Apparence des épées - XIIIe siècle

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medieviste
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mar. nov. 23, 2010 9:49 am

Suite à discussion dans une autre section, voici une question qui revient régulièrement, l'apparence des épées médiévales, et par extension, celle de nos outils de reconstitution.

Mes remarques sont basées essentiellement sur "La Branche des Royaux Lignages", un recueil de plus de 20 000 vers rédigé par Guillaume Guiart, un sergent à pieds dans l'armée de Philippe le Bel, vers 1304-1307, lors de sa convalescence durant la guerre de Flandres. Oui, je sais, c'est pas banal, un sergent issu de la petite bourgeoisie parisienne qui sait lire, écrire et en plus faire de la poésie en vers, ça va un peu à l'encontre de notre vision d'un soldat !

Ensuite le témoignage est extra, car c'est pour une fois un point de vue d'un soldat, pas d'un chevalier, et même si lui aussi donne plus d'infos sur les chevaliers, ses infos sur les soldats sont présentes, intéressantes, et directement dignes d'intérêt, vu qu'il est soldat, il sait très bien de quoi il parle, lui !

On voit déjà un soin tout particulier du soldat vis à vis de son épée :

- elle est dérouillée, nettoyée, fourbie et je cite "les espées nues aus pommiaus clairs et poi maschuréz" (pommeau clair = poncés, polis, voire même poli miroir, allez savoir, en tout cas tout sauf noir de forge ou rouillé) ; exit l'idée d'un soldat crasseux avec une épée rouillée et mal entretenue !

- elle est toujours dans un fourreau, quel qu'il soit, sauf pour les ribauds : il parle de ribauds "l'un (ribaud" tient une épée sans fourreau" (vers 19808)

- la plupart des soldats possèdent une épée, même les ribauds (mais parfois dénuée de fourreau dans ce dernier cas) ou un fauchon. Et ils l'entretiennent apparemment avec grand soin après chaque combat. Ceci rejoint également le sujet que j'avais lancé il y a un an environ sur les "épées à trois sous" selon lequel tout soldat désireux d'avoir une épée peut s'en acheter une, les épées d'une valeur de trois sous (un soldat gagne un sol par jour, ne l'oublions pas !) c'est certes des épées de mauvaise qualité, mais ça reste une épée très accessible !

- les épées de soldats se cassent apparemment souvent (du moins bien plus souvent que celles des chevaliers : à chaque mention d'épée cassée et réparée, ça concerne les soldats) :
"Et les espées esgrunées :
Faillies sont les plus seures
Assez près des enhendéures,
Tant en ont asprement tranchié"
L'endendéure désigne la poignée, donc apparemment l'épée se rompait souvent à cet endroit, MAIS
"Les uns font faire enhendéures
Es espées toutes nouvelles,
Et font fourbir les alemèles"
Cela signifie que soit ils [g]font refaire [/b]les poignées brisées, soit ils [g]font fourbir [/b]les lames (alemèles) : donc il y a du personnel qualifié (forgerons de campagne) à disposition pour réparer immédiatement le matériel, plutôt intéressant comme info sur l'ost en campagne !

- Il semblerait qu'il y ait pas mal de fauchons : "Alors on voit les rangs frémir, les fauchons dressés", ou "fauchons tranchanz", ou "serjanz ... a bons fauchons clers et tranchans" ou encore là où leur groupe (aux soldats) était le plus resserré il y avait "maint bon fauchon pour estal rendre" : impossible de déterminer la proportion épées/fauchons, mais ce dernier semble plus présent qu'on n'aurait cru, et apparemment plutôt chez les piétons que les cavaliers ! De même, fauchons "clairs" c'est là aussi synonyme de polissage !

Ensuite les pièces archéologiques trouvées en milieu humide (je pense essentiellement aux épées XIIe et XIIIe retrouvées dans des lacs suisses) sont toutes polies de la même façon, lame, garde et pommeau (il y a une série d'épée en très bon état à Zurich et Bern dans les Landesmuseum) et ces épées pouvaient aoir appartenu autant à des chevaliers que des soldats.

Enfin les études métallographiques réalisées sur des lames de fouilles montrent des diversités importantes dans les qualités mécaniques des épées : certaines sont grossièrement forgées, avec quelques couches, voire dizaines de couches d'acier à peine, d'autres sont finement corroyées et damassées avec des centaines de couches de qualité.

