[Littérature] Da Vinci code

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Grand Inqui
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lun. mars 14, 2005 2:07 am

L'auteur est plus fin que vous ne le pensez; il nous propose une INTERPRETATION de certains faits historiques (Le temple)ou religieux (la Scène), pour en tirer des conclusions plausibles faites pour choquer les consciences , faire parler du livre et surtout le faire vendre!!! le fait que le Christ aurait pû être marié n'est pas impossible, ni qu'il aie eu une descendance. Le Prieuré de Sion existe et ses objectifs ténébreux, c'est aussi une réalité; ceci dit, le livre est aussi truffé d'erreurs (pour parler de ce que je connais, attribuer 5 millions de morts a l'inquisition est une grve connerie; en réalité, on peut diviser le chiffre par 5, et on reste généreux)
En bref, on prend des faits historique, on les transforme, on les interprète, un peu de violznce, un peu de rêve, on rajoute un zeste de sentiments pour gommer l'amertume et on obtient un plat mangeable qui rapporte gros, très, très gros; si, comme moi, vous pouvez vous le faire prêter, lisez-le, mais ne gâchez pas vos deniers à l'acheter
sainte gudule
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lun. mars 14, 2005 7:05 am

MEDIEVAE a dit [...]religieux (la Scène), [...]
Mon père vous me copierais 666 fois la Cène ... Image
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alexandra
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lun. mars 14, 2005 7:08 am

Solveig a dit :
Mon père vous me copierais 666 fois la Cène ...
Mon enfant vous me conjuguerez le verbe copier à tous les temps de l'indicatif ^___^


*mode ça pourrait être marrant d'être instit, finalement...*
sainte gudule
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lun. mars 14, 2005 7:17 am

MDR ! bon ben on fera une colle collective ! Image
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Grand Inqui
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lun. mars 14, 2005 7:17 am

ET TOC !!!! Merci , Alexandra... et puis me reprocher une faute à moi (pardon, Seigneur) alors que la lectures des posts de ce forum relève du décrptage de hieroglyphes......Faudrait pas pousser, Saulvaigue!!!!
Bernard GUI, précepteur Image
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Grand Inqui
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lun. mars 14, 2005 7:18 am

m......, j'ai encore fait une faute.....
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Grand Inqui
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lun. mars 14, 2005 2:46 pm

Les enfants, on pourrait faire un condensé des 2 derniers romans cités; on l'appellerait; "comment tirer de la laine d'un mouton déjà tondu." Bernard GUI Image
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Grand Inqui
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lun. mars 14, 2005 5:08 pm

Cabaret, mon fils, tu sents l'fagot!!!!!!!!
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Grand Inqui
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lun. mars 14, 2005 5:29 pm

Sainte Vierge, j'crois qu'il est encore plus cintré que moi, l'Cabaret......... [img]kator/smyley2.gif[/img] [img]kator/smyley2.gif[/img] [img]kator/smyley2.gif[/img]
etheldrède
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mar. mai 24, 2005 5:10 pm

Y'a aussi LE Code Da Vinci décrypté, je vous mets le nom de l'auteur dès qu'il sera moins tard dans la nuit...
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Membre des Guerriers du Moyen Age


L'art de l'épée est si mystérieux qu'une vie entière ne suffira pas pour en connaître tous les secrets
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colin
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mer. mai 25, 2005 3:53 am

Décoder da Vinci Code
Étude scientifique et théologique
du roman de Dan Brown


Pour un succès, c'est un succès puisque les exemplaires se vendent par millions ! Le nombre a surpris son auteur et ses éditeurs. Un dossier bibliographique de la Bibliothèque Nationale de France ne comporte pas moins de 21 pages1 ! Pourquoi ce succès ?

Une première raison est que l'ouvrage de Dan Brown est facile à lire. Ce n'est pas de la grande littérature, celle qui demeure des années durant dans les librairies universitaires, c'est le genre de littérature écrite pour être lue sur la plage ou dans le train. On lit vite, car l'intrigue est bien nouée. Dès le début le lecteur est pris par le développement du thriller, même si l'attention du lecteur faiblit à cause de la longueur du roman. Si ce n'est pas une grande œuvre littéraire, c'est que la raison du succès est ailleurs. Le succès ne vient pas du style, mais du fait que le développement de l'intrigue permet aux héros de donner des informations sur les traditions ésotériques et de proposer de déjouer un complot multiséculaire. Il y a une structure d'initiation dans le déroulement du roman dont l'action repose sur un conflit entre les forces du mal et les forces du bien.

Ce succès mène à des interrogations sur l'effet de la lecture de l'ouvrage. En effet, le livre fourmille d'erreurs, au point que l'on puisse soupçonner son auteur d'avoir intentionnellement fait une oeuvre polémique, dans le but de détruire la tradition chrétienne. Face à ce soupçon, il ne suffit pas de relever les erreurs ni de dénoncer les manipulations, il faut faire face aux raisons du succès. C'est mon projet pour cette étude critique, tout à la fois scientifique et théologique.

Je commencerai par situer l'intrigue, puis les sources de ce qui se présente comme un roman historique en me demandant s'il s'agit bien d'un roman historique. Ensuite il faudra voir les éléments proprement théologiques avant d'expliquer la religion dont le livre fait l'apologie. Ce qui me mènera enfin à une interprétation de la crise de civilisation dont témoigne le livre.
1. Un thriller

Les premières pages du roman racontent un meurtre dans le musée du Louvre ; il est décrit en précisant bien que la victime est la quatrième d'une série. La victime est le conservateur du Musée du Louvre, Monsieur Jacques Saunière, dont on découvre peu à peu la personnalité. À partir de l'élucidation de ce meurtre, les péripéties de l'action mettent en scène des forces diverses, forces du mal contre forces du bien.

Une première force à agir est ambiguë ; c'est la police dont l'action est maladroite, mais les policiers sont de bons témoins ; leur action est nécessaire à l'intrigue et ils aideront au triomphe du bien.

La seconde force, la force du bien, est représentée par deux personnages. La petite fille du conservateur assassiné, Sophie Neveu, et un jeune collègue de la victime, un américain, Robert Langdon. Ils sont jeunes, purs, beaux et intelligents. Poursuivis par la police et les forces du mal, ils doivent fuir et vont de péripétie en péripétie au fur et à mesure qu'ils décryptent les messages codés laissés par la victime. Jacques Saunière aurait voulu transmettre un secret ; il se savait menacé de mort, raison pour laquelle il avait demandé rendez-vous à sa petite fille et à son collègue nord-américain, spécialiste de l'étude des symboles ésotériques. Il voulait leur communiquer le secret et leur en confier la garde. Dans les minutes qui ont séparé la blessure mortelle et la mort, il a eu le temps de leur livrer un message. Mais comme il ne voulait pas le faire en clair, il le fit dans un langage codé, sachant que seuls Sophie Neveu et Robert Langdon sauraient le décoder.

La force du mal est bicéphale. La première part est une institution ecclésiastique, présentée comme une société secrète, l'Opus Dei, agissant par l'intermédiaire d'un tueur, obéissant aveuglément à un prélat. La seconde part est un mystérieux maître dont l'identité ne sera connue qu'à la fin du roman. Leurs intérêts convergent : l'Opus Dei veut empêcher la divulgation du secret, tandis que le Maître veut voler le secret qui remonte aux origines du christianisme.

Au terme du récit, les forces du bien l'emportent. Les compétences conjointes de Sophie Neveu et de Robert Langdon leur auront permis de surmonter tous les obstacles et d'arriver à la découverte du secret dont la garde a été confiée à une société secrète, le prieuré de Sion, dont Jacques Saunière était le dernier maître. Nous découvrons le secret en même temps que nos héros - et ce secret a une valeur sentimentale, car l'héroïne comprend peu à peu les énigmes de son histoire familiale et ce qui l'avait choquée chez son grand-père.

