chants de troubadours

Musique médiévale, instruments, chansons, groupes

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vercoquin
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mar. janv. 30, 2007 1:36 pm

Voilà. Je bosse sur certains chants de troubadours. C'est à dire que je travaille leur adaptation-versification française, pour les jouer plutôt que les chanter. C'est un courant poétique qui me passionne depuis une dizaine d'années. Tant que j'ai envie de partager ce bonheur. En voilà un petit premier, en toute légèreté pour commencer. C'est un texte de Daudes de Prades, vraisemblablement du tout début du XIIIè siècle. Donnerai le texte original en occitan, à la demande...


Amour me requiert en son nom
Pour que mon chant fasse savoir
Comment il m'a en son pouvoir
Et s'il m'est trop cruel ou non
Comme je vois qu'il m'en appelle
Que la saison se renouvelle
Lors de bon droit chanter je vais
Tant il est vrai que vais en paix
Qu'en mon coeur est entrée la joie
Que désormais je suis sa loi

Suivant de l'amour les leçons
Je peux maintenant m'émouvoir
Car j'ai placé tout mon espoir
Et ma pensée, mes intentions
En une dame fine et belle
Et suis aimé d'une pucelle
Et si ribaude bien me plaît
Je m'en amuse et m'en égaie
Pourtant serais-je moins courtois
D'amour si j'ai la part en trois ?

Amour veut bien que par raison
J'aime dame pour mieux valoir
Laisser pucelle en mes bras choir
Et surtout que je trouve bon
Si c'est fillette en prime selle
Lorsqu'elle est bien fraîche et nouvelle
Qui jamais ne me trahirait
Car avec elle si je la paie
Je couche un soir ou deux par mois
En rendant à l'amour son droit

Envers amour il est félon
Qui d'une dame veut trop avoir
N'est courtoise si laisse voir
Son corps à nu et l'offre en don
Qu'on ait l'anneau et la cordelle
Que l'on se croit roi de Castille
Seule a valeur cour d'amour vrai
Si même un seul baiser j'avais
Que le surplus, merci ma foi
Soit un trésor gardé pour soi

Franche pucelle est de saison
Qui a le front blanc comme ivoire
A mon côté voulant s'asseoir
Car suis venu en sa maison
Si je veux sentir son aisselle
Furtive étreinte de mamelle
Qui ne bouge ni ne s'effraie
Mais tâche à me serrer de près
Si j'ai baiser, oh ! cette fois
Je frôlerais le doux endroit

Quant à ribaude au joli con
J'espère au moins que sans histoires
Elle cède à tout mon vouloir
Sans querelle ni tension
Pour ôter chemise et gonelle
Et danser sur l'air que lui vièle
Et qu'avec grand soin l'on essaie
Des jeux d'amour tous les attraits
Et si elle en sait plus que moi
Qu'elle me montre alors la voie
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vercoquin
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mer. janv. 31, 2007 2:42 am

En voilà un plus guerrier. C'est un chant de Bertran de Born, fin du XIIè siècle.

J'adresse cette plaidoirie
A qui veut l'entendre chanter
L'honneur est mort valeur aussi
Et si je voulais les venger
Je tuerais tant d'ennemis
Plus que le monde à l'agonie
Plus que la mer puisse noyer
Que les brasiers puissent brûler

Il n'y a ni tort ni folie
Que ma chanson veuille chanter
Celui que Dieu a enrichi
Doit savoir le sens garder
Que l'on soit riche ou démuni
En démesure n'est nul prix
Et tel qui veut trop s'élever
Jamais bien haut ne peut monter

Je sais royaumes où roi ne vit
Où sont barons en leurs comtés ?
Et je sais marches sans marquis
Puissants châteaux bien installés
Où il n'y a nul châtelain
Malgré pourtant des greniers pleins
L'on y mange une maigre part
Car le riche homme est un avare

Que de beaux harnois par ici
Autant que l'on veuille en trouver
Mais où Ogier est-il parti ?
Baudoin ? Bernard de Montdidier ?
Au grand soin des cheveux peignés
Les dents polies barbe taillée
Mais personne qui sache aimer
Ni cour tenir dame honorer

Les lâches ! Où est courtoisie ?
Où sont les châteaux assiégés ?
Où sont les cours en bonne vie
Et le seigneur sachant règner
Prompt à offrir de riches dons
Faire ce que doit sa mission
Soldats, jongleurs, déshérités
Je vois que tous ont déserté

Si le roi Philippe eut envie
Envers Richard de lui donner
Gisors beaux remparts beau pays
Richard doit l'en remercier
Si Philippe voulait l'affront
Richard ne bougerait talon
Sans la crainte de le trouver
Il ne fait rien qu'il soit damné

Papiols pars donc au plus tôt
Dire à Richard qu'il est un lion
Et que Philippe est un agneau
Qui ne dit rien quand on le tond.
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vercoquin
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jeu. févr. 01, 2007 11:16 am

Un besoin de morale en ce monde ingrat ? Peire Cardenal est là. XIIIè siècle...

