Plusieurs miles pour un château...

Vie, coutumes, institutions, pouvoir et organisation de la société au Moyen-Age

Modérateur : L'équipe des gentils modos

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Keowen
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jeu. oct. 15, 2009 9:31 am

Ce sujet m'intéresse au plus haut point, ce pourrait être le thème central de la création d'une hypothétique association de reconstitution. Cela nous donnerait notamment un contexte cohérent pour un groupe comprenant plusieurs nobles/nobliaux/chevaliers aux origines familiales variées.
Avez-vous des lectures ou toutes sortes de documents à conseiller sur le sujet ? J'aimerais approfondir le genre de personnes qui vivaient comme cela, de quelle façon, et à la suite de quels évènements...
Keowen Branchevive - Mesnie du Franc Castel
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isfandyâr
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ven. oct. 16, 2009 7:15 am

Je peux t'envoyer une petite biblio là-dessus si tu veux à condition que tu me donnes ton email via mp (n'oublies pas de mettre ton arobase entre parenthèses pour éviter les robots spammeurs).

Isfandyâr
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enguerrand de calonges
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sam. déc. 12, 2009 6:40 am

Attention, "milites castri" et "co-seigneuries" sont deux notions bien différentes:
La co-seigneurie, on est bien d'accord, c'est une terre plus ou moins grande (avec ou sans château) sur laquelle plusieurs personnes se partagent les prérogatives foncières et/ou banales.
Souvent, les co-seigneurs sont issus de la même famille (mais ça n'est pas systématique); cela évitait ainsi de trop morceler le patrimoine familiale.
Dans certaines régions, on parle de parsonneries ou de frèrêches; c'est peut-être ces termes que cherchait à retrouver Moïse??? (je me souviens effectivement avoir vu passer ça lorsque j'étais à la fac).

Le "miles castri" (milites au pluriel), ça n'a a priori rien à voir avec ça. On en trouve beaucoup aux XIe et XIIe sc.; c'est un soldat (généralement issu de l'aristocratie) attaché à la défense d'un château (On trouve de la même façon des "milites eccelsiae" qui eux, sont attachés à la défense d'une église ou d'une abbaye). Il se distingue du simple garde en ce qu'il est d'un rang socialement plus élevé et évidemment mieux équipé.
Ce type de miles ne possède pas de seigneurie en propre. Il semble que se soient souvent des cadets de familles placés dans l'entourage du suzerain (je parle pour le Bordelais mais je pense que c'était aussi le cas dans d'autres secteurs) . C'est peut-être en cela que ça rejoint la notion de co-seigneurie (également très fréquente en Bordelais): comme dans les familles de la petite et moyenne aristocratie il n'y a pas forcement un patrimoine suffisant pour contenter tout le monde, le fait de placer un des fils chez son seigneur (et pas uniquement temporairement comme écuyer) lui permet d'intégrer la familia (c'est-à-dire l'entourage proche du seigneur) et de rester sous la protection dudit seigneurs (resserant ainsi les liens entre les deux familles).

Pour plus de détails sur les différentes formes de possession du sol dans l'Aquitaine du XIIe siècle, vous pourrez consulter le (long) laïus posté par Itier sur notre site Internet: http://www.montjoie.org/exercitus_aquit ... anorum.htm

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Himon
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sam. déc. 12, 2009 8:36 am

sacrée page d'acceuil que vous avez là [img]kator/smiley14.gif[/img]
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isfandyâr
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sam. déc. 12, 2009 10:47 am

Enguerrand de Calonges a dit : Attention, "milites castri" et "co-seigneuries" sont deux notions bien différentes:

Entièrement d'accord. Il y a des co-seigneuries avec milites castri et des co-seigneuries sans milites castri.


La co-seigneurie, on est bien d'accord, c'est une terre plus ou moins grande (avec ou sans château)

Les exemples avec châteaux ou tours sont quand même beaucoup plus fréquents que ceux sans. Il ne faut pas en faire une généralité mais ça reste un élément à prendre en compte quand à la définition même du concept de co-seigneurie.

sur laquelle plusieurs personnes se partagent les prérogatives foncières et/ou banales.
Souvent, les co-seigneurs sont issus de la même famille (mais ça n'est pas systématique); cela évitait ainsi de trop morceler le patrimoine familiale.
Dans certaines régions, on parle de parsonneries ou de frèrêches; c'est peut-être ces termes que cherchait à retrouver Moïse??? (je me souviens effectivement avoir vu passer ça lorsque j'étais à la fac).

