissent.

De surcroît, "grave" ou "pas grave": suivant quelle échelle? Quels critères?

(OK: face à 2 personnes qui arrivent en même temps, la crise cardio passera avant la sinusite!) [img]images/icones/icon15.gif[/img]
jehan petitpierre_

mar. juil. 15, 2008 4:11 pm

Bonjour

Désolé de la réponse tardive mais vacances-vacances…

Je vais juste passer rapidement sur les considérations émises sur l’efficacité de la médecine, les effets secondaires des traitements actuels et les « nouvelles maladies « émergentes, ce n’est certes pas le but de ce forum, et encore moins de cette section, de disserter sur la médecine moderne. Il est aussi question de la médecine « naturelles » appliquée au moyen age.

Il faut toutefois considérer que l’homme « moderne » dans notre société occidentale vit, en moyenne, 40 ans de plus qu’il y a 500ans. Si l’amélioration des conditions de vie et de travail y est pour beaucoup, ce serait faire injure aux milliers de scientifiques qui, depuis 150 ans, ont consacré leur vie à l’amélioration des connaissances scientifiques et qui ont permis de mieux comprendre et de mieux soigner les maladies que de les ramener à pas grand chose. Les « Pasteur » , « Bernard », « Koch », « Flemming », « Watson et Crick »… méritent certes mieux que ces considérations.

En parlant de « nouvelles maladie » (Ebola, Sida..) je souhaite juste rappeler que c’est bel et bien ce qui pouvait être considéré comme une « nouvelle maladie » (dans le sens ou elle avait disparu pendant 8 siècles) qui dévastât le monde entre 1320 et 1352 et qui, en 5 ans (1347-1352) tuât près de 50% de la population européenne.

La peste noire reste, à l’heure actuelle, la pire catastrophe de l’histoire de l’humanité !

De nos jours, cette maladie se soigne avec la prise d’un antibiotique banal pendant 1 semaine !!!

Plus de 50% des personnes atteinte d’un cancer guérissent de nos jours et il y a bien longtemps qu’on n’a plus vu mourir un enfant d’une pneumonie.

De même, une « bête » appendicite, au XVeme siècle, signait immanquablement votre arrêt de mort !

Quand aux « médecine naturelle » prônées par les « médecins » du moyen age, c’est un leurre.

Les théories médicales de l’époque reposaient de manière dogmatique sur la théorie des humeurs de Galien et d’Hippocrate. Cette théorie ramenant tous dysfonctionnements du corps à un déséquilibre des 4 éléments (eux-mêmes représentés par les 4 humeurs) entraîne des principes de traitements qui n’ont rien de « naturels » et ne sont pas basés sur une observation d’efficacité mais bien sur des similitudes de formes et de couleurs des substances utilisées avec les éléments incriminés ainsi que sur des considérations diverses et quasi toutes erronées.

Si des principes actifs ont étés utilisés avec succès, ce n’est pas grâce aux médecins mais soit par le fait du hasard ou de le sagesse populaire (qui avait, elle fait les observations ad hoc).

Tournons la page et venons-en à la question du topic.

Plaçons-nous donc sous le règne de Saint Louis ; milieu du XIII eme siècle.

Les « soignants » lettrés étaient appelés « Medicus » sous l’empire romains et ce nom est resté en vigueur pendant toute les périodes méro et carolingiennes.

La formation des ces « savants » est restés « laique » durant quelques siècles avant de passer, vers le VII-VIII eme siècle aux mais des clercs qui avaient conservé quelques rares manuscrits antiques dans leurs monastères et écoles conventuelles ou épiscopales.

Vers le Xeme siècle, l’école de Salerne a repris (imparfaitement) le flambeau et, grâce au travail de gens comme Constantin l’Africain et ses traductions de l’Arabe vers le Latin (les Arabes qui avaient redécouvert et traduit les écrits des anciens Grecs et Latins). Cette école va alors rayonner à travers l’occident pendant deux siècles. Laïque, mixte et interconfessionnelle, elle édictera des guide tant d’hygiène, de médecine que de chirurgie qui, si ils n’apporteront rien de bien merveilleux et de novateurs, auront le mérite d’exister et de combler un tantinet le vide laissé par la première partie du moyen age.

