Travail pour RAV MAG 14 : Itinéraire d’un message au XIIième

Vie, coutumes, institutions, pouvoir et organisation de la société au Moyen-Age

Modérateur : L'équipe des gentils modos

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cendrinox
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ven. oct. 05, 2007 10:37 am

Lui ayant déjà parlé de cette idée de vous soumettre ici mes idées de scénar sensées se passer au MA, mais dans le souci de ne pas écrire de grôôôsses bêtises, Lou Teignou n’y semblait pas hostile, d’où l’existence de ce topic.

Depuis bientôt deux ans scénariste dans le fanzine RAV MAG , trimestriel BD à vocation humoristique, j’ai l’intention de rédiger pour le prochain numéro dont le thème est le voyage un texte qui met en parallèle deux époques : le XIIième et le XXIième siècle.
Voici donc : au XIIième siècle, un personnage doit envoyer un message important : il se rend à pied dans la ville la plus proche, va chez un écrivain public qui va rédiger le document, et ensuite le confie à un messager qui le remet à son destinataire, une ville plus loin.
Le ressort humoristique reste qu’au XXIième siècle, le même type de missive au contenu analogue mettra autant de temps aux deux époques parce que la personne qui nous est contemporaine connaîtra une série de déconvenues techniques et humaines : mail retourné, plate forme en panne, grève de la Poste, portable déchargé, etc …

J’aurais pu me débrouiller toute seule si je n’avais pas eu mes scrupules historiques, et c’est là que je vous demande votre aide :
 Quel type d’information importante écrite aurait pu envoyer le personnage ? Ce qui me bloque, c’est qu’actuellement au XXIième siècle on échange beaucoup de choses anodines, et je me doute qu’avoir besoin d’un support écrit au XIIième et l’envoyer impliquait une information importante.
 Les « écrivains publics » existaient-ils au XIIième siècle ? Les moines se chargeaient-ils de cette fonction ?
 Des sortes de « postes » ou « transporteurs » existaient-ils au XIIième ?

D’avance merci, fiers guerriers !

NB : ah oui, pour ceux que ça intéresse, le lien RAV MAG :
http://rien-a-voir.over-blog.fr/
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cendrinox
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mar. oct. 16, 2007 5:19 am

Bah tant pis alors je ferai comme d'hab : au pif. Ce que je n'ai pas précisé c'est que je n'ai pas des milliers d'heures à consacrer à ce projet, et que j'espérais que votre savoir ne serait pas conservé comme un coffre-fort suisse.
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medieviste
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mar. oct. 16, 2007 6:02 am

Oulla, mais personne ne lui a répondu ! Pas cool, pas cool !

Bon ben je viens avec mes maigres connaissances : en fait je me suis souvent posé la question moi-même, et j'ai peu d'éléments de réponse.
On sait qu'il existait des coursiers, messagers, mais que portaient-ils ? Un message oral ou écrit ?
N'ayant à ma connaissance quasiment jamais retrouvé de missive écrite aux XIIe ou XIIIe siècles, j'en viens à me demander si ça peut exister.
De prime abord, je songe aux lettres de changes : ce ne sont à proprement parler pas des messages mais des chèques : une sorte de reconnaissance de dette par exemple entre deux marchands, ce qui évite de transporter des sommes en numéraire.
Je ne sais pas s'il y a là matière à modifier ton scénraio (voyage d'une lettre de change au XIIe/voyage d'un chèque au XXIe)

Sinon des motifs pour envoyer un message... Un testament de noble, une charte de donation de terres, un texte reconnaissant des droits juridiques à un village...
Mais les motifs auxquels on songerait dans notre siècle (annonce de mariage, naissance, invitation à un banquet) sont plus que certainement oraux à l'époque médiévale.

Ensuite à la question existe-t-il des écrivains publics aux XIIe-XIIIe siècles : excepté Chrétien de Troyes ou d'autres troubadours, trouvères et ménestrels, je n'en vois guère.

Enfin existe-t-il des transporteurs au Moyen Age ? Toujours pareil : à ma connaissance, non. Ceci dit il existe des relais (généralement des auberges) permettant aux grands messager royaux d'échanger leur cheval usé contre un cheval frais, CT OK, BEG, faible km, TO, non fumeur etc... Mais de "poste", point à mon idée...

Ceci est-il une aide ou au contraire un handicap pour ton scénario ?

