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Posté : sam. janv. 16, 2010 11:48 am
par von spessen
Bonjour à toutes et tous...
à notre époque, on aime parfois le goût fumé d'un aliment, pour une raison x ou y... mais il fut un temps... on salait, fumait, séchait, (les fruits par exemple) pour conserver, y compris les excédents s'il y en a.
Un tonnelet, une jarre etc. de poisson fumé , s'il se conserve plus longtemps que l'aliment frais, il lui est donc possible de voyager aussi plus loin...
On va donc diffuser l'aliment en dehors de sa zone de production. Vers des endroits avec des acheteurs qui ont des sous: des villes, etc.
La nourriture, comme les vêtements, a de tout temps été un moyen, pour les couches les plus aisées des populations, de se démarquer des moins bien lotis.
D'où une recherche continuelle, entre autre, d'étoffes et de mets venant de pays lointains...( ou de la région d'à côté, voire... ;) )
Est-t-il possible de considérer que cette volonté continuelle d'affirmer leur prééminence de la part des nobles ou bourgeois, (suivant le siècle)-y compris donc concernant leur nourriture- soit la cause d'une diffusion élargie de produits fumés,salés, etc ?
j'ai eu cette idée en lisant vos messages, qu'en pensez-vous? Avez vous des études ou livres à me conseiller qui me permettraient de creuser cette question ?
Merci par avance.

Sinon, pour les anguilles, et les silures, vous m'avez mis l'eau à la bouche !!!
[img]smile/bluewink.gif[/img]
gastronomiquement vôtre...

Posté : sam. janv. 16, 2010 5:23 pm
par yrwanel
Je dirais platement que, à partir du moment où on a pas de frigo, de congélateur: on assure, dans tous les cas, les "mauvaises saisons".

Soit que les conditions météo soient peu favorables pour aller chercher (cueillir, pêcher, chasser), ou que il faut bien manger en dehors de la période de "récolte, chasse, abattage, pêche...".

Soit: conserver les "excédents", ce qui évite d'aller tous les jours "chercher" à manger. Puis cela varie un peu le "menu"! [img]images/icones/icon15.gif[/img]

=> effectivement, et on ne sait pas "dater" forcément, différents types de conservations:
- sel, saumure,
- dessiccation (fruits, légumes, grains, viande, poisson...)
- fumage
- "macération" (exemple: choucroute)
- alcoolisation naturelle (raisin..= vin) + mettre des trucs en conserve dans "milieu alcoolique"
- milieu acide: ex: vinaigre (et tout ce qu'on peut conserver dedans...)
- conserve dans de la graisse (rillettes... saucisson + séchage), huile
- conserve en milieu sucré (à base de miel ou de sucre)

Dans chaque cas, l'adjonction "d'épices" ajoute un "plus" à la sapidité, certes, mais AUSSI: vertus digestives ET de conservation:
- jambon fumé frotté d'ortie empêche les mouches d'y pondre (et ajoute du goût!
- la sauge est un anti-putréfaction, etc.

La nourriture, comme TOUT le reste s'échange, donc fait l'objet de commerce.

Pas mal "d'épices et condiments" de chez nous sont parfaitement intéressants, tant en goût que conservation (ex: thym = anti bactérien)
En échange, il est vrai que des épices venues d'ailleurs, outre leurs qualités "médicinales" ( cela dépend des dosages, en fait!) sont un "signe d'étalage de richesse"!

Je ne pense pas que les aliments (à part les épices) voyageaient aussi loin que actuellement SAUF le "non périssable".

Par contre le sel a fait l'objet d'enjeux économiques très importants, le sucre aussi (et oui!), les épices: on le sait.
Les teintures naturelles: plus que certain!
Textiles: je vous raconte pas. Pierres précieuses: plus qu'on croit.
Fourrures: pas triste non plus!

Plus c'est rare (et/ vient de loin) + ce sera cher..

En commerce: du moment que cela s'achète et se vend, ma foi... on peut même refiler sa belle-mère! [img]images/icones/icon17.gif[/img] [img]images/icones/icon17.gif[/img] [img]images/icones/icon17.gif[/img]

Posté : dim. janv. 17, 2010 3:51 pm
par von spessen
Bonsoir,
merci bcp, Coprolithe.
simplement passionnant!

Posté : lun. janv. 18, 2010 12:53 pm
par yrwanel
merci!
Il se fait que mon âge (doucettement vénérable) m'a permis de connaître un "monde sans réfrigérateur" ni congélateur... [img]images/icones/icon17.gif[/img] => d'être un peu "branchée" sur les modes de conservations "alternatifs"!

Posté : mar. janv. 19, 2010 1:17 pm
par eggihard
Moi , je connais une grosse anguille à fumer !!!!!
Bon je sort

Posté : jeu. févr. 25, 2010 2:31 pm
par garin trousseboeuf
Je suis un peu surpris. J'ai ouï à propos de hareng salé, poudré, séché, caqué, mais il ne me semble pas avoir lu quelque chose à propos du fumé... Je vérifie dans le bouquin sus-cité.

Posté : mar. mars 23, 2010 11:51 am
par kalima
Je viens de trouver une mine sur l'animal dans la bouffe à partir du XIIIème et si, le hareng se fumait.

petit extrait d'un GROS article (presque 200 pages) :
Le hareng peut, après avoir été légèrement salé, être fumé. La technique particulière qui, probablement à partir de XIIe siècle, différencie le hareng de toute autre salaison écrit R. Delort, se nomme le saurissage, qui le rend imputrescible (fig. 105).