Les péripéties sont nombreuses, car en allant se réfugier chez un collègue anglais de Robert Langdon vivant en France, nos héros ne savent pas qu'ils vont chez celui qui a organisé les meurtres parce qu'il est désireux de voler le secret dont ils viennent de retrouver l'indication non encore décodée. Tout se termine bien : les forces du mal sont réduites à l'impuissance ; le manipulateur est démasqué et l'héroïne rétablie dans ses droits - à savoir son lignage et son honneur familial.

Ce livre se présente comme un roman à lire pour se détendre. Il est facile à lire ; écrit de l'écriture nerveuse et superficielle qui convient aux romans policiers. Mais le succès est dû aussi à ce qui a été mentionné plus haut : le décryptage est l'occasion de faire dialoguer les deux héros ; leurs discussions donnent connaissance de quelques points clefs de la tradition ésotérique. De ce point de vue, le livre est une introduction fort pédagogique à des domaines qui fascinent un large public dans ce que l'on appelle ésotérisme. C'est sans doute la raison du succès du livre : on se laisse prendre par l'intrigue, mais surtout on a l'impression de découvrir un monde, celui du secret. Le succès est dû à l'habileté de l'auteur à mêler dans le récit ce qui est historique à la fiction. Il faut donc s'interroger sur la valeur historique du roman.
2. Un roman historique ?

Le roman ressemble pour une part à un genre littéraire fort connu : le roman historique. Correspond-il à ce qu'exige une telle oeuvre ?

1. Le roman historique est un genre littéraire très prisé, car il fait le lien entre l'imagination et le travail de l'histoire. Le lecteur se détend et il apprend sur le passé et l'histoire. Les romans d'Alexandre Dumas sont un modèle du genre ; ils ont ouvert à la production d'innombrables récits. Ceux-ci ont en commun de raconter une histoire-fiction en l'enracinant dans l'histoire au sens strict de science humaine, ou historiographie.

Un roman historique doit répondre à des exigences précises. La première est de ne pas introduire des personnages ou des événements qui contredisent ce qu'une étude scientifique a montré. Le roman doit se situer dans les ombres de l'historiographie. Pour cette raison, il met en oeuvre des personnages qui ne sont pas de premier plan ou qui occupent une place que bien d'autres auraient pu occuper. Les péripéties du roman ne doivent pas contrarier l'étude scientifique des faits.

Ce qui est historique relève de l'étude et de la vérification. L'histoire repose en effet sur des documents et des témoignages que l'on passe au crible de la vérification. La fiction repose sur des inventions. L'art consiste à mêler les deux éléments sans qu'ils se contredisent.

2. Da Vinci Code participe de ce genre. Il se présente comme un roman, oeuvre de fiction, mais la préface précise: « Toutes les descrïptions de monuments, d'œuvres d'art, de documents et de rituels sacrés sont avérés » (p. 9). Ce n'est pas exact !

Si les lieux sont réels, la présentation qui en est faite n'est pas rigoureuse ; elle projette une vision qui dénature la réalité - comme on le montrera plus loin. Prétendre que tout est avéré n'est pas vrai.

La falsification est encore plus importante pour les acteurs de l'action. En effet, l'Opus Dei est une institution qui existe réellement. Elle fait partie des institutions de l'Église catholique ; elle est fort respectable ; elle n'a rien d'une secte. Les membres de cette association gardent une grande réserve sur leur appartenance à l'œuvre, puisqu'ils vivent dans une société sécularisée. Mais c'est ne rien comprendre à un vœu de religion fait par des laïcs que de les présenter comme membres d'une société secrète.

La préface prétend que la société qui lui est opposée a été fondée après la première croisade. Ce n'est pas vrai. La société secrète dite du Prieuré de Sion n'a pas laissé de trace dans l'histoire. Aucun historien ne mentionne l'existence d'un Prieuré de Sion. Il a existé près de Jérusalem à l'époque des croisés, une abbaye Notre-Dame-de-Sion, qui est bien connue et qui n'a rien d'une société secrète. Dire qu'elle a été fondée en 1099 après la première croisade est entièrement faux. La liste de ses maîtres relève de la fiction - la liste donnée page 408 rassemble des personnalités bien connues par ailleurs et que rien ne permet de mettre dans une même tradition (Sandro Botticelli, Léonard de Vinci, Connétable de Bourbon, Isaac Newton, Victor Hugo, Claude Debussy, Cocteau...) ; une telle liste ratisse large dans la culture européenne.

La fiction romanesque devient mensonge, puisque la mise en opposition des deux organisations n'est pas honnête. L'une est réelle ; elle est présentée de manière caricaturale, mais elle existe. L'autre est imaginaire. Ainsi l'intrigue met en opposition deux réalités qui ne sont pas du même ordre ; faire croire que l'une et l'autre sont du même ordre est un amalgame qui relève de la falsification.

Comme roman historique, da Vinci Code ne respecte pas les normes habituelles et il entraîne de ce fait la confusion. Il y a là une mystification.

3. Le travail de l'historien consiste à utiliser des sources et son écriture se doit de les respecter. Un auteur est libre d'inventer des personnages. Il doit respecter les événements et les institutions, mais aussi le contexte culturel - ce qui suppose un grand savoir.

Ces exigences sont respectées dans des ouvrages qui ont eu un grand succès en traitant d'histoire sous le biais d'intrigues criminelles. Par exemple, Le Nom de la rose de Humberto Ecco. Cet auteur est un grand savant ; il met en forme de roman des thèses philosophiques qui enchantent les spécialistes par leur justesse. L'habit romanesque est pure fiction, car le cœur de l'intrigue est le débat philosophique développé par la mise en intrigue ; si les non philosophes n'en perçoivent pas les nuances et les subtilités, les propos des personnages sont fort pertinents aux yeux des spécialistes. Il en va de même, mutatis mutandis, dans les romans policiers écrits par Ellis Peter qui raconte les aventures du moine Cadfaël ; l'auteur est une médiéviste très érudite et on peut être sûr de la valeur du cadre de l'action, dont on sait qu'elle est en tout point imaginaire.

Par contre, dans da Vinci Code, il est clair que l'auteur américain n'est pas spécialiste de l'histoire de l'Église ni des traditions ésotériques. Tous les spécialistes s'accordent à le dire. Avant de le montrer sur des points précis, il est utile de se demander sur quelles bases dan Brown a écrit son roman, puisque comme tout auteur, il a eu besoin d'une documentation. Il est donc important de discerner ses sources, avant d'en faire la critique de fond.
3. Les sources de l'histoire

L'enquête sur les sources a été faite par Marie-France Etchegoin et Frédéric Lenoir2. Il apparaît que Dan Brown a lu un certain nombre de best-sellers sur l'ésotérisme. Un indice de cette utilisation est qu'il a repris les noms mis en avant dans ces ouvrages pour ses personnages.
1. La légende de Rennes le Château

La première source concerne les propos qui sont tenus sur un prêtre de l'Aude, l'abbé Béranger Saunière (qui porte le même nom que le conservateur du musée du Louvre victime du tueur et grand-père de l'héroïne Sophie Neveu).

L'histoire de ce prêtre est simple à comprendre pour qui connaît un peu l'histoire de France à la fin du 19e siècle. Nommé curé de Rennes-le-Château, ce jeune prêtre découvre la misère de ce village et la désolation de son église. Il prend publiquement parti contre la République qu'il accuse de vouloir détruire la religion et d'avoir part à l'action du diable. Il est sanctionné par le ministre des cultes (nous sommes en 1885 avant la séparation de l'Église et de l'État) qui lui retire son salaire pendant 3 ans. L'incident le rend célèbre. On le présente comme d'une victime de l'intolérance des ennemis de la religion ; la comtesse de Chambord, veuve du prétendant au trône de France, vient à son aide et lui donne de l'argent dont il se sert pour restaurer son église. Le curé reçoit ensuite régulièrement des dons - par manière d'honoraires de messe - de la part des familles nobles et ce avec largesse. Pour respecter une certaine discrétion, l'abbé Saunière ne perçoit pas les mandats à la poste de son village, mais au chef-lieu où il se rend. Le voilà donc riche : après avoir restauré l'église, il se construit une solide demeure qui tranche dans ce pauvre village, d'autant qu'il y bâtit une tour qui surplombe la falaise. On jase. L'évêque veut le déplacer ; l'abbé use de son droit d'inamovibilité pour rester curé à Rennes le Château ; mais ce conflit avec l'évêque fait jaser d'autant qu'à sa mort, il ne lègue pas la maison au diocèse, mais à sa gouvernante... C'est l'ami de cette dernière, Noël Corbu, qui, à la mort de sa compagne, imagine que la fortune du curé était due au fait qu'il aurait trouvé un trésor caché dans son église. Quel trésor ? C'est alors que se construit un roman à partir du fait que Rennes le Château a été une citadelle wisigothique. On imagine que Titus après avoir pillé Jérusalem aurait emporté le trésor du Temple à Rome ; puis Alaric ayant pillé Rome aurait repris le trésor, qui aurait été ensuite caché à Rennes le Château, sous la menace des Francs... Il y a d'autres hypothèses qui impliquent le trésor des Templiers.