Et question bête : à quel type de public s'adresse-t-il ? Je veux dire, quelle tranche d'âge ?
Reinhardt von Rappolstein
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raymond roger
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mar. oct. 16, 2007 6:16 am

Avant tout, il y avait bien des écrivains publics au Moyen Age (A titre d'exemple, En 1280, Paris compte plus de 60 écrivains pour le public).

Cela étant aucun document n'atteste de la transmission écrite ou orale des messages au XII (enfin vu mes maigres connaissances). Mais il est fort à parier que les messages "anodins" se transmettaient oralement eu égard au coût élevé de la rédaction d'une lettre.
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mar. oct. 16, 2007 6:38 am

Raymond Roger a dit : Avant tout, il y avait bien des écrivains publics au Moyen Age (A titre d'exemple, En 1280, Paris compte plus de 60 écrivains pour le public).
Tiens ? Tu m'intéresses fort là : ils écrivaient quoi au juste ? Ils rédigent des chartes et textes pour un besoin dans le cadre d'un travail ou bien des histoires, contes et autres amusements ?
As-tu des infos plus précises ?
Reinhardt von Rappolstein
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raymond roger
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mar. oct. 16, 2007 6:46 am

De la fin du 12e s. au début du 13e s., l’essor des villes s’accompagne d’une évolution de la société avec l’apparition de la bourgeoisie - ceux qui habitent le bourg - et un enrichissement grâce au commerce. Mais la population reste peu lettrée et la nécessité d’une tierce personne pour rédiger, lire, répertorier les actes commerciaux est un besoin de plus en plus fort. Déjà, à cette époque, le métier d’écrivain public est une réponse à une demande de service.

Avec l’organisation des échanges commerciaux, la multiplication des métiers, le développement de l’administration royale et municipale, l’écrivain public est celui qui rédige les accords, les contrats et les lettres qui ne nécessitent pas l’intervention d’un juriste dont les services sont beaucoup plus chers.

Au 13e s. comme au cours des siècles suivant, le nombre d’écrivains publics varie selon les guerres et les évènements politiques qui pèsent directement sur les activités économiques.

En 1280, soixante écrivains publics sont recensés à Paris.[1](cf. H.Spitz, page 60)


Nicolas FlamelAvec le développement de la profession au 14e s., parmi les écrivains publics les plus renommés, Nicolas Flamel (1330?-1418) avait installé son cabinet près de l'église Saint-Jacques-de-la-Boucherie à Paris.

Source Wikipedia
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mar. oct. 16, 2007 7:08 am

OK
Donc c'est un peu ce que je soupçonnais, c'est surtout une mise à disposition d'un savoir destiné au travail, reconnaissances de dettes, chartes, règlements, tenues de comptes...
Ce sont un peu des scribes laïcs, en somme...

Mais très intéressant de quantifier leur nombre à Paris en 1280 !

Thanks !
Reinhardt von Rappolstein
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raymond roger
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mar. oct. 16, 2007 7:23 am

http://www.ensmp.fr/~scherer/adminet/moyenage.html

Un lien qui vaut ce qu'il vaut mais qui est assez intéressant.
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jeu. oct. 18, 2007 8:37 am

Bon sang ! Là je n'y croyais plus, merci messeigneurs Médiéviste et Raymond Roger !

Mon scénar avait l'intention d'évoluer en fonction de vos réponses. Je me doutais bien que vue la rareté des supports écrits au XIIième, l'oral était sûrement le plus employé lorsqu'il s'agissait d'affaires privées, mais pour un document commercial, si j'ai bien compris, ce serait possible.
A l'instant, je pense à une demande de la part d'un riche marchand pour figurer dans une Foire importante : c'est concevable, non ? Mais à quelle autorité devait-il s'adresser ? Ahem, encore une question ...
En parallèle de nos jours, je peux mettre par mail ce type de document, pour exposer dans un Salon !

RAV MAG est destiné à un public adulte, moyenne d'âge de nos lecteurs : la trentaine. Mais même si c'était destiné à des enfants, ce n'est pas selon moi une raison pour écrire et de dessiner n'importe quoi. Par exemple, des albums pour enfant où l'on découvre des canards colvert mâles sensés couver leur progéniture, des dindes qui font la roue, ou des personnages qui ramassent des amanites tue-mouche pour leur consommation, ça me donne des boutons !

Il y a un autre souci : ce n'est pas moi qui vais dessiner ces planches ... j'essayerai de limiter les dégâts dans la mesure du possible !
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jeu. oct. 18, 2007 11:32 am

Ravi de t'aider dans la mesure de nos moyens.

