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Posté : dim. mai 23, 2010 4:00 am
par vercoquin
Des vers du comte de Poitiers, au début du XIIè siècle... Traduction réalisée avec un ami, inspirée du travail de Jacques Roubaud et, dernièrement, de celui de Patrice Guinard :

Ferai un vers de pur néant,
Non pas de moi, ni d'autres gens,
Ni de l'amour et des amants,
Ni d'aucun mot,
Car il fut trouvé en dormant
Cheval au trot.

Ne sais plus vraiment quand suis né,
Ne suis ni gai, ni enragé,
Ni sauvage, ni familier,
Tel est mon lot ;
Doté la nuit par une fée
Sur un mont haut.

Ne sait plus quand suis endormi,
Quand veille si nul ne le dit.
De peu ne m'est le cœur parti
D'un deuil fatal ;
M'en soucie comme de fourmi,
Par Saint Martial !

Malade suis et crois mourir,
N'en sais pas plus qu'ai ouï dire,
Cherche remède à mon délire,
Mais dans quel lot ?
Bon médecin qui peut guérir,
Sinon maraud.

Ai une amie, ne sais qui c'est,
Croyez-m'en, ne la vis jamais,
Ne me déplaît, ni ne me plaît,
Il ne m'en chaut
Si n'ai ni normand ni français
En mon château.

Sans l'avoir vue, l'aime très fort,
N'en ai rien eu, ni droit ni tort,
Si ne la vois en ai confort,
Car rien ne vaut !
Connais plus noble et belle encore
Et qui plus vaut !

D'où elle vient, ne le sais pas ;
Est-ce d'en haut ou bien d'en bas ?
N'ose dire le tort pour moi
Ainsi m'en tais,
M'attriste qu'elle reste là
Alors m'en vais.

Le vers est fait, ne sais de qui,
Et le transmettrai à celui
Qui le transmettra pour autrui
Jusqu'à Poitiers ;
Me sortira de son étui
La contre-clef.

texte original :

Farai un vers de dreit nien
Non er de mi ni d'autra gen
Non er d'amor ni de joven
Ni de ren au
Qu'enans fo trobatz en durmen
Sus un chivau

No sai en qual hora.m fui natz
No soi alegres ni iratz
No soi estranhs ni soi privatz
Ni no.n puesc au
Qu'enaisi fui de nueitz fadatz
Sobr'un pueg au

No sai cora.m fui endormitz
Ni cora.m veill s'om no m'o ditz
Per pauc no m'es lo cor partitz
D'un dol corau
E no m'o pretz una fromitz
Per saint Marsau

Malautz soi e cre mi morir
E re no sai mas quan n'aug dir
Metge querrai al mieu albir
E no.m sai tau
Bos metges er si.m pot guerir
Mas non si amau

Amigu'ai ieu non sai qui s'es
C'anc no la vi si m'aiut fes
Ni.m fes que.m plassa ni que.m pes
Ni no m'en cau
C'anc non ac Norman ni Franses
Dins mon ostau

Anc non la vi et am la fort
Anc no n’aic dreit ni no.m fes tort
Quan no la vei be m'en deport
No.m prez un jau
Qu'ie.n sai gensor e belazor
E que mais vau

No sai lo luec on s’esta
Si es rn pueg ho es en pla
Non aus dire lo tort que m’a
Albans m’en cau
E peza.m be quar sai rema
Per aitan vau

Fait ai lo vers no sai de cui
Et trametrai lo a celui
Que lo.m trameta per autrui
Enves Peitau
Que.m tramezes del sieu estui
La contraclau

Posté : lun. mai 24, 2010 9:07 am
par Sagiterra
Merci ! :)

Posté : lun. mai 24, 2010 10:33 pm
par vercoquin
Avec plaisir !

Re: Farai un vers de dreit nien

Posté : lun. juin 07, 2010 8:51 am
par Margotte
Merci vercoquin !
Des références particulières à proposer (ouvrages, articles, liens) concernant les travaux de Jacques Roubaud et plus particulièrement ceux récents(?) de Patrice Guinard qui ont inspiré votre traduction ?
Merci
Margotte

Re: Farai un vers de dreit nien

Posté : mar. juin 08, 2010 10:19 am
par Denis
On trouve la traduction proposée par Patrice Guinard ici :
http://cura.free.fr/docum/706Agui.html

Jacques Roubaud a publié une anthologie :
Les troubadours (Seghers ; isbn : 2-221-50188-8).

J'en profite pour signaler un forum tout nouveau, consacré au trobar :
http://trobar.cultureforum.net
Il est ouvert à tous et à toutes, passionnés et néophytes, et nous espérons des contributions notamment dans cette période de lancement.

Re: Farai un vers de dreit nien

Posté : mar. juin 08, 2010 10:27 am
par Margotte
Merci Denis pour les références, lien et aussi pour l'invitation.

Re: Farai un vers de dreit nien

Posté : ven. oct. 08, 2010 6:35 pm
par Ours
La grande classe :)

Re: Farai un vers de dreit nien

Posté : dim. oct. 10, 2010 8:14 am
par Denis
Merci !!!
Depuis, je l'ai encore peaufiné... Voici le nouveau texte :

Ferai un vers de pur néant,
Non pas de moi, ni d'autres gens,
Ni de l'amour et des amants,
Ni d'aucun mot,
Sinon fut trouvé en dormant
Cheval au trot.

Sous quelle étoile suis donc né ?
Ne suis ni gai, ni enragé,
Ni sauvage, ni familier,
Tel est mon lot ;
Car fus de nuit ensorcelé
Sur un mont haut.

Ne sait plus quand suis endormi,
Quand veille si nul ne le dit.
De peu ne m'est le cœur parti
D'un deuil fatal ;
M'en soucie comme de fourmi,
Par Saint Martial !

Malade suis et crois mourir,
N'en sais pas plus qu'ai ouï dire,
Cherche remède à mon délire,
Mais dans quel lot ?
Bon médecin qui peut guérir,
Sinon maraud.

Ai une amie, ne sais qui c'est,
Croyez-m'en, ne la vis jamais,
Ne me déplaît, ni ne me plaît,
Et peut m'en chaut
Car n'ai ni normand ni français
En mon château.

Sans l'avoir vue, l'aime très fort,
N'en ai rien eu, ni droit ni tort,
Si ne la vois en ai confort,
Car rien ne vaut !
Connais plus noble et belle encore
Et qui plus vaut !

D'où elle vient, ne le sais pas ;
Est-ce d'en haut ou bien d'en bas ?
N'ose dire le tort pour moi
Alors m'en tais,
M'attriste qu'elle reste là
Lorsque m'en vais.

Le vers est fait, ne sais de qui,
Et le transmettrai à celui
Qui le transmettra pour autrui
Jusqu'à Poitiers ;
Me sortira de son étui
La contre-clef.