Gambi sous haubergeon, une nécessité ?

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khosrau de samarkand
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jeu. déc. 08, 2011 3:41 pm

Il me semble qu'au XIVè, voire même après, il y a des pièces de mailles qui se portent sans vêtement rembourré en dessous. Si on regarde les textes d'ordonnance 15è, les gorgerins sont parfois sans vêtement matelassé en dessous. Les manches d'hauberts ont également été soulevés, et dans un texte (oriental), il est dit que Saladdin survit à une tentative d'assassinat en sortant de la mosquée, car il portait une maille sous son vêtement (sans rembourrage donc: il est en civil). Ca indique que la maille EST certainement efficace seule.

Au passage, si on parle de techniques de combat, je voudrais soulever quelques points:
-Dans le I.33 : les techniques de taille qui y sont decrites sont vulnerantes face à de la chair, c'est une certitude, mais quand on voit ces techniques, à mon avis, une maille seule suffirait à éliminer quasiment tout risque, parceque les techniques en question, avec une épée affûtée de 1,2 kg, ne causent pas une fracture, à peine un bleu. Ce qui signifie: un homme avec une maille seule a un avantage déjà monstrueux face à quelqu'un qui n'a que ses vêtements.
-Si on revient au militaire à présent: les techniques avec un coup armé (à l'épée) pour avoir de l'impact sont à mon avis minoritaires (aucun traité plus tardif ne parle de ce genre de coup). Trop prévisibles, trop de temps perdus, trop de mata-amigos en formation serrée. Donc je rejoins Médiéviste: le risque de fracture est probablement assez faible.
-Les techniques armés n'ont un intérêt que face à un enmailloté (tout comme la demi-épée tardive n'a d'intérêt que face à un panzer). Mais là encore, on est fortement désavantagé, car forcé d'asséner un coup violent. Et si nous on n'a pas de protection, en face il n'est pas limité comme nous à certaines techniques, il peut tout faire. Les coups armés perdent à mon avis leur intérêt à partir du moment où il y a un gambison en plus en face (d'où l'intérêt du gambison sous la maille). Il faut alors recourir à autre chose, comme viser les zones découvertes.
-On se retrouve donc à mon avis en combat essentiellement avec des coups de taille faiblement armés, des estocs, et des entailles (les trois vulnérants à l'épée decrits au XVè), ce contre quoi la maille seule est largement suffisante.
-Idem face à une lance: supposons que le lancier rate un estoc, son fer passe à coté de sa cible, il a tout intérêt alors à faire ce qui se faisait déjà avant: plaquer sa lance contre sa cible et retirer sa lance. Le fer en passant sur sa cible, va l'entailler... Sauf s'il a une maille (pas besoin de gambison).

En conclusion, je pense donc qu'il est possible et efficace de porter une maille seule au XIIIè, et que ce niveau de protection est un intermédiaire entre un combattant "nu" et un combattant qui aurait de la maille et un gambison.
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Conrad de Maucourt
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jeu. déc. 08, 2011 5:36 pm

Petite anecdote concernant le port de la maille. Un de mes amis m'a raconté qu'une personne de sa connaissance se trimballait toujours avec sa maille sous ses vêtement histoire d'avoir l'habitude de la porter. Un jour lorsqu'il était dans le métro, un homme à voulu lui donner un coup de couteau dans le dos, qu'elle surprise lorsque ce monsieur très mal intentionné à vu que sa lame ne lui avait fait aucuns effets. Au final il a pris ses jambes à son coup.... bref annecdote terminée.
Je pense qu'une couche gambisonné sous une maille est plus pratique et plus confortable tout de même, enfin ce n'est que mon humble avis.
Passavant li meillor

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olivier l-beaulieu
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jeu. déc. 08, 2011 7:02 pm

Je peux comprendre qu'une maille sans gambison arrête une épée et ne cause que très peu de dommages. Seulement, que fait-on d'une flèche qui file à 60 mètres par seconde ou encore un coup d'estoc donné par une lance? Sans un minimum de rembourrage, le choc seul causerait des dommages, non? C'est sur ce point que je ne suis pas convaincu de l'absence d'un gambison à n'importe quelle époque (ou tout autre vêtement destiné à amortir, que ce soit du cuir ou du tissu).