Vers la fin du XII eme siècle (1180) se créent les premières universités. Soumises à l’autorité directes du pape, les étudiants y ont un statut de clerc. Les matières enseignées comprennent la médecine et donc, les premiers « médecins » sortent de l’unif. Ils sont appelés alors Physicus.

La raison de ce terme vient peut-être (pas sur à 100%) que cela inclut ce qui est matériel en opposition au spirituel. Le physicus s’occupe du soin du corps.

En 1215, une bulle du pape Innocent III interdit aux gens d’église de s’occuper directement du corps pour se concentrer sur l’âme. Cet édit sonne le glas de la chirurgie à l’université. Les physicus pourront certes continuer à étudier la médecine et continueront à devenir médecin mais ils ne pourront plus pratiquer l’examen direct ni pratiquer des opérations chirurgicales. Ils se contenteront d’étudier, en sus du trivium et du Quadrivium, la médecine de Galien qui sera encore plus considérée comme vérité dogmatique de par la perte de contact des médecins avec les réalités des malades.

Cette séparation ne se fera pas en 2 semaines évidement et si, en France, les deux disciplines sont très tôt séparées (le college de Saint Côme sera crée aux alentours de 1250), les grands chirurgiens de l’école de Bologne de la fin du XIII eme siècle (Lanfranc, Guillaume de Salicet, Théodoric) seront tous issus de l’université et certains d’entre eux seront des clercs. Il subsistera des « chirurgiens médecins » jusqu’au XVeme siècle en Italie).

Les chirurgiens, « rejetés » du monde universitaires, deviendront des artisans avec leurs propres canaux de formation (apprentissage, confrérie de Saint Côme…). Ils seront appelés « Mires » ou « Mierges » selon les régions et seront vite en position inconfortables entre les physicii qui leur sont « supérieurs » et les barbiers qui essaieront de grappiller des compétences chirurgicales sans, le plus souvent, avoir de formation autre qu’empirique.

Les chirurgiens changeront de noms vers la fin du XIVeme siècle (à la louche car cela dépend encore de la région) pour se nommer Cyrurgien ou encore Surgien (qui a donné le « surgeon » des anglo-saxons).
Ils fusionneront finalement avec les barbiers au XVIeme siècle (mais c’est une autre histoire).

Assez paradoxalement, c’est cette perte de statut qui permettra à la chirurgie d’évoluer (par l’observation et une certaine forme d’expérimentation) durant le moyen age alors que la médecine restera désespérément stagnante.


Dernière chose (après, je vous fous la paix, promis), l’astrologie.

La distinction entre astronomie et astrologie est inexistence au moyen age et les astres (Mars, la Lune, Jupiter…) sont chargées de propriétés incluses dans la théorie des humeurs (Mars est associé au feu).

Une maladie et, à fortiori, une épidémie est toujours associée à une « conjonction néfaste »

Pour exemple, lors de l’épidémie de peste noire, le roi Philippe VI demandât à la Sorbonne les origines de ce fléau, il lui fût répondu que c’était dû à « une corruption de l’air elle-même provoquée par une mauvaise conjonction des planètes ». En effet, en 1345, avait eu lieu une réunion de Mars, Saturne et Jupiter dans le signe du verseau. Cette conjonction avait soulevé des vapeurs, elle-même responsable de la corruption de l’air.

De même, les saignées étaient réglées entre autre par des considérations astrologiques.

L’astrologie faisait donc intimement partie de la médecine et était incluse dans les théories d’Hippocrate et de Galien (qui se voulaient holistiques).

Voila, désolé d’avoir été long mais j’avais un peu de temps à tuer et j’espère avoir au moins répondu à une dizaine de question sur les 97993 que tu te poses.
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yrwanel
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mar. juil. 15, 2008 4:58 pm

YES! et merci!