Il fallait expliquer pourquoi l'abbé Saunière avait tant d'amis dans l'aristocratie. L'abbé Saunière était un bon latiniste et il occupait les loisirs que lui laissait sa charge de curé de village de 300 habitants pour mener des travaux d'érudition. Cette activité était très classique dans le monde ecclésiastique. Il allait rencontrer d'autres érudits de la région. L'idée est venue qu'il avait découvert non seulement de l'or, mais des manuscrits qui lui auraient donné la connaissance d'un secret : à savoir que Jésus aurait épousé Marie-Madeleine ; de ce mariage serait née une fille, laquelle serait l'ancêtre de Clovis et des rois mérovingiens. La découverte de ce secret aurait assuré la fortune de l'abbé Saunière.

Tout ceci ne repose sur rien ; mais les propos du village ont donné matière à un livre publié par Gérard de Sède, L'Or de Rennes ou la Vie insolite de Béranger Saunière, 1967. Ce livre prétend retrouver la généalogie des Mérovingiens et la fait remonter à Jésus. Il existe un descendant, Pierre Plantard de Saint Clair. Cette idée à été reprise dans un livre américain de Henry Lincoln, Michael Baigent et Richard Leigh, L'Énigme sacrée (Holy Blood, Holy Grail),1982. C'est ce livre qui est la source de Dan Brown ; un indice est donné dans le fait que le maître qui veut découvrir le secret en s'alliant à l'Opus Dei par ruse, porte le nom de Leigh Teabing.

Telle est la base de l'intrigue : rien qui puisse être reçu comme attesté et vérifié ; ce sont des interprétations fantaisistes, totalement inutiles, puisque tout s'explique simplement et naturellement quand on connaît la situation d'un curé de campagne fier et érudit à cette époque.

Il est très intéressant de se demander qui sont les auteurs de ces interprétations. Gérard de Sède est un très bon conteur ; il s'inscrit dans la ligne du surréalisme dont une devise est « l'imaginaire c'est ce qui tend à devenir réel ». Son livre est un modèle de production surréaliste qui n'a pas de valeur scientifique.
2. Le prieuré de Sion

Nous avons déjà relevé que contrairement à ce que prétend l'auteur, le Prieuré de Sion n'a pas existé. F. Lenoir et M.-F. Etchegoin ont mené l'enquête. Dan Brown dit que des manuscrits, attestant son existence, ont été retrouvés en 1975 à La Bibliothèque Nationale. Que sont ces documents ? ce sont des textes récents dactylographiés vers les années 60, attestant que Plantard de Saint Clair descendrait des Mérovingiens. Ces textes dactylographiés citent des auteurs qui remontent au 17e siècle par des références qui n'aboutissent à rien. Les manuscrits ont été déposés par trois personnes, Pierre Plantard, Gérard de Sède et Philippe de Cherisey. Ils sont par ailleurs fondateurs d'une association dont les statuts ont été déposés en Suisse en 1956, le Prieuré de Sion, association dont le sous-titre est « Chevalerie d'Institution et Règle Catholique Indépendante et Traditionaliste ». Leur successeur à la tête du dit prieuré (Gino Sandri) a reconnu que tout avait été inventé par les trois compères3.

Le Prieuré de Sion serait-il une suite cachée de l'ordre des Templiers ? Cette question oblige à préciser quelques points sur l'histoire des Templiers qui est bien connue, mais elle a été l'enjeu d'une mythification qui voudrait que les Templiers aient survécu de manière clandestine. La fin de l'Ordre du Temple n'a rien de mystérieux. À la fin des croisades, après la destruction du Royaume latin, les templiers n'avaient plus de fonction. Ils représentaient un pouvoir qui inquiétait au premier chef le roi de France jaloux de son autorité ; ils n'étaient plus soutenus par le pape qui voyait en eux une entrave à sa politique ; ils n'avaient pas non plus de soutien populaire, parce que les fidèles ne comprenaient pas l'existence de ces moines soldats. Les biens des Templiers n'ont pas disparu mystérieusement ; ils ont été donnés par le pape aux Hospitaliers et à d'autres ordres religieux caritatifs qui avaient un réseau de soutien aux malades, aux pèlerins ou aux captifs ; ces ordres étaient aimés et respectés et ils ont utilisé les ressources dans ce sens.

Il n'y a donc pas lieu d'imaginer un trésor caché, ni une survie secrète du Temple ; ce sont des imaginations non conformes à l'histoire. Mais bien sûr il arrive que dans certains milieux on en rêve dans le cadre d'un imaginaire de la chrétienté. Ce fut le cas de Pierre Plantard qui fut directeur d'un journal anti-juif diffusé en France pendant l'Occupation - et bien connu par les enquêtes policières et judiciaires qui se sont intéressées à ce groupuscule.
3. Légendes sur Marie-Madeleine

Une troisième source du roman consiste en des productions du courant religieux qui habite le féminisme en Amérique du nord. On peut la saisir dans les travaux d'une érudite Elaine Pagels, qui a fait de longues études et édité des textes gnostiques ; parmi eux trois évangiles attribués à Philippe, Thomas et Marie-Madeleine. Ces textes ont été retrouvés dans une bibliothèque gnostique en Égypte à Nag Hammadi, en 1945. Elaine Pagels a fait une étude scientifique de ces textes ; puis elle en a vulgarisé une interprétation. Celle-ci reconstruit une histoire des origines du christianisme de manière à justifier ses options de militante féministe dans un ouvrage qui a eu un très grand succès, Adam, Ève et le Serpent4.

L'étude scientifique des textes gnostiques a été faite. Les textes ont été écrits au troisième siècle, dans le cadre de ce que l'on appelle la Gnose5. Ils expriment une conception qui n'a été que très marginale dans le monde des dissidences chrétiennes ; ils ne sauraient être reçus comme un courant qui remonterait aux apôtres. Le phénomène de pseudépigraphie - classique dans l'Antiquité - est ici manifeste. On n'accède ni à des actes avérés, ni à des paroles authentiques de Jésus par de tels textes. On a un témoignage sur un courant chrétien combattu par la majorité des chrétiens d'alors.

La thèse d'Elaine Pagels est que Marie-Madeleine était l'héritière spirituelle de Jésus et que Pierre et les autres l'ont écartée, parce que femme. Depuis lors, l'église de Pierre persécuterait cette tradition qui de ce fait a été contrainte à se cacher. La persécution est à la source de l'ésotérisme. La mouvance féministe nord-américaine prend appui sur cette tradition pour dire que l'Église romaine n'est pas fidèle à Jésus qui avait choisi Marie-Madeleine pour prendre la tête de la communauté.

Telles sont les sources utilisées par Dan Brown pour écrire son roman. La reprise de ces éléments, sans aucun souci critique, fait que le roman de Dan Brown est un mauvais roman historique. Plus grave encore, il est empli d'erreurs théologiques.
4. Erreurs théologiques

Le roman de Dan Brown nous fait accéder à la généalogie de son héroïne qui remonte à Jésus-Christ. Il y aurait donc un secret, celui de la descendance de Jésus. Le Graal n'est pas une coupe - celle qui aurait servi à la dernière Cène ou aurait recueilli le sang versé à la croix ; le Graal est le sein de Marie-Madeleine portant en elle la descendance charnelle de Jésus. L'Église de Pierre aurait tout fait pour ne pas divulguer ce secret. Dan Brown essaie de justifier cette thèse par une réinterprétation des origines de l'Église. Quelle est la valeur scientifique de cette reconstitution ?