Ecoutez la chanson que j'ai tressée
La chanterai au jour du jugement
A celui qui me créa du néant
S'il demande compte de mes péchés
Et si au diable il veut m'envoyer
Je lui dirai "cessez Seigneur pitié
J'ai peiné ma vie dans ce monde idiot
Gardez-moi s'il vous plaît de vos bourreaux"

Toute sa cour sera émerveillée
Par mon discours et mienne plaidoirie
Je dirai qu'il commet là félonie
Envers pauvres âmes qu'il veut damner
Car quand on perd ceux que l'on pourrait gagner
C'est alors tristesse au lieu de gaieté
Dieu se doit de veiller à notre sort
En recueillant nos âmes après la mort

Il devrait déshériter les diables
Il en aurait plus d'âmes et plus souvent
Et tout le monde en serait bien content
Et lui-même en serait fort pardonnable
Car que lui coûterait leur destruction
S'il s'en donnait ensuite absolution ?
Seigneur Dieu chassez donc ces ennemis
Ces diables qui nous font tant d'ennuis

Ne tenez plus votre porte fermée
Car Saint-Pierre en a honte désolante
Le portier voudrait qu'entrât souriante
Tout âme qui voudrait par là entrer
Nulle cour n'est jamais vraiment unie
Si l'un pleure tandis que l'autre rit
Seigneur que vous êtes en votre maison
Si ne m'ouvrez pas j'en voudrais raison

J'espère qu'après l'heure de ma mort
Vous me rappelerez à votre amour
Sans faillir vous viendrez à mon secours
Sauverez mon âme et mon pauvre corps
Et moi je vous laisserai deux partis
Rendez-moi au néant dont fus sorti
Sinon pardonnez-moi tous mes péchés
Nul n'aurait commis si je n'étais né
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Le Goupil
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ven. févr. 02, 2007 8:53 am

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www.eutrapelia.fr

Non non, les M2chants ne sont pas morts ! Tels les 4 Cavaliers de l'Apocalypse, nous œuvrons dans l'ombre... Tremblez, mécréants !!!
SARTAGO DELENDA EST !!!
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ven. févr. 02, 2007 2:22 pm

Du au duc d'Aquitaine, Guilhem de Peiteus, début du XIIè... Obscénité du pouvoir ?

Compagnons j'ai connu des cons vilénie
Et c'est de tristesse que chanter je puis
Nul mot pourtant ne saurez de ce que furent mes ennuis

Mais entendrez de qui je me plains ici
Des cons gardés ou des viviers mal garnis
Et des vantards idiots dont on ne peut tirer parti

Seigneur Dieu roi du monde soyez occis
Vouloir les cons gardés c'est une infamie
Il n'est pire pour une dame son con en garderie

Je vous dirai du con qu'il en va ainsi
Si ce dont l'on use se trouve réduit
Le con pourtant plus l'on en use plus il se bonifie

Ceux qui ne voudront croire ce que je dis
Qu'ils aillent donc voir lorsque le bois fleurit
Pour un arbre qu'on y taille il en repousse trois au pis

Quand le bois est taillé bientôt reverdit
Le seigneur n'y perd ni rentes ni acquis
C'est tort de se plaindre de la taille si nul n'en pâtit
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vercoquin
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sam. févr. 03, 2007 5:06 pm

De Peire Cardenal, XIIIè...