Bon tout de même....
Si "l'art de soigner" (toutes catégories confondues, de l'universitaire au rebouteux) avaient été aussi "déplorables", et ce depuis la nuit des temps, y aurait-il eu cette explosion démographique avec apex juste avant la Grande Peste?
Laquelle a pu faire son lit, aussi, entre les guerres/ famines et météo pourrave, ce qui probablement la rendue aussi "toxique".

Des "pestes" il y en a eu d'autres en Europe, mais dont les impacts n'ont pas été aussi importants (ou avec moins de "reportages"?). Sans parler de la dernière en date en Europe, celle des "dark ages" a "nettoyé", certes, mais pas de façon aussi dramatique que la Grande.
Or, à cette époque, il y avait moins de toubibs et plus de "soignants"...

Ils ne devaient pas être si "nuls" que cela, sinon on serait pas là pour en discuter!

La "santé" ne passe pas obligatoirement par la case "chirurgie", et ce sans remettre en cause les prouesses actuelles! Ni son indispensable utilité.

Y a le "reste": qui se base sur les connaissances anciennes, y compris rebouteux et plantes...
Or ceux-là au MA (et jusque à Vichy): on leur fichait la paix...
(pof: une autre question sur un nouveau post...)
jehan petitpierre_

mer. juil. 16, 2008 2:38 pm

Salut
Si "l'art de soigner" (toutes catégories confondues, de l'universitaire au rebouteux) avaient été aussi "déplorables", et ce depuis la nuit des temps, y aurait-il eu cette explosion démographique avec apex juste avant la Grande Peste?
L'art de soigner date du début de l'humanité et est à mettre en corrélation avec la simple survie de l'espèce, c'est sur et certain.

C'est par succession d'essai-erreur que les hommes ont découvert comment se nourrir (cette petite baie rouge, ok mais l'orange à coté te filera une chiasse pas possible) et aussi se soigner (cette herbe mâchée mise sur une plaie la fera guérir plus vite, cette écorce de cet arbre écrasée ou infusée te débarassera des bebetes dans ta tète qui te font mal)
celle des "dark ages" a "nettoyé", certes, mais pas de façon aussi dramatique que la Grande.
Un peu raccourci cette liaison "moins de morts car moins de toubibs".

Une population plus dispersée, une moins grande concentration urbaine, des routes en moins bon état et des populations plus repliées sur elles-même ont fait que la mortalité de la peste Justinienne du VI eme siècle fut moins dramatique que la peste du XIV eme....quoique!

La diminution de la population de Constantinople fut, lors de cette peste de pas loin de 50% et la région de l'Asie Mineure et de la Grèce fut particulièrement malmenée (sans compter l'Egypte car elle partit d'Alexandrie).

La médecine officièlle, par contre, était engoncée dans son dogmatisme Galénique issu de pensées abstraites et non correlée par la simple observation.
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yrwanel
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mer. juil. 16, 2008 6:46 pm

Minute... j'ai pas dit que les toubibs tuaient!
Juste que il y en avait moins... mais que d'autres "soluces" soignantes existaient! Et ne devaient pas être trop "nulles".

Outre l'essai-erreur, il y a aussi l'observation qui a dû jouer dans "comment se soigner", dont l'observation des animaux (qui ne sont pas complètement débiles, sinon y en aurait plus non plus! Une vache qui bouffe de la colchique, c'est qu'elle a un soucis dans la tête!)

Clair que la surpopulation est une vecteur efficace à une propagation!
(prenez une rame de métro bondée en hiver... [img]images/icones/icon15.gif[/img] )
A côté de cela, les pestes pouvaient "passer" à côté d'un patelin et en décimé un autre.

Et, en maladie, y a pas que la peste... [img]images/icones/icon12.gif[/img]
jehan petitpierre_

mer. juil. 16, 2008 11:43 pm

Je pense qu'on est d'accord avec d'autres mots.

Quand j'utilise le terme "essai-erreur" et que tu utilises celui d'"observation", nous parlons évidement de la même chose.