1. Une première citation suffit à montrer l'ignorance de Dan Brown. Il écrit: « La Bible, telle que nous la connaissons aujourd'hui, a été collationnée par un païen, l'empereur Constantin » (p. 289). Quoi de plus faux !

Faut-il rappeler que la Bible chrétienne se compose de deux grandes parties : l'Ancien Testament et le Nouveau Testament. L'Ancien Testament est la Bible des Juifs ; les livres ont été écrits pendant des siècles et la liste des livres qui font partie de la Bible a été fixée dès le troisième siècle avant notre ère et confirmée de manière définitive au premier siècle par les pharisiens lors de la réorganisation du judaïsme après la destruction du Temple par Titus. Cette décision a fait que l'on a écarté un certain nombre de livres ; considérés comme non canoniques, ils font partie de la littérature que les érudits qualifient d'intertestamentaire. L'empereur Constantin est venu quatre siècles plus tard.

Le Nouveau Testament est moins ancien puisqu'il parle de Jésus et de ses apôtres. Les évangiles ont été écrits dans leur version définitive avant la fin du premier siècle ; les épîtres sont antérieures. La liste des textes n'a pas été établie de manière autoritaire, mais par consentement mutuel dans les échanges entre les communautés. Il est scientifiquement avéré que dès le deuxième siècle l'accord était fait pour considérer que le Nouveau Testament comporte quatre évangiles6, les Actes des apôtres, les épîtres et enfin l'Apocalypse. Cette décision s'est faite sans difficulté, tout naturellement, sauf pour l'Apocalypse qui a été l'objet de discussions. La décision n'avait pas besoin d'être prise de manière autoritaire ni disciplinaire ; le mouvement même de la vie et la santé de la foi s'exprimaient dans cet accord. Cette décision a écarté des textes qui se présentaient en parallèle avec ces écrits ; pour cette raison ils sont appelés apocryphes- le suffixe grec apo désigne ce qui est écarté.

Les apocryphes7 sont apparus au fur et à mesure du développement de l'Église dans certains milieux. Certains ont eu une grande influence - comme par exemple l'évangile de Jacques qui rapporte les phénomènes merveilleux de la naissance de Jésus, source des contes de Noël. D'autres sont restés marginaux, car écrits dans le cadre de petits groupes. Le caractère apocryphe ne se réfère pas à une tendance particulière. Il relève du genre littéraire dit pseudépigraphie, où l'auteur se place sous le patronage d'un illustre ancien.

Dans cette littérature, qui se place sous le patronage de personnes mentionnées dans les évangiles, figurent des textes écrits dans le milieu de cette hérésie multiforme que l'on appelle la Gnose. Le plus connu est l'évangile de Thomas qui a été écrit au milieu du 3e siècle ; les trois évangiles étudiés par Elaine Pagels, celui de Philippe, Thomas et Marie-Madeleine sont de cette époque.

Ce qui est sûr c'est qu'étant donné l'époque où ils ont été écrits, ces textes apocryphes n'apportent rien à la connaissance historique de Jésus. Ils sont étudiés pour comprendre la doctrine de ces groupes marginaux. Ils ne sont pas cachés à l'étude, ni à la lecture du public.

2. Au plan théologique, l'erreur de Dan Brown est plus grave encore ; il écrit : « c'est là que se place le virage décisif de l'histoire chrétienne. Constantin a commandé et financé la rédaction d'un Nouveau Testament qui excluait tous les évangiles évoquant les aspects humains de Jésus, et qui privilégiait - au besoin en les adaptant - ceux qui le faisaient paraître divin. Les premiers évangiles furent déclarés contraires à la foi, rassemblés et brûlés. [...] Détail intéressant, tous ceux qui préféraient les évangiles apocryphes à ceux que Constantin avait sélectionnés furent considérés comme hérétiques » (p. 293). Voilà qui est entièrement faux.

Les évangiles canoniques sont antérieurs à Constantin - comme le prouve l'existence de manuscrits qui remontent au deuxième siècle - et aucun document n'atteste que Constantin ait demandé que soit écrit un autre évangile, ni changer la liste des évangiles qui fondent la tradition chrétienne. Les évangiles canoniques sont donc la seule source fiable pour connaître Jésus-Christ. Les évangiles apocryphes sont connus et étudiés. Ils ne cautionnent en rien la thèse de Dan Brown d'une Église désireuse de détruire la religion qui valorise le féminin.

3. Autre erreur en matière dogmatique. Dan Brown écrit : « Pour consolider la toute récente tradition chrétienne, l'empereur Constantin avait besoin de structurer la communauté des fidèles. C'est dans ce but qu'il a convoqué le Concile de Nicée [...] Jésus n'était alors considéré que comme un prophète mortel » (p. 291). voilàqui est encore faux. La confession de la divinité de Jésus n'est pas une invention du Concile de Nicée ; elle est inscrite dans les évangiles - avec force dans l'évangile de Jean, dans les épîtres de Paul, et dans les écrits des Pères de l'Église dès le deuxième siècle. Ces mêmes textes montrent bien la réalité de l'humanité de Jésus. Les reproches de Dan Brown sont sans fondement. Da Vinci Code témoigne d'une ignorance grave en matière théologique : Dan Brown donne des références fausses et il ne peut leur opposer des sources sérieuses.

Dan Brown le sait et pour cela il utilise le thème du complot. Celui-ci permet de dire n'importe quoi. En effet, quand, en saine rigueur intellectuelle, il faudrait citer des documents et des sources, les ésotéristes disent que l'autorité les a supprimés pour garder son secret. Ainsi l'absence de documents est prise comme preuve de la vérité que l'on oppose à ceux qui citent des documents authentiques. Qui ne voit qu'à écarter les documents solides pour les remplacer par des propos invérifiables, on ne construit rien de solide ?

La falsification des sources du christianisme par Dan Brown est corrélative de la thèse qui sous-tend le livre : l'Église a persécuté la religion qui valorise la sexualité et en particulier la reconnaissance de la valeur de la femme. Celle-ci n'a pu survivre que de manière cachée, dans des documents que l'on qualifie pour cette raison d'ésotériques - au sens étymologique du terme qui signifie en grec : ce qui est caché et reste à l'intérieur du groupe des adeptes. Il nous faut donc analyser ce phénomène pour lui-même et pour cela entrer dans des considérations sur le contenu de la tradition évoquée par les échanges entre Sophie Neveu et Robert Langdon. Il y a deux aspects : le premier concerne les sciences, le deuxième la sacralité des lieux et enfin la place de la femme dans l'Église.
5. Science et pseudo-sciences

Le succès du livre vient de la mise en scène de scénarios décryptage. L'avancée du roman est liée à la découverte de messages cryptés de plus en plus subtils.... Ils paraissent évidents une fois qu'ils ont été découverts, mais il faut une certaine finesse pour le faire - les habitués des jeux de piste et de rallyes intellectuels s'y retrouveront sans peine. Il y a là une apologie de l'art de la découverte qui permet d'aller d'énigme en énigme et cela soutient l'attention et relance l'intrigue. Mais au-delà du jeu, il y a une dimension qui demande attention car elle porte sur un des piliers de notre culture : le caractère mathématique de la science.
1. La nature écrite en langage mathématique

Le premier code décrypté est la série des nombres de Fibbonacci, du nom du célèbre mathématicien italien qui a construit une série des nombres entiers où chacun est la somme des deux précédents. Cette série est bien connue. Elle a été utilisée par les architectes médiévaux qui ont remarqué que ces chiffres étaient inscrits dans la croissance des végétaux et dans la structure des fleurs. Les grandes rosaces des cathédrales utilisent ces proportions pour disposer l'espace. Cet usage architectural explicite une conviction très ancienne, celle qui fonde la science depuis Platon : la nature est bien ordonnée et elle s'exprime par des figures mathématiques, tant géométriques qu'arithmétiques. Cette idée classique a pris un essor considérable à la Renaissance - à l'époque de Léonard de Vinci.