Le débat est intéressant. Je le suis avec intérêt.
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ingelrannus
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jeu. déc. 08, 2011 9:47 pm

merci Khosrau pour ces infos qui viennent compléter l'argumentation de médiéviste.
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guaraco
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jeu. déc. 08, 2011 10:00 pm

Pour en revenir à ce qui a été dit plus haut concernant l'acceptation du risque de blessures et la tolérance à la douleur de nos aïeux, l'ouvrage de H.Drévillon, P.Serna et P.Brioist, Croiser le Fer, bien que portant sur la période moderne, apporte des éléments intéressants.

L'étude détaillée des archives du Châtelet concernant les autopsies de victimes de duels, pour la période 1693-1791, révèle qu'un grand nombre des combattants avaient reçus des coups d'estoc aux avants-bras, aux mains et à la jambe d'appel, bien avant l'estocade fatale, coups reçus en se protégeant avec le bras non armée ou coups "perdus". On a donc affaire à des types qui,blessés plus ou moins profondément dans des zones secondaires, continuent de combattre.

Un extrait des mémoires du Comte de Forbin (fin XVIIe) font état d'un duel entre lui et le chevalier de Gourdon. Forbin pousse deux estocades à son adversaire, une au ventre, l'autre à la gorge, où l'épée reste coincée suite à une parade. Gourdon a encore la force de menacer Forbin des deux épées (la sienne et celle de Forbin, tombée entre temps de sa gorge), faire un petit speech pour se rendre, avant de s'écrouler mort. Le cas n'est pas isolée, et d'autre mémoires (Bussy-Rabutin, Campion) font état de duels où les combattants, tant le vainqueur que le vaincu, subissent plusieurs blessures, parfois graves (amputation des doigts, lèvres ou oreilles fendues) pendant l'assaut.

Comme dit plus haut, à partir du moment où l'on s'engage dans un affrontement armé, duel ou bataille, il semble qu'il y a acceptation du risque de blessures, plus une tolérance à la douleur beaucoup large que maintenant.
Ce qui amènerait, pour le MA, à relativiser la présence de gambi sous la maille ou du moins leur épaisseur ^^.
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medieviste
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jeu. déc. 08, 2011 10:12 pm

khosrau de samarkand a écrit : Au passage, si on parle de techniques de combat, je voudrais soulever quelques points:
-Dans le I.33 : les techniques de taille qui y sont decrites sont vulnerantes face à de la chair, c'est une certitude, mais quand on voit ces techniques, à mon avis, une maille seule suffirait à éliminer quasiment tout risque, parceque les techniques en question, avec une épée affûtée de 1,2 kg, ne causent pas une fracture, à peine un bleu. Ce qui signifie: un homme avec une maille seule a un avantage déjà monstrueux face à quelqu'un qui n'a que ses vêtements.
-Si on revient au militaire à présent: les techniques avec un coup armé (à l'épée) pour avoir de l'impact sont à mon avis minoritaires (aucun traité plus tardif ne parle de ce genre de coup). Trop prévisibles, trop de temps perdus, trop de mata-amigos en formation serrée. Donc je rejoins Médiéviste: le risque de fracture est probablement assez faible.
Je souscris totalement à ce que tu dis.
En fait, ça revient à soulever une vaste probématique qui dépasse du carde de ce sujet et qui, à mon avis, n'est pas prête de trouver une réponse claire : en gros ça revient à poser la question : le combat en armure de mailles est-il le même que le I.33 (civil) ou est-il différent (coups plus appuyés, plus amples) ?
Dans le premier cas, il apparait évident que le haubert seul arrête l'immense majorité des coups décrits dans le I.33, et porter un gambi en dessous est totalement superflu dans une escrime à l'épée.
Dans le second cas, le port d'un gambi en dessous du haubert se justifie bien plus, mais les traités sont muets ...en même temps, pour le XIIIe, on n'a qu'un seul traîté, et il est clairement civil. Or, rien n'indique qu'il n'y en ait pas eu d'autres, mais qui ont disparus entretemps !

