Les armuriers de l'époque

Vie, coutumes, institutions, pouvoir et organisation de la société au Moyen-Age

Modérateur : L'équipe des gentils modos

olivier l-beaulieu
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ven. oct. 15, 2010 3:40 am

Il me vient sans cesse un questionnement sur les armuriers de l'époque. Quel était le rôle exact de personnes telles que Lorenz Helmschmied ou Kunz Lochner et bien d'autres? Je me dis que leur rôle devait être de faire fonctionner leur industrie et non de fabriquer des armures.

En clair, est-ce pensable que Lorenz Helmschmied ait été l'équivalent d'un patron d'entreprise aujourd'hui? Est-ce pensable que lui-même n'ait jamais fabriqué d'armures (comme la quasi-totalité des patrons qui n'ont jamais travaillé dans leurs usines)? Ceux qui fabriquaient les armures étaient des apprentis et des maîtres dans le sens premier du terme, alors les patrons (en l'occurence Helmschmied) devaient s'occuper d'aller chercher les contrats. Ce n'est qu'une hypothèse et je voudrais qu'on m'éclaire sur le sujet.

Autre questionnement: Est-ce que les familles d'armuriers faisaient partie de la bourgeoisie? À quel point étaient-elles riches?
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Ranbaz
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ven. oct. 15, 2010 8:06 am

olivier l-beaulieu a écrit :...(comme la quasi-totalité des patrons qui n'ont jamais travaillé dans leurs usines)? ...?
Désolé pas de réponse à ta question mais par contre concernant ta réflexion sur les patrons je me dis que nous ne devons pas vivre dans le même monde. Les grands patrons de gros groupes sont très largement minoritaires, la quasi totalité des entreprises sont des PME (Petites et Moyennes Entreprise) et je peux t'assurer que les mecs qui les dirigent n'ont pas été parachuté par le saint esprit.
le helmier
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ven. oct. 15, 2010 5:23 pm

je rejoins Ranbaz. Halte aux raccourcis ! Et pourquoi pas des actions Missaglia à la bourse de Milan ?
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guillaumedebeaufort
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sam. oct. 16, 2010 7:02 pm

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tripat3
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mar. oct. 19, 2010 9:18 pm

Pour répondre brièvement il n'y a que la grande industrialisation du XIXe siècle qui permis l'apparition des patrons investisseurs. Avant, de l'antiquité à la renaissance en passant par le moyen âge, pour s'installer à son compte il fallait faire preuve de son savoir devant ses paires. Car il était impensable de travailler sans faire parti de la corporation. Donc de prouver d'un apprentissage parfois très long chez des maîtres connus, puis de plusieurs années comme compagnon.
La plupart du temps comme il était très dur de disposer des fonds nécessaires à l'installation on devenait maître mais on continuait de travailler avec le vieux maître jusqu'au moment de la passation de l'autorité. Si le compagnon trouvait les fonds nécessaires il devait s'installer ailleurs.
Donc il est impensable qu’un maître dans n’importe quel métier ne fût pas lui-même un bon compagnon. En plus comme imaginer qu’il puisse donner des directives ou rectifier une erreur s’il n’est pas aussi capable que les compagnons qui travaillent avec lui ?

Donc on va laisser tomber les idées reçues sur les méchants patrons et les gentils ouvriers. :lol: Car c'est vraiment une idée contemporaine.
olivier l-beaulieu
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mar. oct. 26, 2010 3:30 am

Intéressante réponse.

Vu la quantité d'armures produites à l'époque, je me dis qu'il devait y avoir un nombre important de maîtres et de compagnons pour fabriquer les commandes.

Autre question: Les armuriers dont les noms nous sont parvenus étaient-ils riches? À force de fabriquer des armures pour des rois et des nobles...
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le furet
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mar. oct. 26, 2010 8:59 am

Salut,

Ca c'est une question qu'elle est intéressante. Globalement je me range à l'avis de Tripat avec cette nuance que certains métiers s'accompagnent de privilèges assez tôt. J'ai en tête un exemple XVIéme siècle où les britanniques débauchent un fondeur de canons autrichien qui peine à lancer un nouveau type de canon (utilisé avec succès par les marins anglais aux dépends des Espagnols). Il accepte, à condition de pouvoir également fondre des cloches (privilège), ne plus avoir à tirer lui-même les trois premiers coups de ses canons (prémices de l'assurance-qualité), etc. Au XVIIéme en France, l'artisan qui veut fondre des cloches doit payer une redevance au noble titulaire du privilège. Sur les derniers siècles de MA, on n'a peut-être pas encore cette dichotomie sauf avec les ordres monastiques ? Il y a un exemple connu avec le ravage de l'abbaye de Saint-Alban (je crois) en Angleterre par les bourgeois suite à un conflit fiscal et réglementaire (nombre de jours chômés, horaires de travail, redevances sur les ventes... ).