La référence à l'ordre mathématique de la réalité se trouve aussi dans la figure de l'étoile à cinq branches ou Pentacle - du grec penta qui signifie cinq - un des symboles qui est au coeur du roman. C'est un problème de géométrie que l'on apprenait jadis à l'école : construire une étoile à la règle et au compas. C'est très facile pour six, fort subtil pour cinq. La construction de l'étoile à cinq branches occupait une place de choix dans l'apprentissage des mathématiques depuis Euclide et donc dans les anciens livres de géométrie, d'architecture et de composition artistique8. Pour cette raison, elle a fasciné les esprits qui ont vu dans cette figure une clef pour comprendre l'énigme du monde. Cette construction rencontre le célèbre nombre d'or9.
2. Science moderne et science ancienne

La référence à Léonard de Vinci comme la référence à l'architecture invitent à faire un peu d'histoire des sciences, pour évaluer l'évolution des savoirs.

La construction à la règle et au compas des figures géométriques, la recherche de la juste proportion et la considération sur les chiffres font partie de la science. Ces travaux étaient au sommet de la science à un certain moment ; depuis lors le savoir s'est étendu et ces éléments sont apparus comme secondaires ou sans intérêt.

Il n'est pas exact de dire que ce savoir est de nature ésotérique. Il était public et enseigné ouvertement dans les écoles. Pour cette raison, c'est une erreur de les présenter comme des secrets jalousement gardés - même si en des temps où peu de gens savaient lire et écrire la transmission de ce savoir était très limitée. La manière dont le roman da Vinci Code le présente est un contresens qui témoigne de l'ignorance de l'auteur à l'égard de la manière dont le savoir scientifique évolue.

La même erreur se voit dans la manière dont le roman se réfère à l'alchimie et à la médecine. Ces savoirs sont privilégiés parce qu'ils utilisaient une argumentation de mode symbolique.

La géométrie, la numérologie, l'alchimie et la médecine, présentes dans l'œuvre de Léonard de Vinci, étaient à l'époque des parties de la science la plus officielle ; elles n'avaient rien de caché - sinon qu'elles étaient accessible à la minorité de ceux qui avaient fait des études et étaient arrivés au sommet du savoir. Aujourd'hui, elles n'ont plus la même place dans les sciences. On explique les faits autrement et plus simplement. Ce qui semblait merveilleux est devenu banal. Il est erroné de les présenter comme un savoir persécuté et caché. C'est un savoir caduc qui fascine encore ceux qui ne le maîtrisent pas.

Cette explication ne suffit pas, car dans la fascination de ce savoir ancien se manifeste un fait important pour comprendre la culture occidentale : une quête de sacré qui subsiste. Le roman en témoigne par son attention aux lieux sacrés.
3. Les églises et la science

Les péripéties du roman invitent à visiter des églises et à être attentifs à leur architecture et à leur décoration. Là encore, il faut garder une attitude scientifique.

Les constructeurs étaient de bons architectes. Ils ont donc fait une excellente oeuvre de géomètre, dans la mise en place de structures qui ont résisté au temps. On retrouve donc, dans la construction, des rapports géométriques éprouvés. Il y a là du génie et de l'intelligence. L'art des bâtisseurs est un art de spécialiste - et s'il y a des traditions et des secrets de fabrication, ce n'était en rien un savoir ésotérique.

Les autorités ecclésiastiques avaient le souci de décorer les édifices. Pour cela, les bâtisseurs ont utilisé divers motifs : des motifs géométriques et des figures simples comme l'étoile à cinq branches ; des motifs floraux ou animaliers dans des figures qui ne sont pas toujours réalistes et peuvent parfois aller jusqu'au monstrueux ; des motifs humains pour représenter l'histoire du salut et les figures de sainteté. Ainsi ce que Dan Brown dit de Rosslyn Chapel où s'achève le roman, n'a rien d'insolite ni d'exceptionnel ; les motifs faisaient partie de la décoration des églises du temps.

L'importance accordée au début du roman à l'église Saint-Sulpice de Paris est telle qu'il faut en parler plus en détail. Cette église n'est pas ancienne, mais le roman porte l'attention du lecteur sur la présence d'un obélisque ; c'est un gnomon. Un gnomon est un instrument d'astronomie très ancien10 ; il a été perfectionné à la naissance de la science moderne. Au 18e siècle, on en construisait de plus en plus grands de manière à faire des mesures plus précises. Pour cela, les scientifiques ont utilisé les édifices publics vastes et spacieux dont ils disposaient, les églises. Personne n'y a vu quelque inconvénient et surtout pas le clergé parce que les églises sont en général orientées : le chœur est tourné vers l'est ; ainsi les rayons lumineux servaient à déterminer les saisons et les fêtes religieuses et à mesurer le passage du jour. Le gnomon de l'église Saint-Sulpice à Paris n'a rien d'insolite. Le 21 juin, jour du solstice d'été, le soleil frappe une plaque de marbre dans le sol du croisillon sud ; le 21 décembre, au solstice d'hiver, quand le soleil est au plus bas, les rayons rencontrent la ligne de laiton sur l'obélisque. Lors des équinoxes (21 mars et 21 septembre) l'image du soleil passe sur deux plaques de cuivre incrustées dans le sol, derrière la balustrade du choeur La précision de ce gnomon construit par les astronomes Henri de Sully et Pierre-Charles Lemonnier a permis aux membres de l'Académie des Sciences de mener des travaux scientifiques remarquables par leur précision, en particulier ceux des Cassini. Rien de mystérieux, rien d'ésotérique ! On voit un instrument qui servait à la science ; on n'en a plus besoin aujourd'hui. Quant à la forme en obélisque, elle correspond au goût du temps.

On voit bien que la référence à une tradition d'ésotérisme est le fruit de l'ignorance. Un exemple le montre. Sur le socle d'une statue du chemin de croix de Rennes-le-Château, l'abbé Saunière a fait graver CHRISTUS A.O.M.P.S. DEFENDIT. Que signifie AOMPS ? c'est l'abréviation d'une inscrïption courante qui signifie Ab Omni Malo Populum Suum et l'inscrïption signifie : « Que le Christ défende son peuple de tout mal ». c'est une invocation courante. Elle est interprétée comme Antiqui Ordo Mysticusque Prioratus Sionus : ce latin de cuisine signifierait : « que le Christ défende le prieuré de Sion » !

Le ressort de l'ésotérisme est donc une illusion. Pourquoi ce succès ? on peut dire que c'est à cause de l'ignorance des lecteurs qui ne sont que des demi savants. Mais ce n'est pas juste. Il y a une raison qui relève de la situation de la culture actuelle.

Le succès des thèmes de l'ésotérisme est un fait de société. Sur ce point il faut constater qu'il s'inscrit dans une culture marquée par un certain désenchantement vis-à-vis du progrès technique qui désacralise la réalité.

Il y a donc un mouvement qui se développe en réaction contre la domination d'une certaine forme de rationalisation. Il faut la considérer avec attention et cela par la figure emblématique du livre, l'œuvre de Léonard de Vinci. La fascination pour les monuments religieux est une nostalgie qui demande à être comprise comme fait social et spirituel11.
6. Le visible et l'invisible
1. L'œuvre d'art

Le titre de l'ouvrage cite Léonard de Vinci12. C'est en effet un personnage fascinant que ce grand maître de l'art et de la pensée de la Renaissance. Là encore la présentation qui en est faite dans l'œuvre de Dan Brown est réductrice.