Une cité, ne dis laquelle
Vit s'abattre une pluie telle
Que tous ceux qui furent mouillés
Devinrent fous et forcenés
En perdirent le sens sauf un
Qui en sa maison dormait bien
Ainsi échappa à la pluie
Grâce à la chaleur de son lit
Et lorsque la pluie fut passée
Il se leva bien reposé
Partout dehors il vit les gens
Se comporter en vrais déments
L'un en chemise l'autre nu
Un autre se crachant dessus
L'un bastonne l'autre flagelle
L'un qui déchire sa gonelle
L'un qui férit l'autre guerroie
Un autre se prend pour un roi
Se tenant fièrement les hanches
Et l'autre saute sur les planches
L'un menace l'autre mal dit
Et l'autre pleure et l'autre rit
Et l'autre parle ou il jacasse
Et l'autre qui fait des grimaces
Et celui qui avait dormi
Voyant les autres est fort surpris
Car ils ont perdu la raison
Il cherche alors à l'environ
S'il peut trouver homme de bien
Mais nulle part n'en voit aucun
Et tout cela l'étonne fort
Eux sont plus étonnés encore
De le voir garder qui se tient si sage
Qui ne fait rien à leur image
Lui qui les regarde ainsi faire
Qui préfère pourtant se taire
Eux qui se croient sens et esprit
Voient alors que le fou c'est lui
Alors tous ils le rouent de coups
Et lui il ne tient plus debout
L'un l'attrappe l'autre le tire
Si malmené il veut s'enfuir
Mais ils le cognent de plus belle
Tant et tant bientôt il chancelle
Enfin il se rue et d'un bond
Trouve l'abri en sa maison
Boueux battu et presque mort
Mais très heureux car il s'en sort
Cette fable c'est notre monde
Et les hommes qui le fondent
Ce siècle est la folle cité
Toute pleine de forcenés
Quel meilleur sens on puisse avoir
Que d'aimer Dieu et puis de croire
Et tenir ses commandements
Sagesse perdue maintenant
La pluie de la cupidité
Par ici est venue tomber
C'est d'orgueil et méchanceté
Que tous les hommes furent frappés
Si Dieu préserve l'un de nous
Les autres le tiennent pour fou
Et l'accablent de tous les maux
Sagesse pour eux rien ne vaut
Car ils tiennent Dieu pour folie
Où qu'il se trouve son ami
Voit que tous ont le sens perdu
Que la foi en Dieu est déchue
Et eux qui le croient insensé
D'avoir au siècle renoncé.
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dim. févr. 04, 2007 5:06 am

Est-ce que tu pourrais préciser les sources pour pouvoir rapprocher l'original de la traduction et éventuellement voir si "ça chante ?
Cassetrogne, Ménestrier aux Coquillards de Villon
http://www.coquillards-de-villon.com
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dim. févr. 04, 2007 5:39 am

Bien sûr Cassetrogne. Tu veux les textes en occitan, ou les références des bouquins dans lesquels je les ai trouvés ?
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dim. févr. 04, 2007 11:03 am

Vas-y : fais péter les références ! :top:
Cassetrogne, Ménestrier aux Coquillards de Villon
http://www.coquillards-de-villon.com
http://coquillards.leforum.eu
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dim. févr. 04, 2007 11:21 am

Daudes de Prades, "amors m'envida e-m somo";
Peire Cardenal, "un sirventes novel veuill comensar"
sont tous deux dans l'anthologie de Nelli et Lavaud chez Desclée de Brouwer.

Bertran de Born, "volontiers feira un sirventes" est dans l'anthologie de Joseph Anglade chez Boccard.

Peire Cardenal, "una ciutatz fo no sai quals" est dans l'anthologie de Pierre Bec dans la collection "bibliothèque médiévale chez 10/18.

Pour le texte du duc d'Aquitaine, je l'ai quelquepart mais pas sous la main, alors je l'ai simplement pris sur le disque de Brice Duisit "Las cansos de Coms de Peitieus".

Je te scanne tout ça dès que l'occas' se présente.

Ca pète ?
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dim. févr. 04, 2007 11:44 am

Ca gaze :roi:
Cassetrogne, Ménestrier aux Coquillards de Villon
http://www.coquillards-de-villon.com
http://coquillards.leforum.eu
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dim. févr. 04, 2007 5:33 pm

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...

Bon, j'essaie de poursuivre le propos de tête de bois... Avec succès ?!
ours

lun. févr. 05, 2007 4:51 am

roooh j'essayais juste de t'encourager discrètement! c'est pas parce que je dis rien que je n'apprécie pas! mais bon je vais essayer d'être plus explicite: :clap:
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lun. févr. 05, 2007 5:37 am

Hé ! Jaloux que je suis des compliments ?! Non, non, juste encore novice en ligne.
^_^
Je ne connais pas ce langage là, mais m'y suis essayé; apparement avec succès !
Ach ! Ces troubadours ! Quelle classe, non ? Quel esprit ? Quelle verve ! Quelle joie !
Qu'on les lise suffit à mon plaisir.
Ceci étant, j'en discute avec encore plus de plaisir, car ces chants soulèvent des questions, n'est-il pas ?
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