Je pense qu'il faut distinguer le XVéme siécle qui connait déjà une sorte de révolution industrielle ou pré-industrielle du reste du MA.

Ensuite, les patrons investisseurs ça existe bien que le phénomène soit différent, limité aux possibilités des banques contemporaines et par le risque localement élevé de confiscation par le pouvoir féodal. Mais on sait que certains ordres religieux (dont les templiers par exemple) avaient un système bancaire étendu et connaissaient déjà un système "d'obligations" chez leurs débiteurs. Et à la limite, si on rapporte la nature d'un métayage agricole du XIIIéme à ce qu'étaient les "ouvriers-tailleurs à domicile du XIXéme", le système est quasi le même, on parle également pas mal des banquiers lombards ou encore des juifs.

En Allemagne, dans plusieurs villes, les seigneurs s'entourent de conseillers juifs payant sa protection ET pratiquant l'usure pour permettre à des artisans (=maîtres ou compagnons) de s'émanciper en s'installant en ville puis ferment les yeux lorsque leurs artisans finissent par tuer les juifs dans des émeutes. Au final, c'est tout bénéf pour le seigneur. Il me semble que c'est à Mayence au XIVéme ou XVéme que les émeutes les plus féroces ont eu lieu. Et pour le coups, ne mettez pas ça sur le dos de l'Eglise, une partie des fonds prêtés par les juifs lui appartenait à l'occasion... Au passage, après la peste, les seigneurs Anglais ont fait pareil à leur manière pour repeupler leurs villes entraînant un hémorragie de la main-d'oeuvre agricole car les serves notamment disparaissaient pour réapparaître comme épouses d'artisans en ville. Et les seigneurs "urbains" ont bienveillamment fermés les yeux et même investi pour attirer les artisans voire de simples apprentis fuyant des villes pestiférée fin XIVéme.

Mais voilà, dès la fin du MA on voit une montée du "contre-pouvoir bourgeois" qui va donner un XVIéme siécle interessant et notamment contribuer à la diffusion du protestantisme qui se développe notamment aux Pays-Bas pour des raisons de différend fiscal entre bourgeois et clergé à priori. Et en Angleterre, ça débouche sur l'anglicanisme et... Cromwell puis la monarchie parlementaire, etc.

Bref, fin de la digression...

Concernant la structurations du métier d'armurier sur 1000 ans de MA, beeeeeeeeeeen....

On commence le MA à la chute de l'empire romain là où les fabricae (grosses concentrations d'État d'artisans spécialisés en matos militaire) ferment et où les royaumes germaniques se démerdent à fabriquer dans des ateliers bien plus modestes des chef-d'œuvre d'orfèvrerie et de métallurgie. La question de la fabrication domestique se pose aussi puisque au VIIéme siècle, on trouve dans la tombe d'un paysan" rhénan un scramasaxe avec une lame d'une qualité et d'une complexité de structure comme la noblesse japonaise n'en connaîtra pas avant les XII-XIIIéme siècle par exemple. Pour le coups y'en a à qui ça ferait mal au cul d'admettre que ça a été bricolé à la ferme. Donc ça sous-entend des ateliers importants quelque part et des routes commerciales pour ces armes. Fin Véme les Ostrogoths ont essayé de préserver tout ce qu'ils pouvaient de la civilisation romaine, quid des fabricae d'Italie, quid des ateliers de Milan, etc. ?

Plus tard, -j'en sais rien- quand naissent les arsenaux royaux ? Qui et quand parmi les féodaux arrive t-on à telle qualité d'arme ? Qui est armurier, qui est fourbisseur, comment naissent les batteurs d'armure, les sellier-bourrelier, les premier fondeurs et forgerons de canons ?
Tout cela sous-entend tissu artisano-industriel, savoir académique, organisation de l'économie, jeu de corporations donc pluôt fin du MA à priori...

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brusledoictz
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mar. oct. 26, 2010 11:07 am

le furet a écrit : Plus tard, -j'en sais rien- quand naissent les arsenaux royaux ? Qui et quand parmi les féodaux arrive t-on à telle qualité d'arme ? Qui est armurier, qui est fourbisseur, comment naissent les batteurs d'armure, les sellier-bourrelier, les premier fondeurs et forgerons de canons ?
Tout cela sous-entend tissu artisano-industriel, savoir académique, organisation de l'économie, jeu de corporations donc pluôt fin du MA à priori...

