Place d'un vassal en cas de conflit entre deux de ces suzera

Vie, coutumes, institutions, pouvoir et organisation de la société au Moyen-Age

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von krieglitz
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jeu. nov. 20, 2008 10:06 am

Bon c'est un titre un peu long, mais ça résume ce qui me tracasse.
Soit un Seigneur X disposant de deux fiefs qu'il tient de deux suzerains différents. Il a donc fait hommage à deux personnes, rien d'exceptionnel. Mettons maintenant que les deux suzerains entrent en conflit et convoquent leurs vassaux. Que fait le Sire X?
Je suis à peu prêt certain que Fleury, dans Chevaliers et Chevalerie au Moyen Age, mentionne le cas. D'après lui le sire X est sensé combattre des deux côtés. Je n'arrive pas à remettre la main sur ce passage, et je n'ai donc pas ses sources.
Avez vous connaissances de tels exemples?
Et à défaut de cas précis, connaissez vous la règle générale?
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raymond roger
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ven. nov. 21, 2008 5:08 am

J'ai un exemple, celui de la seigneurie de Termes (dans le Langudoc). Elle se situait en effet au croisement de plusieurs dominations : archevêque de Narbonne, comtes ou vicomtes de Carcassonne-Razès, Cerdagne, Roussillon, Barcelone. La famille de Termes multiplia les serments de fidélité contre remise de fief en leur faveur, mais à chaque fois avec des réserves de fidélité dans le cas de conflits entre deux suzerains. Ainsi, lorsque le vicomte de Carcassonne est en guerre contre le comte de Roussillon, le seigneur de Termes ne prend pas partie.

A mon avis des réserves de fidélité devaient être monnaie courante.
E venc tot dreit la peira...
von krieglitz
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ven. nov. 21, 2008 7:22 am

Merci Raymond. J'ai trouvé des informations générales chez Marc Bloch dans "La société Féodale" (bon ça ne nous rajeunit pas) :

"En tout temps, cette diversité d’attaches était gênante. Dans les moments de crise, le dilemme se faisait trop pressant pour que la doctrine ou les moeurs pussent se dispenser de lui chercher une réponse. Lorsque deux de ses seigneurs venaient à se faire la guerre, où était le devoir du bon vassal ?
S’abstenir eût simplement abouti à doubler la félonie. Il fallait donc choisir.
Comment ? Toute une casuistique s’élabora, dont les ouvrages des juristes n’eurent pas le monopole. On la voit également s’exprimer, sous forme de stipulations soigneusement balancées, dans les chartes dont, à partir du moment où l’écrit revendiqua ses droits, les serments de foi s’accompagnèrent de plus en plus volontiers. L’opinion semble avoir oscillé entre trois principaux critères. On pouvait d’abord classer les hommages par ordre de date : le plus ancien primait le plus récent ; souvent, dans la formule même par où il se reconnaissait l’homme d’un nouveau seigneur, le vassal réservait
expressément la fidélité naguère promise à un précédent maître. Cependant une autre idée s’offrait, qui, dans sa naïveté, jette une lumière fort crue sur l’arrière -plan de tant de protestations de dévouement : le plus respectable des
seigneurs était celui qui avait donné le fief le plus riche. Déjà, en 895, dans une situation légèrement différente, on avait entendu le comte du Mans, que les chanoines de Saint-Martin priaient de ramener à l’ordre un de ses vassaux, répondre que ce personnage était « bien plutôt » le vassal du comte-abbé Robert, « puisqu’il tenait de ce dernier un bienfait plus important ». Telle était, encore à la fin du XIe siècle, la règle suivie, en cas de conflit d’hommages, par la cour comtale de Catalogne (196). Enfin il arrivait que, transportant sur l’autre bord le noeud du débat, on prît pour pierre de touche la raison d’être même de la lutte : vis-à-vis du seigneur entré en lice pour défendre sa propre cause, l’obligation paraissait plus impérieuse qu’envers celui qui se bornait à se porter au secours « d’amis ».
Aucune de ces solutions, d’ailleurs, n’épuisait le problème. Qu’un homme eût à combattre son seigneur était déjà bien p.303 grave ; pouvait-on accepter, par surcroît, de le voir employer à cette fin, les ressources des fiefs qui lui avaient été confiés dans un tout autre dessein ? On tourna la difficulté en autorisant le seigneur à confisquer provisoirement, jusqu’à la paix, les biens naguère inféodés au vassal, pour l’instant légitimement infidèle. Ou bien, plus paradoxalement, on admit qu’astreint à servir de sa personne celui des deux ennemis auquel allait avant tout sa foi, le vassal n’en devait pas moins lever, sur les terres qu’il tenait de l’autre champion, des troupes, formées notamment, s’il en avait, de ses propres feudataires, afin de les mettre à la disposition de ce maître du second degré. Ainsi, par une sorte de prolongement de l’abus primitif, l’homme de deux chefs risquait, à son tour, de se heurter, sur le champ de bataille, à ses sujets.
Pratiquement, ces subtilités, que compliquaient encore de fréquents efforts pour concilier les divers systèmes, n’avaient guère d’autres résultats que d’abandonner à l’arbitraire du vassal une décision souvent longuement marchandée. Lorsque, en 1184, la guerre éclata entre les comtes de Hainaut et de Flandre, le sire d’Avesnes, vassal des deux barons à la fois, commença par solliciter, de la cour du premier d’entre eux, un jugement qui fixait savamment ses obligations. Après quoi, il se jeta de toutes ses forces dans le parti flamand. Une fidélité si flottante, était-ce encore une fidélité ?"

Apparemment il n'y a donc pas de règles absolues, et les cas étaient fréquents.

J'aimerai bien avoir d'autres exemples, néanmoins, notamment des cas où le vassal combat des deux côtés. Surtout j'ai un peu de mal à voir comment cela se passait en pratique : le fait d'aider ses deux sires à la fois me paraît une gageure, même si le devoir vous y pousse...
Pour ceux que ça intéresse, ce livre est dispo en pdf légalement et gratuitement, je l'ai eu sur le site d'une université québécoise, ici :
http://classiques.uqac.ca/classiques/bl ... odale.html
liudolf
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sam. nov. 22, 2008 4:43 am

Tu as aussi l'option de la mauvaise volonté: le seigneur vient à l'ost, fait ses quarante jours et s'en va, quelle que soit la situation. C'est ce qu'à fait le comte de Champagne convoqué à l'ost royal contre le roi d'Angleterre: il vient avec une dizaine de vassaux (il pouvait convoquer beaucoup plus) et lève le camp en plein conflit. Sinon la situation est prévue: c'est l'hommage-lige. Je n'ai jamais vu un vassal combattre en même temps des deux côtés. Lorsque le choix du camp est impossible, il reste neutre tout simplement.(le comte de Rethel pendant le conflit de Louis VI contre le comte de Roucy).
Bloch est bien, mais ses études datent un peu. Il y a le livre de Guillot, Ribaudière et Sassier qui est pas mal sur le sujet.
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saint denis!!!
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mar. déc. 09, 2008 9:11 am

Il y a aussi la seigneurie lige. C'est le seigneur attitré, même si le vassal est lié à d'autres seigneurs.
vala
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