Léonard de Vinci est en effet un ingénieur de génie. Il a passé du temps à chercher à construire des machines, dont la construction était impossible, mais dont l'ingéniosité était tout à fait remarquable. Mais cette activité n'a d'intérêt pour nous que parce qu'elle témoigne que Léonard de Vinci est un philosophe de la nature, qui a retrouvé de l'importance à la Renaissance avec la publication de traductions de traités inconnus au Moyen Âge : l'hermétisme. La tradition ésotérique veut que ce savoir ait été transmis depuis les origines de l'humanité : ce serait la science du Paradis transmise par les Égyptiens.... En réalité, les travaux érudits montrent que c'est une doctrine de la période hellénistique essentiellement à Alexandrie...

L'hermétisme était une philosophie dominante à l'époque de Léonard de Vinci. Cette philosophie de la nature est un monisme pour qui le fond de l'être est sacré et ce sacré a rapport avec les connaissances naturelles que sont l'astrologie, l'alchimie et la médecine. Dans le savoir hermétiste, l'attirance ou la répulsion magnétique, l'affinité ou l'opposition entre les substances chimiques et autres phénomènes sont interprétées selon une symbolique sexuelle. La science moderne a rompu cette manière de faire. Si en physique on parle d'attraction et en chimie d'affinité, la rationalité scientifique ignore toute considération sexuée.

L'hermétisme n'est en rien une doctrine secrète. Elle est enseignée et pratiquée officiellement dans les palais et dans les écoles. C'est l'essor de la science classique qui a changé la valeur de ces considérations qui apparaissent aujourd'hui dénuées de fondement rigoureux.
2. L'arrière-monde

Le succès de l'ésotérisme vient de ce qu'il répond à une attente : la technique moderne a pour effet de désacraliser le monde et de le rendre manipulable. Or il semble que les choses relèvent d'un autre ordre que de cette mise à disposition de l'usage de l'humanité. Il y a ce que les philosophes appellent « un arrière monde ».

on appelle arrière monde ce qui ne se donne pas à voir immédiatement et qui résiste à l'analyse critique. La tradition romantique a privilégié cette idée - combattue par les rationalistes. Les phénomènes de la nature ne se réduisent pas à des mécanismes physico chimiques. La vie ne se réduit pas à des échanges entre molécules. Les relations humaines ne s'enferment pas dans l'ordre de l'utile. C'est une fonction de l'art que d'y répondre pour manifester ce que la raison pragmatique, calculatrice et réduite à la froide logique ne saurait voir.

C'est sur le jeu entre ce qui est vu et ce qui se donne à voir que se fonde la fascination exercées par les œuvres d'art. Il y a dans un tableau une profondeur qui ne se réduit pas à ce qui se donne à voir immédiatement. Pour cette raison, tout regard sur un tableau y projette des éléments qui ne sont pas objectifs.

C'est ainsi que sur un tableau de Léonard de Vinci on peut lire des éléments qui n'ont pas été explicitement signifiés par le peintre lui-même. On peut voir dans le sourire de la Joconde bien des choses... et l'abondance des commentaires montre que les interprétations sont ouvertes.

Mais cette profondeur ne saurait laisser dire n'importe quoi à propos d'un tableau. IL faut en respecter les règles et les codes - ce que font les historiens de l'art. Lorsque le roman da Vinci Code dit que sur la fresque de Léonard de Vinci qui représente la Cène, le personnage qui se trouve à droite de Jésus n'est pas saint Jean mais Marie-Madeleine, il manifeste une ignorance de toute la tradition picturale et l'interprétation ne repose sur rien de sérieux13.
3. Le secret contre le mystère

La situation de l'œuvre d'art invite à entrer dans une considération philosophique qui est le point central de notre critique. Il convient de distinguer entre le secret et le mystère. Le terme de secret désigne un élément qui est caché. Mais il est de même nature que ce qui est manifeste. Il n'y a pas de différence entre lui et ce qui l'entoure. Lorsque le secret est levé, il s'inscrit dans l'ensemble qui l'entoure et le porte. .

La notion de mystère renvoie non seulement à une chose autre, mais surtout à un autre ordre de réalité. Le mystère suppose la présence de ce qui n'est pas du même ordre que ce qui l'entoure.

La non connaissance du secret n'est pas de même nature que la non connaissance du mystère puisque le mystère renvoie à un autre ordre de réalité, tandis que le secret renvoie au même ordre. La distinction entre secret et mystère mène à bien distinguer entre l'art de décrypter un code secret et le regard qui sait voir la profondeur et le mystère des êtres. Cette distinction permet d'entrer dans le cœur de la question posée par le succès de l'ésotérisme.

Le succès du roman et de l'ésotérisme qu'il met en intrigue montre que le besoin d'accéder à un arrière-monde n'est pas mort, car il fait partie de la nature humaine qui ne se contente pas de l'observation scientifique. Ainsi l'ésotérisme naît du malaise lié à la domination de la rationalité scientifique. Celle-ci, devenant dominante dans la culture, a violenté une dimension de la connaissance humaine. Les ressources humaines d'imagination et d'intuition se sentent enfermées dans l'ordre du calcul et ne savent plus situer la valeur de l'émotion ni de l'affectivité.

Il y a là une réaction saine. Malheureusement, il faut constater que cette réaction est enfermée dans son opposition à la rationalité. La réaction est du même ordre que l'action. L'ésotérisme ne peut envisager l'autre monde que comme une extension de la rationalité inscrite dans la rationalité du calcul et de l'analogie telle qu'elle est pratiquée dans les sciences. Les héros du Da Vinci Code utilisent des règles de décryptage ; ils sont fort intelligents d'une intelligence, voire virtuosité, calculatrice ; mais celle-ci est considérée comme la seule clef pour entrer dans la vérité et elle manque le mystère des choses.

En effet, l'être humain n'est pas que raison calculatrice. Il y a une toute autre dimension. Celle de la relation : la relation avec Dieu qui est la foi. La foi a pour adversaire l'agnosticisme, mais il y a aussi le réductionnisme rationaliste qui éteint la profondeur du symbole dans les jeux des proportions et des énigmes. L'ésotérisme est une réaction contre le rationalisme ; il reste dans le même champ que ce qu'il critique. Il n'accède pas à la profondeur de l'être et pour cette raison confond la religion et la superstition. Il ignore la nature de la foi.

Cette perte du sens du mystère se voit quand il s'agit de la relation de l'homme et de la femme. La mise en scène des rituels sacrés est au cœur du drame vécu par l'héroïne. Cela invite à entrer dans le fond du roman : la relation de l'homme et de la femme sous le signe de l'amour.
7. L'homme et la femme : éros et agapè

Le suspens entretenu par le thriller est porté par le décryptage de messages codés ; il doit être fait dans l'urgence. Mais l'intrigue porte sur la découverte d'un secret qui porte sur la place de la femme dans la religion. L'enjeu du combat que se livrent les sociétés en compétition est de découvrir ce que l'Église cache : le rapport affectif et sexuel de Jésus et de Marie-Madeleine. La raison de cette occultation est que l'Église méprise la femme et réprime le culte féminin. Ceci invite à une étude de la question de la place du féminin dans la religion et permettra d'expliciter le véritable enjeu de la question ici abordée.
1. Marie Madeleine

Les quatre évangiles reconnaissent l'existence et le rôle important que joue Marie-Madeleine dans le groupe des disciples qui accompagnaient Jésus. Mais cela ne permet en aucun cas de fonder une quelconque histoire d'amour (au sens actuel banal du terme) entre Jésus et Marie-Madeleine.

Les évangiles présentent plusieurs femmes dont le nom est Marie. Il y a d'abord la sœur de Marthe et de Lazare et aussi Marie de Magdala ou Marie-Madeleine dont on dit que Jésus avait chassé d'elle sept démons. Ils mentionnent aussi une femme venue en pleurs au pieds de Jésus au cours d'un repas - elle est qualifiée de « pécheresse ». Rien n'assure que ces trois femmes soient la même.