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Pour ce qui concerne les fondeurs et forgerons de canons, voir :

Benoît Paul. Artisans ou combattants ? Les canonniers dans le royaume de France à la fin du Moyen Age. In: Actes des congrès de la Société des historiens médiévistes de l'enseignement supérieur public. 18e congrès, Montpellier, 1987. Le combattant au Moyen Age. pp. 287-296.

doi : 10.3406/shmes.1987.1499
url : http://www.persee.fr/web/revues/home/pr ... _18_1_1499
Brusle-Doictz, artillier aux Lances de Bretagne - Goafiou Breizh.
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tripat3
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mar. oct. 26, 2010 7:38 pm

C'est très juste ce que tu avance Le Furet, mais mon exemple était la que pour démontrer que dans l'artisanat et non pas le commerce, les dirigeants d'ateliers petit (familiaux) ou plus important comme les fabriques de Savoie ou d'Italie (je ne connais pas assez pour la Germanie) son avant tout formés et chapeauté par les guildes et sont d'abord des compagnons.
Donc pour répondre à la question du départ : Non les dirigeants des ateliers n’étaient pas comparables à ceux de maintenant (sauf exception dans les deux sens) et oui ils connaissaient très bien le métier dont ils pouvaient signer les œuvres.
Mais il est vrai aussi que l’art n’est pas réservé aux seuls compagnons, on a vu et on voit encore des cas pas si rares d’ailleurs de personne ayant développé des techniques qui leurs permettrent de créer des œuvres extraordinaires qui ne seront connues de tous que bien plus tard.
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bellabre
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mar. oct. 26, 2010 8:14 pm

Dans le dernier numéro de Histoires et images médiévales, il y a de bons articles sur la question de l'industrie au MA et une ref bibliographique.
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le furet
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mar. oct. 26, 2010 9:01 pm

tripat3 a écrit :C'est très juste ce que tu avance Le Furet, mais mon exemple était la que pour démontrer que dans l'artisanat et non pas le commerce, les dirigeants d'ateliers petit (familiaux) ou plus important comme les fabriques de Savoie ou d'Italie (je ne connais pas assez pour la Germanie) son avant tout formés et chapeauté par les guildes et sont d'abord des compagnons.
Donc pour répondre à la question du départ : Non les dirigeants des ateliers n’étaient pas comparables à ceux de maintenant (sauf exception dans les deux sens) et oui ils connaissaient très bien le métier dont ils pouvaient signer les œuvres.
Mais il est vrai aussi que l’art n’est pas réservé aux seuls compagnons, on a vu et on voit encore des cas pas si rares d’ailleurs de personne ayant développé des techniques qui leurs permettrent de créer des œuvres extraordinaires qui ne seront connues de tous que bien plus tard.
Oui oui tu as raison.
Par contre, j'ai entendu parler de caisses de solidarité au sein des corporations notamment de maçons sur les chantiers de cathédrales mais je ne sais pas si elles sont uniquement là pour les "dommages corporels" des compagnons ou si elles donnent aussi dans "l'aide à l'installation". En même temps, les maçons étaient itinérants et n'avaient pas besoin de tenir une échoppe peut-être plus coûteuse comme les armuriers, forgerons, fourbisseurs etc.

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tripat3
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mar. oct. 26, 2010 9:35 pm

Oui, c'était l'équivalent de notre sécu, et en plus ça permettait en cas accident mortel d'aider la veuve.
Mais ça existait pour beaucoup de métiers.
Par contre je n'ai pas trouvé de preuve que ça a fonctionné dans le sens d'aide à l'installation.
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le furet
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mar. oct. 26, 2010 9:57 pm

En y réfléchissant, faudrait être idiot pour aider un concurrent à s'installer... Un seigneur en revanche peut y avoir intérêt...

Mais il me semble que c'était Pierre-AL qui avait trouvé des stats sur la production d'épées en Italie du Nord fin XVéme et l'organisation des ateliers parfois assez gigantesques par rapport à ce qu'on peut imaginer me semble t-il non ?
Je ne sais plus où c'était exactement... je ne l'ai pas retrouvé.

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tripat3
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mer. oct. 27, 2010 7:02 pm

Effectivement nous avions débattus sur les cadences de production, et c'était effectivement sur les lames d'épées.
Et l'association possible de plusieurs maîtres dans une même entreprise.
Mais le gigantisme a existé depuis très longtemps en matière de production de lames, il faut voir les productions des Grisons à l'époque romaine. Mais heureusement il est toujours resté de petites unité de production qui elles n'ont pas cherchées le rendement mais la qualité. Ouf ! [img]smile/thumb.gif[/img]
olivier l-beaulieu
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dim. nov. 28, 2010 3:12 am

Quel pouvait être la richesse d'un armurier au 15e siècle (si je reste ici avec un armurier connu)? Eétait-il riche, moyen, pauvre?
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