Bref, on est dans un vaste flou artistique.

Personnellement, je serais plus enclin à penser qu'on frappe plus fort face à des types armurés (coups plus amples) car sinon le type en haubert ou même en gambi est quasi invulnérable, et l'écart de prix haubert-gambi me semblerait assez disproportionné : un gambi seul suffit à stopper aussi bien qu'un haubert les coups de taille du I.33 (et j'aimerais bien expérimenter aussi le gambi face aux estocs d'épée) ; mais ça n'est que mon avis perso !

Et Guaraco, je suis également de ton avis : l'acceptation des risques, une endurance à la douleur amplement supérieure à nous autres, chochottes dépendantes du confort, sans oublier un état d'esprit "second" pendant le combat font que ces risques sont acceptés ; perdre un doigt pour ces gens-là devait être plus "banal" que ça ne le serait pour nous...
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khosrau de samarkand
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ven. déc. 09, 2011 1:55 pm

C'est sûr que face à une flèche ou une lance, il vaut mieux avoir un gambisonn mais normalement, on a déjà un bouclier pour ça! Je dis seulement que la maille protège déjà beaucoup, et permet de faire face à déjà un gros paquet de situations. On trouve toujours une arme face à laquelle l'armure ne sert à rien. Comme actuellement, le gilet pare-balle permet de survivre à pas mal de choses, mais pas tout...

Pour ce qui est de frapper fort, peut être que c'est une solution, surtout s'il n'y a que de la maille en face... Je préfère l'hypothèse selon laquelle ils visaient les zones non protégées ou luttaient pour mettre l'adversaire à terre et l'achever ou le prendre prisonnier.

Le rapport à la douleur n'est pas la même à l'époque et maintenant, ni même le rapport à la violence (le concept "la violence ne résout rien" n'a par cours au MA: les duels pour l'honneur et les duels judiciaires en sont la preuve, et les lettres de rémission aussi, indirectement).
Cependant, il faut noter qu'il y a une volonté d'éviter la violence et la douleur ou la blessure quand c'est possible, les preuves pour ça: l'existence même de la loi, des armures, la fuite des champs de bataille, la médecine et notamment la médecine militaire, les notions véhiculées par les religions, le délai qui existe normalement entre la décision d'un duel judiciaire et le duel même (qui sert à préparer les duelliste, mais aussi à leur laisser le temps de reflechir à ça, et éventuellement se désister ou trouver un arrangement). Il y a aussi le fait que l'on peut désigner ou embaucher un champion pour se battre à sa place en duel judiciaire dans certains cas! Il y a aussi les nombreuses plaintes de violence, notamment pour des bagarres d'étudiants à Paris ou dans d'autres grandes villes.
Finalement, il y a les techniques d'escrime: quand on voit un assaut en AMHE actuellement, ou sur une bataille comme à Folleville, on est à mon avis bien plus rentre-dedans qu'au Moyen Age (vu qu'on ne risque rien, et que c'est à la touche en premier, peu importe si on s'en prend une derrière, ou même si on s'en prend une tout court).

Mais si on regarde le I.33, le premier coup vise TOUJOURS les mains! Tout en protégeant non pas sa tête ou son torse, mais ses propres mains! Ca en dit suffisamment sur l'effet d'une pointe d'épée sur une main, et sur l'importance de les protéger pour un combattant du Moyen Age. Idem pour les traités plus tardifs qui ont de nombreux coups visant les mains, et qui sont des escrimes à distance, et qui servent avant tout à s'en sortir, tant pis si on n'a pas blessé ou tué l'adversaire (à ce titre, la lance et l'arc permettent aussi d'être à distance d'un adversaire). Donc je ne suis pas d'accord pour dire qu'au Moyen Age, quelqu'un était prêt à sacrifier des doigts pour tuer quelqu'un. Il va tout faire pour s'en sortir entier. Y compris chez les militaires. L'acceptation d'un risque, ce n'est pas l'acceptation d'une certitude, et tout est fait pour réduire le risque.