On maintient le poisson en salaison pendant huit ou dix jours puis on le dessale un ou deux jours en eau douce ; on l'égoutte, on le sèche et enfin on l'expose plus ou moins longtemps à la fumée de hêtre ou de chêne (36 heures en général). Au hareng saur confié à des hommes expérimentés (un maître-sau- risseur par exemple), on pouvait préférer le "hareng bouffi" soumis à un léger salage (une journée seulement) avant d'être exposé peu de temps à la flamme (pendant 8 heures) puis boucané sous l'action d'une fumée épaisse (Dardel, 1941). Ces derniers, appelés aussi appétits ou craquelots, ne se conservent en général qu'une quinzaine de jours.

Un exemple très intéressant permet d'illustrer la préparation du hareng: il s'agit d'un ensemble retrouvé sur le sol des cuisines du prieuré de Moreaucourt (Somme).


et l'article, parce que la lecture vaut le coup et qu'il y a plein d'infos sur les trucs fumés (il y a les anguilles aussi, en passant)

Clavel Benoît. L'animal dans l'alimentation médiévale et moderne en France du Nord (XIIIe - XVIIe siècles) . In: Revue archéologique de Picardie. Numéro spécial Numéro spécial 19, 2001. L'animal dans l'alimentation médiévale et moderne en France du Nord (XIIIe - XVIIe siècles). pp. 9-204.

doi : 10.3406/pica.2001.3065
url : http://www.persee.fr/web/revues/home/pr ... _19_1_3065

Edit : url corrigée

Posté : mar. mars 23, 2010 12:41 pm
par garin trousseboeuf
A affiner bien sur selon les époques et les endroits. Je note cependant que le fumage est un deuxième moyen de conservation. A la base le hareng est salé, ce sont les acheteurs, ici des moines, qui ont réalisé le fumage.

Posté : mer. mars 24, 2010 2:56 am
par kalima
A affiner aussi en lisant tout le reste : le dossier fait presque 200 pages ! mais il est question de fumage à différents endroits, sur différentes "ressources protéiniques d'original animale".

Posté : mer. mars 24, 2010 12:11 pm
par garin trousseboeuf
Oui oui, j'ai bien lu le dossier. Il y est posé des limites géographiques cependant, et la prtie citée sur le fumage, fort intéressante par ailleur me semble décorrélée sur le plan temporel. Fumer suppose pas mal de bois, chose pas forcément accessible à tous, à une époques où les feux sont le plus souvent de "landes", et ce jusque très tard. On peut imaginer un fumage au goémon (déjà fait !!!) mais ça ne veut rien dire. Ca explique peut être que des moines, propriétaires terriens, aient pu accéder au fumage, mais pour leur consommation, pour en faire commerce, en quelles quantités ???

Posté : mer. mars 24, 2010 3:17 pm
par cornelia
Le commerce du hareng est l'un des plus importants du MA (avec l'industrie textile), donc c'est peut etre une source de revenus pour un monastère (comme les pâtes de fruits de Timadeuc aujourd'hui :D )

Posté : jeu. mars 25, 2010 12:30 am
par garin trousseboeuf
J'entends bien Ajonc (bonjour à tous au passage !), mais il est présenté sous de nombreuses formes. Je m'interroge sur la proportion de poisson fumé disponible par rapport au hareng salé, caqué etc...

Posté : jeu. mars 25, 2010 3:35 am
par kalima
Garin,
Peut-être un début de réponse sur l'aspect temporaire dans un article (cf. référence et lien ci-dessous). Il est indiqué :
"Ainsi, le "Roi des poisson", le hareng, occupe la première place en nombre de restes. Le commerce de cette espèce, sous diverses formes, est très florissant. "Le hareng a été la grande affaire de la pêche au Moyen Âge, dès 735 quand saint Wandrille créait des pêcheries à l'embouchure de la Béthune, à proximité du val de Bouteille où on exploitaient des salines » (Mollat, 1987). À son abondance, s'ajoute les facilités de préparation (qui demandent néanmoins du temps et du sel spécial). "La technique particulière du saurissage à partir du Xlle siècle différencia le hareng de tout autre salaison » (Delort, 1984). Les harengs retrouvés à Compiègne sont probablement des poissons de conserve. Même s'il est difficile de le prouver."

D'après cet extrait, jusqu'au XIIème, c'est 100% hareng salé et la technique "mixte" du saurissage n'apparait qu'après (mais proportion ?).

Clavel Benoît. Étude sur l'alimentation carnée d'après les restes osseux retrouvés dans la fosse dépotoir 3162 du site des Hallettes à Compiègne (Oise). In: Revue archéologique de Picardie. Numéro spécial Numéro spécial 13, 1997. Fouilles de sauvetage sous la place du marché à Compiègne (Oise) -1991/1993. pp. 271-286.
doi : 10.3406/pica.1997.1956
url : http://www.persee.fr/web/revues/home/pr ... _13_1_1956

Posté : jeu. mars 25, 2010 12:51 pm
par garin trousseboeuf
Oui, il faudrait voir pourquoi l'auteur place cette date au XIIème... En tout cas merci pour cette mine d'articles fort interessants.