Marie-Madeleine occupe une place particulière, car elle est présente à la résurrection et elle est l'objet d'une apparition de Jésus. Ce récit est bien connu. Mon interprétation est que le récit de Jean a pour but de faire de Marie-Madeleine la figure de l'humanité sauvée et pour cela il est très éclairant que ce soit la femme dont Jésus ait chassé sept démons. Le chiffre sept ayant valeur de globalité et ne signifie pas qu'il s'agisse d'une prostituée - celle qui fait fantasmer les lecteurs de Da Vinci Code. La généralité du propos est au service de la dimension symbolique du personnage.

C'est dans cet esprit que la fusion des trois Marie en une seule personne a été faite dans la tradition chrétienne soucieuse de montrer la force du salut manifesté en Jésus-Christ14.

La lecture des évangiles ne permet pas du tout de dire que Jésus ait eu avec Marie de Magdala les relations d'un époux avec son épouse, et à fortiori pas de commerce sexuel extraconjugal, sévèrement réprimé par la Torah, radicalisée par Jésus qui dénonce non seulement l'adultère, mais la convoitise et le regard. Aujourd'hui, bien des romans le font ; ce sont des œuvres de fiction qui n'ont aucune valeur historique ; ils ne respectent pas ce qui est dit par les évangiles, qui demeurent la seule source fiable, puisque les écrits du 3e siècle ne donnent pas accès à des propos tenus des témoins oculaires et qu'il faut utiliser l'argument de la persécution pour expliquer l'absence de documents et imaginer une transmission ésotérique qui n'a pas laissé de traces.

En puisant ses sources dans la littérature évoquée plus haut à propos de l'interprétation féministe de la figure de Marie de Magdala, le livre pose la question du statut de la femme dans les évangiles et la communauté primitive.
2. Jésus et les femmes

La dénonciation, qui est au coeur de la critique de l'Église par le roman, est celle du refoulement de la sexualité par l'Église de Pierre. Sur ce point, Da Vinci Code témoigne de la mentalité ambiante dominée par une érotisation de toute relation humaine.

Les relations de Jésus avec ses contemporains et avec ses proches attestent une grande liberté et en particulier, en comparaison avec les règles du temps, il apparaît que Jésus est novateur dans sa relation avec les femmes. Il adresse la parole à la Samaritaine - ce qui choque ses disciples ; il se laisse toucher par une femme qui pleure à ses pieds - ce qui choque le pharisien qui le reçoit ; dans le groupe qui l'accompagne, il y a des hommes et des femmes.... Cette liberté tranche avec le comportement habituel du temps où, en pays méditerranéen et donc en Israël, la femme est considérée comme inférieure, soumise et vouée aux humbles tâches domestiques. On ne peut accuser Jésus de misogynie !

Mais on ne peut pas non plus cautionner la thèse de Dan Brown selon laquelle Jésus aurait mené une vie maritale avec Marie-Madeleine dont il aurait imposé la présence à ses compagnons et cautionné par elle les cultes du sacré féminin.

Il a existé dans le monde religieux et il existe encore une sacralisation de la sexualité. Elle était présente dans les cultes de fécondité en particulier en Canaan, témoin des pratiques courantes dans bien des religions. Les cultes de fécondité reposent sur une conception du divin selon laquelle il y aurait deux principes : un dieu mâle et un dieu femelle. Leur union serait la source de la fécondité de la nature. Les cultes consistent en une célébration de l'union des divinités masculine et féminine. Ils ont lieu dans des sanctuaires, où il y a des relations sexuelles. Les hommes s'identifient au principe-mâle et les femmes au principe-femelle ; la bénédiction en résulterait. Dans ces cultes, une place importante est accordée au roi qui s'unit à la grande prêtresse qui représente la divinité ; de même la reine peut s'unir à un grand prêtre. C'est ce que rapporte avec complaisance Dan Brown dans la scène dont l'héroïne Sophie, alors toute jeune fille, est la spectatrice involontaire et scandalisée ; puisqu'à un retour inopiné, elle voit son grand-père masqué (mais reconnaissable à une marque sur son corps) copuler avec une femme pendant que les membres de la société secrète chantent des hymnes liturgiques.

De tels cultes ont été rejetés par le strict monothéisme qui les dénonçait comme « prostitution ». Rien ne permet de dire que Jésus se soit écarté sur ce point de la foi de ses pères. Au contraire ! Jésus radicalise l'exigence d'un amour qui ne doit rien à la sacralisation de la relation sexuelle. L'amour est bien davantage. Il commence par le respect qui est fondé sur la transcendance de Dieu et de l'être humain créé à son image. Tel est le fond du problème posé par Da Vinci Code : quel est le sens de la relation entre l'homme et la femme ? Peut-elle se transposer dans l'ordre du divin ?
3. Éros et agapè

En la matière, on oppose souvent éros et agapè. L'opposition doit être bien comprise. Au sens habituel, éros désigne un amour qui s'exprime charnellement et où dans la relation sexuelle on recherche du plaisir. Au sens habituel, agapè désigne un amour désintéressé qui ne cherche pas le plaisir et s'abstient de relation sexuelle, pour instaurer un autre type de communion.

La pensée chrétienne a mis comme principe de vie l'exigence de l'amour dans un sens qui ne se réduit pas à l'érotisme. Elle ne cesse de promouvoir l'agapè. Elle est sur ce point en opposition avec la culture dominante où l'érotisme occupe une place obsédante, car omniprésente dans la vie sociale, commerciale et urbaine.

L'opposition entre éros et agapè doit être bien comprise. Pour la tradition chrétienne, il n'y a pas d'exclusion, car de l'un à l'autre, il y a le processus que les psychologues appellent sublimation ; par lui il y a un accomplissement du désir dans une réalisation meilleure.

Dans ce chemin de sublimation, il n'y a pas de rupture - même s'il y a renoncement. Pour cette raison, le langage d'éros est présent dans l'agapè. C'est pour cette raison que la tradition mystique chrétienne utilise les mots de l'amour charnel pour dire la relation de l'homme et de Dieu. C'est dans cet esprit que les mystiques ont fait référence à Marie Madeleine pour parler de l'amour de Dieu.

Hélas, lus par des personnes qui n'ont aucune expérience de la prière personnelle, et qui ignorent ce que signifie la transcendance ou la sainteté de Dieu, ces textes sont ramenés immédiatement à leur dimension sexuelle. Dans la culture dominante, la relation entre un homme et une femme ne peut être vécue que dans l'union sexuelle. La figure de Marie-Madeleine est donc sexualisée ; les textes de la tradition spirituelle ou mystique sont réduits au sens le plus charnel qui soit. Ceci apparaît tout particulièrement dans la culture nord-américaine. C'est ce que fait, par exemple, le film de Mel Gibson ; il est significatif que personne n'ait protesté contre sa présentation d'une Marie-Madeleine, dont les vêtements de pénitente ne cachent pas la sexualité dévorante, bien au contraire.

Le succès du livre Da Vinci Code vient de cet accord avec cette représentation de la sexualité omniprésente de la société de consommation. Les lecteurs projettent sur Marie de Magdala et sur Jésus leurs imaginations érotiques. Plus encore, dans une culture post-chrétienne, ils trouvent dans le modèle qu'ils imaginent une justification de leurs pratiques sexuelles.
Conclusion : que faire ?

La lecture de ce livre est une bonne détente, si on admet que l'intrigue policière est bien faite - surtout dans la première partie. Mais ce livre est une mystification, dans la mesure où il procède par amalgame. Aussi ma conclusion sera un appel à mettre en œuvre la rigueur scientifique en matière de foi et d'étude historique de la tradition chrétienne.

1. Da Vinci Code ne respecte pas les exigences d'un roman historique en mêlant le vrai et le faux et en utilisant des pseudo révélations. Celles-ci sont présentées comme avérées, ce qui fait du roman un instrument polémique. On peut soupçonner que non seulement l'auteur profite des thèmes à la mode, mais qu'il cherche à détruire l'image de l'Église catholique romaine par des caricatures.

2. Cette situation invite à être rigoureux en suivant en toute chose une stricte méthode historique. Il ne faut rien affirmer qui ne soit vérifiable.