Bien sur aussi qu'il y avait d'autres maladies.

Il y avait aussi extrèmemnt peu de médecins officiels et ils étaient physiquement et économiquement inaccessibles à l'immense majorité des gens de l'époque.

Cette immense majorité se soignait donc (bien sur) avec l'aide de la "sagesse populaire" (rebouteux, herboristes, remède traditionnels connus de tous...) et je suis convaincu qu'ils n'étaient pas moins bien soignés que ceux qui avaient acces à un "vrai" médecin.
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yrwanel
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ven. juil. 18, 2008 6:16 am

[img]images/icones/icon15.gif[/img] [img]images/icones/icon15.gif[/img] [img]images/icones/icon15.gif[/img]

Sans du tout sortir du sujet:
Vu l'organisation de l'enseignement de la médecine, et tout cas au MA, tu soulignes que c'est un enseignement essentiellement théorique, basé sur des écrits anciens ce qui n'enlève rien à leur valeur intrinsèque... théorique. La théorie, il en faut aussi.

D'après ce que tu dis, dans l'évolution de la médecine, le médecin "touche" et "ausculte " assez peu le patient, et donc applique des théories scholastiques.
Et, plus tard, avec les "dérives" dont Molière se gausse, probablement non sans raison.
(actu, on est pas plus à l'abri des ces "théories", des fois!)
=> L'école de médecine qui finalement soigne la maladie...(mais où est passé le malade?)
Un poil caricatural, sans doute, mais pas très loin.

Il semble donc que le "soin praticien", ou la "pratique concrète" du patient se retrouve dans les mains des autres "soignants", finalement plus dans le "concret" de la maladie/état de santé de la personne.
Et en fonctionnant en synergie avec l'environnement (ne fût-ce que pour les remèdes!) et le patient.

Si on suit l'histoire: au fil du temps, ces "praticiens" se sont retrouvé dans les circuit "guilde", dont on sait que,si elles ont eu des effets positifs, en échange, ces guildes se sont peu "adaptées" et, toutes guildes confondues, se sont "sclérosées" en se figeant.
Ces praticiens (ex: barbiers-chirugiens...), comme tu le soulignes aussi, se sont retrouvé dans le circuit "universitaire", scholastique et, lui aussi, dans une certaine mesure "sclérosé" (reconnaissons que les plus "novateurs" ont tous eu quelques "soucis" avec les "officiels"!)

En parallèle, là on sort du MA niveau dates, on assiste à la chasse aux sorcières.. dont les "bonnes femmes" qui tenaient les connaissances "reboutage-plantes" ont payé un très lourd tribu, au nom de l'église, laquelle tenait en main l'enseignement des soins (médicaux) et a entamé une campagne musclée "anti-femme" dans tous les domaines. (sorry: mais là, c'est PUR histo! C'est un constat. Point barre!).
D'une pierre deux coups: les "savoirs païens" sont mis au ban, ceux (celles!) qui les détiennent: idem, assortie de mesures interdisant aux femmes l'accès à l'enseignement universitaire contrôlé et "pensée unique".

En échange: on peut se demander quelle est l'étendue de la perte de ces connaissances "sagesse populaire" suite à cette dynamique sociétale.

Assez drôle, Jehan:
Le circuit "plantes" ne manque pas d'intérêt. [img]images/icones/icon15.gif[/img]

Pas mal de plantes/ animaux à effet thérapeutique servent aussi en teinture.
Exemple le fameux kermès, très "chargé" dans sa signification couleur, mais qu'on retrouve dans les préparations d'apothicaire!
Et repris dans des traités de médecine (Le monde des teintures végétales, Cardon).

Actuellement, on commence à analyser ces "teintures", leur découvrant des propriétés connexes... dont: anti-mite, mais aussi "thérapie préventive"...
Ne redécouvre t-on pas certains savoir-faire et connaissances "sagesse populaire" perdues?
Là: à suivre...
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Bref: il y a un lien et un fil entre le textile et la "médecine générale"...

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