Non, les parsonneries ou les frérêches sont des contrats passés entre les personnes d'une même communauté ou d'une même famille entrainant des obligations et une division particulière des terres et des biens dans les sociétés "rurales".
On le retrouve dans la France médiévale très tardivement (mi-XIIIe dans certains coins mais le plus souvent XIVe et XVe et pas seulement dans le sud-ouest). Je ne suis pas sûr qu'on puisse rapprocher cela de la question du foncier ou des seigneuries partagées.
Je te l'accorde, entre le milieu des gros propriétaires, des coqs de village et celui des milites castri, il peut y avoir parfois des porosités sociales et économiques.
Mais on ne parle pas du même groupe social ici. La société des co-seigneuries et milites castri (fût-elle de faible rang) est bien distincte et différente de celles des communautés rurales.


Le "miles castri" (milites au pluriel), ça n'a a priori rien à voir avec ça. On en trouve beaucoup aux XIe et XIIe sc.; c'est un soldat (généralement issu de l'aristocratie) attaché à la défense d'un château (On trouve de la même façon des "milites eccelsiae" qui eux, sont attachés à la défense d'une église ou d'une abbaye). Il se distingue du simple garde en ce qu'il est d'un rang socialement plus élevé et évidemment mieux équipé.
Ce type de miles ne possède pas de seigneurie en propre. Il semble que se soient souvent des cadets de familles placés dans l'entourage du suzerain (je parle pour le Bordelais mais je pense que c'était aussi le cas dans d'autres secteurs).


Si on reprend les quelques exemples de Chalucet, de Commarque, de Vouvant (Limousin, Périgord, Poitou), ce sont des situations sociales et des espaces bien différents à chaque fois pourtant, c'est le terme de "miles castri" qui est utilisé à chague fois. Je ne pense pas que le Bordelais puisse servir de généralité (même si le phénomène y est peut-être bien étudié !).

Il me semble que les articles de Christian Rémy, Pierre-Yves Laffont ou encore Frédéric Boutoulle apporte des distinguos dans leurs propres zones d'études.
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enguerrand de calonges
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Isfandyâr a dit :
Les exemples avec châteaux ou tours sont quand même beaucoup plus fréquents que ceux sans. Il ne faut pas en faire une généralité mais ça reste un élément à prendre en compte quand à la définition même du concept de co-seigneurie.
Je ne cherchais pas à généraliser; je me suis peut-être mal exprimé mais je ne parlais que du secteur que je connais à peu prêt bien pour y avoir fait mes études: le Bordelais (XIe - XVe sc.). En l'occurance ici, aux XIe - XIIIe sc. en particulier, on trouve énormémant de petites co-seignieuries (à l'échelle d'un village par exemple) dont les propriétaires appartiennent à la petite arisotcratie et ne possèdent même pas de château. Au mieux, ces personnes habitent une ferme vaguement protégée mais en tout cas, les textes (fin XIe - déb. XIIIe sc.) n'utilisent jamais de termes faisant référence à une quelconque fortification pour désigner ces habitats. Au contraire, les termes utilisés (très vagues) sont les mêmes que pour l'habitat paysan (mansio, estage, domus par exemple).
C'est à l'échelon social supérieur (les familles qui ont laissé leur nom à une paroisse et possédaient des biens dans plusieurs paroisses) que l'on commence à trouver des habitats fortifiés de type motte (pour les XIe - XIIIe sc.) puis maisons fortes (fin XIIIe sc. - XVe sc.). Ces familles (ou des membres de ces familles) pouvaient d'ailleurs être co-seigneurs d'une partie de leurs biens + seigneurs (au sans "traditionnel" du terme) sur une autre partie + enfin alleutiers sur une autre partie. L'alleu (il s'agit d'une terre libre ne relevant d'aucun seigneur; l'alleutier se trouve donc en dehors du système féodal, au moins pour les biens qu'il possède allodialement); l'alleu donc, étant une particularité du Bordelais/Bazadais qui a perduré jusqu'à la fin du MA alors que ce mode de possession du sol avait pratiquement disparu dans la plupart des autres régions depuis le XIe sc (Boutruche en son temps et Boutoulle plus récemment ont beaucoup travaillé sur cette thématique).