La douleur et la blessure sont certainement plus courants que pour nous, et je pense aussi qu'ils étaient plus endurants, les grands chapitres réservés aux fractures et blessures de guerre dans les ouvrages de médecine vont en ce sens. Mais ça ne veut pas dire qu'ils la recherchent.
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medieviste
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ven. déc. 09, 2011 9:42 pm

Pour les coups sur les doigts, même une simple moufle de mailles non rembourrée suffit à conserver ses doigts : en cas de chocs, ils sont cassés, certes, mais pas coupés !

Sinon j'ai réfléchit (si, si, ça m'arrive parfois) à cette histoire d'escrime "civile" face à des hauberts, et je reste sur ma réserve : vu les coups hyper violents constatés sur des squelettes de charniers, notamment des coups ayant entaillé des crânes très sévèrement, ou des coups ayant sectionné totalement un tibias (il y a même un coups ayant sectionné net deux jambes au niveau du tibias) ces coups sont assurément des coups amples, portés avec force, loin des coups "classiques" qu'on voit dans le I.33 par exemple.
Il n'y a qu'à voir la force et l'envergure qu'on doit mettre dans nos coups d'épées lors de nos tests de coupe...et on ne coupe pas un tibias humain entouré de chair et de tissus !
Personnellement je penche plus pour une escrime basée sur des coups pluys amples et plus violents face à un type armuré (haubert, mais également gambi-panzer)
Mais je doute qu'on trouve un jour la clé de l'énigme, vu qu'on n'a aucun moyen de déterminer avec certitude comment ils s'affrontaient réellement à l'époque sur les champs de bataille.
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khosrau de samarkand
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sam. déc. 10, 2011 11:36 am

Dans le cas de Wisby, en particulier pour celui qui s'est fait couper les deux tibias d'un coup, il s'agit probablement d'une "execution". Idem pour beaucoup de blessures à la tête à Towton. On sait qu'il y en a eu beaucoup dans les deux batailles, et l'angle de l'entaille sur les crânes de Towton semble indiquer que le coup a été porté sur des gens à genoux, ou peut être par quelqu'un à cheval, et que les victimes était sans casques, peut être des fuyards (l'emplacement des crânes est très distant les uns des autres, et aussi assez distants du site supposé de la bataille, le récit de la bataille mentionne une fuite, poursuite et exécution aussi). Pour Wisby, personnellement, je ne connais pas d'arme avec un tranchant assez long pour atteindre les deux tibias d'un homme en position de combat d'un seul coup. Les jambes devaient être rapprochées.
De façon plus générale, on n'a que très peu d'information sur comment ont été portés les coups. Si la victime était armurée, si elle s'est prise un coup d'un cavalier ou d'un piéton, avec quelle arme (hache? épée? un autre type d'arme d'hast? J'opterais pour le troisième dans le cas de batailles.)...
Pour ce qui est de la coupe, il n'y a pas besoin de force pour couper quelquechose avec la densité de la chair, et avec un os dedans. Tout le monde peut y arriver. Je ne dis pas que c'est forcément facile, mais frapper plus fort ne fonctionne pas forcément, dans le sens où ce qui se passe classiquement, quand on frappe fort, c'est qu'on perd le contrôle de l'arme et l'angle d'attaque est mauvais, d'où une mauvaise coupe. L'important est de bien controler l'angle de l'arme, et de "poursuivre le mouvement" (pas l'arreter sur la cible). Et là en général, on ne sent que très peu de résistance... L'estoc est plus simple, et l'entaille est facile également (peut être parcequ'on est déjà habitué à couper notre viande par des mouvements d'entaille, alors ça vient naturellement?) Evidemment, une entaille ne coupera pas un os.

Et oui, l'escrime civile est inefficace contre une armure... C'est justement le but de l'armure, de protéger. Et celui de l'escrime civile de viser la facilité face à un adversaire non armuré. Je reste convaincu pour ma part que face à une armure, on cherche une zone non protégée, mais bon, on en a déjà discuté ailleurs...
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