Pour aller plus loin, j'imagine très mal un riche marchand formuler par écrit une demande pour aller dans une foire.
A mon idée, les seuls documents écrits plausibles dans ce contexte sont soit des tenues de comptes (au sens comptable), soit une lettre de change (donc un chèque moderne), je ne suis même pas sûr qu'il y ait des règlements de corporation par écrit avant la fin XIIIe...
Mais sur ce dernier point, je ne suis pas spécialiste.
Reinhardt von Rappolstein
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jeu. oct. 18, 2007 11:55 am

Bon, alors on va dire qu'un commis ayant été dans une Foire doit envoyer un document comptable à son maître ou carrément une lettre de change ... pour une raison qui nous échappe (le marchand a des dettes et doit prouver rapidement qu'il est solvable, par exemple) : c'est réaliste ?
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jeu. oct. 18, 2007 12:08 pm

Ben en fait la lettre de change sert tout bonnement de chèque : un marchand a acheté pour une somme importante à un "fournisseur" (artisan, ville productrice de quelque spécialité) mais il n'a pas envie de trimbaler la somme en espèces sur lui, il a donc la lettre de change qui permet dechanger le parchemin en pièces sonnantes et trébuchantes dans une ville où il y a un comptoir dudit marchand (ce qui suppose en effet que le marchand soit plutôt aisé)
Ca peut aussi être un seigneur qui se déplace avec une lettre de change car il a emprunté de l'argent à un banquier ou un riche marchand, la lettre de change servant de "reconnaissance de dette" et il va se faire payer dans un comptoir.

Autre contexte possible : un contrat entre marchands : dans les grandes lignes, un commerçant peut s'associer avec plusieurs commerçants, qui lui fournissent des marchandises, mais lui est le seul à voyager pour les vendre, il prend les risques du voyage, les autres prennent le risque de "prêter" leur marchandise, et un contrat les lie tous ensemble.

Je n'en sais pas bien plus, c'est un domaine que je ne maitrise pas vraiment à la perfection...
Reinhardt von Rappolstein
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hellin
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jeu. oct. 18, 2007 12:19 pm

Quelques pistes :

http://www.bibliorare.com/cat-vent_drouot7-11-07-1.pdf

http://www.unicaen.fr/mrsh/crahm/revue/ ... 4bougy.pdf

Tu peux également fouiner du côté du "cursus publicus" qui était le service des postes de l'administration romaine, mais qui a peut-être perduré sous d'autres formes jusqu'au moyen âge...
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raymond roger
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ven. oct. 19, 2007 3:15 am

Je ne pense pas que tu sois limitée quant au contenu de la lettre si l'émetteur et le récepteur sont nobles. Car ces derniers avaient les finances nécessaires pour recourir à ce genre d'échange.

Tu n'as qu'à placer l'action en occitanie à la fin du XIIème, à l'apogée du fine amor, et imaginer une belle vicomtesse mariée à un méchant vicomte qui écrit à son beau chevalier désargenté d'un château perdu dans la montagne noire pour lui demander de venir l'enlever. Mais le méchant vicomte a vent du courrier et fera tout pour l'intercepter afin de pouvoir répudier notre belle vicomtesse et l'enfermer dans un couvent hors la vue et le bras de notre beau chevalier. Tu peux en outre imaginer que le messager (une messagère en l'occurence) est une jeune donzelle intrépide...
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ven. oct. 19, 2007 3:13 pm

Raymond Roger a dit : Tu peux en outre imaginer que le messager (une messagère en l'occurence) est une jeune donzelle intrépide...
???

Euh, joker... D'une part un courrier relatif à un adultère n'est pas vraiment une idée lumineuse, quelle que soit l'époque, ensuite ces choses-là se font dans le secret oral et non écrit, justement pour éviter les traces, et de plus je crois savoir que les quelques rares seigneurs très puissants (je fais allusion à un roi de France du XIe siècle et un roi d'Angleterre du tout début XIVe) qui ont enlevé la femme d'un vassal, ben ça s'est très très mal terminé pour eux (et c'étaient des rois !)

Enfin une intrépide messagère, à mon idée, sur les routes, la pauvre se fait violer illico par les bandes de voleurs et marauds en balade...

Restons sérieux dans les limites de ce que les documents écrits d'époque nous apprennent !
Reinhardt von Rappolstein
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