Encore une fois, je ne cherche pas à généraliser, je présente juste un exemple local pour lequel on rencontre une grande diversité de mode de possession du sol dont, entre autre, des co-seigneuries de différentes tailles et à différents niveaux sociaux.
Souvent, les co-seigneurs sont issus de la même famille (mais ça n'est pas systématique); cela évitait ainsi de trop morceler le patrimoine familiale.
Dans certaines régions, on parle de parsonneries ou de frèrêches; c'est peut-être ces termes que cherchait à retrouver Moïse??? (je me souviens effectivement avoir vu passer ça lorsque j'étais à la fac).


Non, les parsonneries ou les frérêches sont des contrats passés entre les personnes d'une même communauté ou d'une même famille entrainant des obligations et une division particulière des terres et des biens dans les sociétés "rurales".
On le retrouve dans la France médiévale très tardivement (mi-XIIIe dans certains coins mais le plus souvent XIVe et XVe et pas seulement dans le sud-ouest). Je ne suis pas sûr qu'on puisse rapprocher cela de la question du foncier ou des seigneuries partagées.
Je te l'accorde, entre le milieu des gros propriétaires, des coqs de village et celui des milites castri, il peut y avoir parfois des porosités sociales et économiques.
Mais on ne parle pas du même groupe social ici. La société des co-seigneuries et milites castri (fût-elle de faible rang) est bien distincte et différente de celles des communautés rurales.
[/i]
Pour les parsonneries / frèrêches; je n'en ai pas rencontré sur mon secteur d'étude. C'est juste un lointain souvenir (de Licence je crois) qui m'est revenu quand j'écrivais ce post. Donc de mémoire, oui c'est assez tardif et plutôt dans le sud de la France, et ça concerne surtout des communautés villageoises / paysannes; mais il me semble que ça pouvait également concerner des membres de la petite aristocratie. C'est en cela que je voyais un lien avec les co-seigneuries (mais je peux me tromper).

Si on reprend les quelques exemples de Chalucet, de Commarque, de Vouvant (Limousin, Périgord, Poitou), ce sont des situations sociales et des espaces bien différents à chaque fois pourtant, c'est le terme de "miles castri" qui est utilisé à chague fois. Je ne pense pas que le Bordelais puisse servir de généralité (même si le phénomène y est peut-être bien étudié !).
Cf ci-dessus, je parlais juste du secteur que je connais (je ne tiens pas absoluement à ce que le Bordelais soit le nombril du monde!! Image Image ).
Par contre, ce que tu écris sur Chalucet, Commarque et Vouvant est intéressant car on a visiblement 2 notions biens différentes sous ce terme de "miles castri".
De quand datent ces mentions de "milites castri"? Pour ma part, c'est XIe - XIIe sc. dans les cartulaires des abbayes bordelaises; mais il me semble que pour ces époques au moins, ce sens là se retrouve dans bien d'autres régions.
Il me semble que les articles de Christian Rémy, Pierre-Yves Laffont ou encore Frédéric Boutoulle apporte des distinguos dans leurs propres zones d'études.


Ravi que tu parles de lui, c'est mon ancien directeur de recherche. D'ailleurs, pour celles et ceux que ça intéresse, sa thèse vient d'être publiée sous le titre: "Le duc et la Société. Pouvoirs et groupes sociaux dans la Gascogne bordelaise au XIIe sc. (1075-1199)" aux éditions Ausonius (Bordeaux III).
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isfandyâr
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mar. déc. 15, 2009 5:27 am

Enguerrand de Calonges a dit :