La vie de Jésus est connue de manière très précise grâce aux témoins qui l'ont écrite, ou présidé à leur mise par écrit, les apôtres. Ces informations ne sont pas exhaustives. Tout ce qui est ajouté doit l'être avec prudence et en gardant un souci de cohérence avec ce que l'on sait de manière certaine. Sur ce point la prédication chrétienne ordinaire et la catéchèse sont souvent en faute, quand on ne cite pas rigoureusement les évangiles et qu'on mêle des éléments légendaires à ce qui est dit par les témoins oculaires. Il faut savoir reconnaître que si nous savons beaucoup, nous ne savons pas tout, comme le dit saint Jean au terme de son évangile. Il est une manière de raconter la vie de Jésus en ajoutant détails et histoires qui faussent la vérité de l'Évangile.

3. Cette rigueur est encore plus nécessaire quand il s'agit du fond légendaire qui s'est accumulé en Europe chrétienne depuis le Haut Moyen-Âge. Il convient de les qualifier de légendes : la légende arthurienne du Graal, la légende des Saintes Marie en Provence... Ces légendes ne rapportent pas des faits historiques ; il est difficile d'y renoncer parce que les pèlerinages qui vont en ces lieux ont un caractère populaire. Il en va de même avec les reliques ; la complaisance de certains milieux chrétiens avec les reliques est une grave erreur, car si l'on dit qu'elles sont vraies ou si on le laisse croire, on ne peut rien reprocher aux auteurs qui usent du même procédé. Par exemple, Dan Brown dit que le suaire actuellement à Turin a été fait par Léonard de Vinci ; il se trompe. Il est prouvé, tant pour les historiens que pour les scientifiques, que le célèbre Suaire actuellement à Turin a été fabriqué au 14e siècle. Pourquoi tant de mouvements chrétiens le présentent-ils comme une relique et plus encore comme un témoin de la résurrection ? La piété se met au niveau de Da Vinci Code.

4. Le succès du livre vient de ce qu'il s'appuie sur une critique féministe de l'Église catholique romaine. Là encore il faut faire œuvre de vérité et reconnaître qu'il y a dans l'Église une vive tension entre deux cultures. La première est liée à culture méditerranéenne : celle de Jérusalem, comme celle de Rome. Elle est résumée dans la formule de Paul selon laquelle la femme doit être soumise à son mari. La seconde est liée à la culture anglo-saxonne et à la modernité : la femme est l'égale de l'homme. L'interdit de l'accès aux ministères ordonnés pour les femmes cristallise ce conflit. Pour avoir bloqué toute discussion sur ce point, le discours en faveur des femmes tenu par les autorités romaines apparaît comme illusoire - puisqu'il est clair qu'il y a eu dans les premiers siècles chrétiens des femmes qui ont exercé des ministères ! Le blocage actuel nourrit la dérision mise en œuvre par Da Vinci Code.

5. Plus important, car c'est le cœur de la question. Il importe que l'Église soit à la hauteur du mystère dont elle est porteuse. Il faut tenir compte du mystère et pour cela promouvoir une pratique liturgique qui fasse droit à l'exigence exprimée par la notion d'initiation. C'est sans doute la sclérose des liturgies vécues dans l'esprit de la Contre-Réforme avec la théologie de l'efficacité de la seule parole sacerdotale qui a favorisé la réduction du mystère au secret.

6. Cette dernière remarque invite à un renouvellement de la théologie catholique. Il apparaît que celle-ci s'est appauvrie par une carence en matière de théologie du Saint Esprit. Il y a là un chantier important à promouvoir qui ne pourra être mené à bien que si l'on tient compte de la richesse des églises orientales et donc de l'avancée dans l'union de tous les chrétiens.

7. Enfin la question posée est celle des relations entre la foi et la raison. La foi entretient avec la raison une relation spécifique. Mais il y a sur ce point un chemin qui n'est pas simple, car il passe par un moment de remise de soi à un autre. La foi n'est pas contre la raison, au contraire. Les croyants savent par expérience que quand un homme cherche la vérité par la raison seule, il échoue ; Si la vérité lui est offerte et s'il l'accepte par la foi, il la trouve satisfaisante pour la raison. Seule cette attitude libère de l'étroitesse d'esprit que l'on trouve dans l'ésotérisme qui reste lui-même prisonnier de l'étroitesse du rationalisme qu'il combat. On peut lui adresser la parole de Pascal parlant de la foi en opposition à la prétention des demi-savants : « rien n'est plus conforme à la raison que ce désaveu de la raison ».

1 « Autour des thèmes du best-seller Da Vinci Code », bibliographie, février 2005. Cette bibliographie comporte les rubriques suivantes : la liste des œuvres de Dan Brown, les commentaires du roman, des sources du « mystère » à la mystification, sources historiques, les Templiers, le procès des Templiers, sources religieuses (Marie-Madeleine, l'Opus Dei), sources ésotériques,sources littéraires, le thème du Graal (la quête du Graal au Moyen-Âge, visions du Graal plus contemporaines), autres thèmes importants du Da Vinci Code, le Da Vinci Code et l'art (Léonard de Vinci, le nombre d'or, quelques outils d'iconologie, Marie-Madeleine).

2 Marie-France ETCHEGOIN et Frédéric LENOIR, Code Da Vinci : l'enquête, Paris, Robert Laffont, 2004.

3 Op. cit., p. 58.

4 Elaine PAGELS, Adam, Eve and the Serpent, New York, Random House, 1988 ; trad. fr. Paris, Flammarion, 1989.

5 Voir Jacques MENARD, L'Évangile selon Philippe. Introduction, texte-traduction, commentaire, Paris, Cariscrïpt, 1988 ; Anne PASQUIER , L'Évangile selon Marie, Laval, Presse de l'Université, 1983.

6 Dits canoniques : Matthieu, Marc, Luc et Jean.

7 Les textes sont bien connus, souvent édités et étudiés scientifiquement. L'édition française la plus commode est celle de la Bibliothèque de la Pléiade, Paris, Gallimard, 1997.

8 Sur ce point, voir Marguerite NEVEUX et H. E. HUNTLEY, Le Nombre d'or. Radiographie d'un mythe, Paris édit. du Seuil, 1995.

9 La construction est simple : soit un segment AB de longueur l ; le nombre d'or est déterminé par le point C qui divise le segment en deux parties a et b (a plus grand que b) de sorte qu'il y ait égalité des rapports a/b = l/a.

10 On peut le comparer à la barre dont l'ombre indique l'heure sur un cadran solaire.

11 Sur cette situation de l'ésotérisme, voir Jean SERVIER, préface au Dictionnaire critique de l'ésotérisme, Paris, PUF, 1998.

12 La bibliographie sur Léonard de Vinci est immense. On trouvera un commentaire des œuvres cités dans le roman chez Daniel ARASSE, Léonard de Vinci, Paris, Hazan, 1997, ²2003.

13 Sur ce tableau, voir les commentaire de Daniel Arasse, op. cit., p. 362-383.

14 Sur l'évolution de la tradition chrétienne voir Régis BURNET, De la pécheresse repentante à l'épouse de Jésus. Histoire de la réception d'une figure biblique, Paris, édit. du Cerf, 2004.
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boulogne!
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mer. mai 25, 2005 6:35 am

Le post le plus long de l'histoire du forum?

Bravo! C'est réussi! [img]images/icones/icon13.gif[/img]
LeLong
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mer. mai 25, 2005 9:07 am

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Il y en a quelques un pas mal dans la société au moyen-age d'oncle beauj, mais là t'as fait fort Colin ;)
etheldrède
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mer. mai 25, 2005 9:08 am

Bon alors l'auteur c'est Simon Cox, sorti aux éditions pocket
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rolland de glabbecke
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mer. mai 25, 2005 9:11 am

Ca me rappelle une anecdote ...

Le jour où j'ai terminé de lire ce bouquin de Dan Brown, je suis allé faire un tour par curiosité sur le site de l'Opus Dei ...

Je peux vous dire qu'on lisait une belle grosse dose d'énervement dans les propos courtois mais néanmoins fermes quant à la position des dirigeants sur ce fait !

Ils étaient rouges de colère

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