Il est donc raisonnable d'avancer l'hypothèse que l'épée médiévale a une apparence visuelle relativement constante : un polissage poussé, autant pour la lame, le pommeau et la garde, autant pour un simple soldat qu'un chevalier fortuné. Dans le cas du fortuné, on peut y ajouter des dorures (plusieurs exemples de pommeaux, voire de gardes dorés à l'or fin)
En revanche la différence se fait dans la qualité de l'acier : souplesse, dureté des tranchants.
Ca colle avec le travail de forge : un corroyage et un damassage poussé, travaillé, de multpiles soudures, un excellent acier, c'est quelque chose de long, délicat à forger et coûteux ; le ponçage et le polissage en comparaison représentent un travail bien plus rapide et peu coûteux.

Voilà un petit résumé qui nous permettrait dans notre passion d'avoir le plaisir d'arborer une belle épée, même si on joue un soldat et non un chevalier. Reste que pour coller à l'historicité, il faudrait que l'épée du soldat soit faite de ferraille peu solide et de mauvaise qualité, mais pour une raison élémentaire de sécurité on ne va pas pousser dans cette direction, je pense... :D ... et dotée d'un fourreau "minable" en comparaison des fourreaux de chevalier. De ce côté-là par contre on pousse à peu près tous le détail assez loin puisque des fourreaux de très haute qualité (cuir repoussé, motifs dorés à l'or sur la bouterolle, appliques d'argent ou d'or sur les boucles ou décorations du baudrier...)...j'en ai pas encore vu beaucoup ! :roi:
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Gabrielo di Napoli
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mar. nov. 23, 2010 10:06 am

Se bouquin a l'air d'être un belle ouvrage, es-que tu saurais, ou on peut se le procuré? Si il est édité évidement.
Une question, es-que la pluralisation des fauchon au sein de la soldatesque pédestre, ne pourrais pas montrer que celui si est plus simple a forgé et plus résistant que de simple épée a trois sous? Simple hypothèse [img]images/icones/icon10.gif[/img]
Vos mieux mobiliser son intelligence sur des conneries, que sa connerie sur des choses intelligentes!
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medieviste
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mar. nov. 23, 2010 10:10 am

Aaaaaaaabsolument pas ! Le sujet a déjà été abordé sur ce même forum, et de l'avis des spécialistes (dont Gaël Fabre) la forge d'une lame de fauchon est autrement plus complexe et nécessite un savoir-faire autrement plus important qu'une lame d'épée.
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Tudual/Edern
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mar. nov. 23, 2010 1:54 pm

Reste à savoir si le terme "fauchon" concerne bien ce à quoi nous pensons tous!
Quand je lisais la branche des royaux lignages, étant donné la relative fréquence des mention des fauchons je pensais plus à une arme d'hast genre fauchard.
... mais ne nous écartons pas trop du sujet!
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mar. nov. 23, 2010 2:02 pm

C'est début XIVe, et à cette époque, même dans l'iconographie, le fauchon est justement de plus en plus présent.
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Tudual/Edern
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mar. nov. 23, 2010 2:11 pm

Tout à fait, mais je pense que le terme est un peu trop ambigu pour y voir uniquement des armes de poing.
Quand Guillaume parle de "fauchons clairs" je pensais qu'il indiquait seulement qu'ils étaient sortis de leurs fourreaux.
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Gabrielo di Napoli
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mar. nov. 23, 2010 4:42 pm

Merci sa répond a ma question :). Alors pourquoi la soldatesque de base en aurait eu tant (si c'est bien sa que démontre le livre)?
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philippe le rouge
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mar. nov. 23, 2010 7:47 pm

Peut être parce que le fauchon, au contraire de l'épée, peut aussi être utilisé comme outil, remplaçant serpe, machette, tranchoir et j'en passe, ce qui explique non seulement sa grande diffusion mais aussi sa grande diversité de forme.

Donc, pour revenir aux épées, ça va donner des ateliers supplémentaires aux petits nouveaux de l'association : l'entretien du matos ! c'est une bonne chose [img]smile/thumb.gif[/img]
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