Je ne cherchais pas à généraliser; je me suis peut-être mal exprimé mais je ne parlais que du secteur que je connais à peu prêt bien pour y avoir fait mes études: le Bordelais (XIe - XVe sc.). En l'occurance ici, aux XIe - XIIIe sc. en particulier, on trouve énormémant de petites co-seignieuries (à l'échelle d'un village par exemple) dont les propriétaires appartiennent à la petite arisotcratie et ne possèdent même pas de château. Au mieux, ces personnes habitent une ferme vaguement protégée mais en tout cas, les textes (fin XIe - déb. XIIIe sc.) n'utilisent jamais de termes faisant référence à une quelconque fortification pour désigner ces habitats. Au contraire, les termes utilisés (très vagues) sont les mêmes que pour l'habitat paysan (mansio, estage, domus par exemple).
C'est à l'échelon social supérieur (les familles qui ont laissé leur nom à une paroisse et possédaient des biens dans plusieurs paroisses) que l'on commence à trouver des habitats fortifiés de type motte (pour les XIe - XIIIe sc.) puis maisons fortes (fin XIIIe sc. - XVe sc.). Ces familles (ou des membres de ces familles) pouvaient d'ailleurs être co-seigneurs d'une partie de leurs biens + seigneurs (au sans "traditionnel" du terme) sur une autre partie + enfin alleutiers sur une autre partie. L'alleu (il s'agit d'une terre libre ne relevant d'aucun seigneur; l'alleutier se trouve donc en dehors du système féodal, au moins pour les biens qu'il possède allodialement); l'alleu donc, étant une particularité du Bordelais/Bazadais qui a perduré jusqu'à la fin du MA alors que ce mode de possession du sol avait pratiquement disparu dans la plupart des autres régions depuis le XIe sc (Boutruche en son temps et Boutoulle plus récemment ont beaucoup travaillé sur cette thématique).

Encore une fois, je ne cherche pas à généraliser, je présente juste un exemple local pour lequel on rencontre une grande diversité de mode de possession du sol dont, entre autre, des co-seigneuries de différentes tailles et à différents niveaux sociaux.

Pour les parsonneries / frèrêches; je n'en ai pas rencontré sur mon secteur d'étude. C'est juste un lointain souvenir (de Licence je crois) qui m'est revenu quand j'écrivais ce post. Donc de mémoire, oui c'est assez tardif et plutôt dans le sud de la France, et ça concerne surtout des communautés villageoises / paysannes; mais il me semble que ça pouvait également concerner des membres de la petite aristocratie. C'est en cela que je voyais un lien avec les co-seigneuries (mais je peux me tromper).
J'ai tjrs lu que ces termes étaient liés à des communautés ou des familles rurales (et j'en ai mangé de la biblio et des sources sur les communautés rurales !), maintentant, peut-être que ça existe.
Enguerrand de Calonges a dit :
Cf ci-dessus, je parlais juste du secteur que je connais (je ne tiens pas absoluement à ce que le Bordelais soit le nombril du monde!! Image Image ).
Par contre, ce que tu écris sur Chalucet, Commarque et Vouvant est intéressant car on a visiblement 2 notions biens différentes sous ce terme de "miles castri".
De quand datent ces mentions de "milites castri"? Pour ma part, c'est XIe - XIIe sc. dans les cartulaires des abbayes bordelaises; mais il me semble que pour ces époques au moins, ce sens là se retrouve dans bien d'autres régions.
C'est XIe pour Vouvant, à partir de mi- XIIe pour Commarque et fin XIIe jusqu'à mi-XIIIe pour Chalucet.
Enguerrand de Calonges a dit :
Ravi que tu parles de lui, c'est mon ancien directeur de recherche. D'ailleurs, pour celles et ceux que ça intéresse, sa thèse vient d'être publiée sous le titre: "Le duc et la Société. Pouvoirs et groupes sociaux dans la Gascogne bordelaise au XIIe sc. (1075-1199)" aux éditions Ausonius (Bordeaux III).
Mais c'est un vrai pro, Boutoulle ! Si je le cite, c'est non seulement que ses travaux dans le domaine sont pertinents (au même titre que Rémy et Laffont) mais aussi parce que c'est enseignant/chercheur de qualité. J'ai acheté son bouquin sur le duc et la société quand j'étais à Bordeaux en juin, oui. C'est passionnant !

A bientôt d'en discuter de vive voix et d'échanger à ce sujet ou d'autres, ami aquitain !

Isfandyâr
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enguerrand de calonges
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mar. déc. 15, 2009 7:31 am

Isfandyâr a dit : A bientôt d'en discuter de vive voix et d'échanger à ce sujet ou d'autres, ami aquitain !

Isfandyâr

Avec plaisir :top:


PS: merci pour les dates (Vouvant, Commarque et Chalucet), c'est intéressant de voir cette continuité et cette différence de sens avec les milites castri "bordelais" à la même période (si tu veux, jette un oeil sur ce qu'en dit Boutoulle dans le paragraphe sur les différents "types" de milites qu'il a rencontré). :top:

PS2: Pour les parsonniers, je ne te contredirais pas; j'ai pas fait de recherches sur la question :jap:
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