Fourrure et utilisations

Sources, techniques, matières...

Modérateur : L'équipe des gentils modos

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yrwanel
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dim. mai 25, 2008 1:55 pm

medieviste a dit : Ah au fait, j'ai oublié de vous dire : j'ai un copain qui fait de l'archéo expérimentale préhistorique et qui tanne lui-même ses peaux à la cervelle, chez lui, dans un appart' avec une petite cour : ça sent pas très bon quand il le fait, mais ça ne pollue pas le voisinage, et il n'a pas les moyens d'une tannerie de ville.

Quant à dire que les paysans ne savaient pas tanner eux-même, c'est assez réducteur, pour une époque où on devait savoir se démerder avec ses dix doigts si on voulait s'arrondir les fins de calendes !
MERCI!
Démarche logique!!!!

Y avait pas de "grandes surfaces", "superettes", "vente par correspondance", etc....

OUI, les gens étaient NETTEMENT et par force, plus "débrouillards" avec leurs 10 doigts que maintenant.
Et plus "polyvalents"!

Les lapins: faut voir quel siècle... Ils ne sont arrivés en douce que vers le 6ème dans le nord.
Chat: encore plus discrèts.

Effectivement faut voir AUSSI ce qui était "fourrure" ou bestioles avec des poils, au MA.

Un HS de Histoire et images méd', sur le costume parlait des fourrures pour la période demandée en titre.
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vuillem
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lun. mai 26, 2008 7:14 am

Ce que je trouve réducteur, de mon point de vue, c'est de présenter la technique (au sens large) comme un phénomène universel qui pré-existerait à la conscience humaine et dans lequel chaque agent pourrait piocher pour arriver à ses fins.

Une chaîne opératoire est la colonne vertébrale d'un complexe technique qui lui-même peut faire parti d'un système technique. Le complexe technique se définie par l'ensemble des moyens mis en oeuvre pour mener à bien la chaîne opératoire. Par exemple, pour forger au Moyen Age, il faut du bois (pour avoir du charbon), de l'eau, de l'argile, des outils (enclume, marteau), des adjuvants et donc les moyens d'acquisitions de ces matières (point d'eau, carrière, récipients, etc...). De plus, la chaîne opératoire est un savoir-faire qui doit avoir été transmis. Tout ceci évolue au sein d'un espace technique donné.

En archéologie et histoire des techniques, on montre bien qu'on ne peut dissocier un procédé technique du milieu où il est pratiqué. Et inversement, tout espace n'offre pas les moyens de pratiquer n'importe quelle technique.

La théorie de "on devait savoir se démerder avec ses dix doigts" me paraît donc fallacieuse et réductrice. L'homme médiéval évolue dans un espace technique, avec une banque de savoir-faire précis à disposition et dans un milieu aux ressources limités. Sans indices objectifs de la preuve d'un tannage opportuniste dans les agglomérations secondaires de la fin du Moyen-Age, je ne crois pas qu'on puisse dire que la technique du tannage, quelque soit la forme qu'elle peut prendre, soit pratiquée.

De plus, même si tout ou partie des éléments du complexe technique sont a porté de main, la mise en oeuvre de la technique dépend aussi :
- de l'existence au sein du groupe humain de la connaissance du procédé et du savoir-faire nécessaire
- de la nécessité pour ce groupe de dépenser du temps pour cette technique.

Hors, rien ne conduit à penser que, dans notre cas, la fourrure soit un matériau essentiel à la survie de l'homme de la fin du Moyen Age. Il semble plutôt qu'elle tient un rôle de prestige pour les classes sociales. Reste en plus à prouver que le savoir-faire de la pelleterie est connu dans les petites agglomérations ou dans les exploitations isolées.
Y avait pas de "grandes surfaces", "superettes", "vente par correspondance", etc....
C'est en parti faux. Le france de la fin du Moyen-Age forme un réseau, et ce depuis au moins l'Antiquité. Si il existe des routes, c'est justement parce que les biens sont mobiles et ne sont pas systématiquement consommés sur leur lieu de production. On sait très bien que les régions de la France médiévales ont des productions spécialisés qui sont diffusés par le biais de systèmes commerciaux qui se complexifient au XIVeme siècle. Il n'y a pas que les villes qui accueillent des foires et des marchés. Il existe aussi en zone rurale des espaces dédiés à fréquences régulières à des ventes, qui peuvent se porter sur des produits précis. Il est donc tout à fait possible que des fourrures soient achetées et non produites par des paysans, si cela est dans leur intérêt (coût moindre que de se consacrer à la production, par ex.).
qui tanne lui-même ses peaux à la cervelle
Tanner n'est pas produire des fourrures. Ce sont deux procédés techniques différents, faisant appel à deux complexes techniques différents.
Le monde est déjà saturé de passé, à tel point que le présent peut à peine y trouver ça place (L. Olivier/Le sombre abîme du temps)
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hémiole
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lun. mai 26, 2008 7:58 am

Je suis très d'accord avec toi (oui oui moi français moyen ;) ) Notamment (l'histoire des techniques n'est pas une discipline que je maîtrise) :
vuillem a dit : - de la nécessité pour ce groupe de dépenser du temps pour cette technique.
On ne peut pas toujours ériger le "bon-sens" en loi universelle.
Les sociétés n'évoluent pas systématiquement vers ce que l'on pense être le bon-sens et/ou le progrès car on ne peut s'affranchir des contraintes sociales et économiques du lieu et de l'époque considérée.

Il y a pleins d'exemples dans l'histoire où le bon sens aurait pu faire penser que telle ou telle chose était pratiquée (voire très répandue), en particulier si une technique était déjà connue, et pourtant, ce n'est pas nécessairement le cas, et ce pour des raisons de protection d'un modèle social ou des contraintes économiques.

Par exemple le développement des moulins à eau qui explose au XIIe. Cette technique était connue depuis l'antiquité, et si les romains ne l'ont pas développée, c'est que ça aurait mis à mal leur société de travailleurs (libres et esclaves et des esclaves au chômage technique ça ne fait pas bon genre :lol: ) -résumé grossier- .
Autre exemple illustrant les contraintes économiques (pas médiéval du tout non plus) : j'habite une maison en montagne construite en partie en brique et non isolée (construction dans les années 60). Le bon sens voudrait qu'on isole une maison, surtout quand on habite à 1000m d'altitude mais à l'époque de sa construction la facture de fiul ne semble pas avoir été le problème crucial qu'elle est devenue aujourd'hui. Pourtant on savait isoler et les hivers étaient plus rigoureux qu'aujourd'hui.

Je crois que l'on peut trouver des exemples de ce type dans pas mal de sociétés et tout au long de l'histoire.
Voilà pourquoi, selon moi, même une chose qui nous paraît relever de la plus élémentaire des logiques, on ne peut pas la prendre pour acquise.

D'ailleurs, depuis mes débuts en reconstitution (il n'y a pas si longtemps ;) ) beaucoup d'hypothèses que je formulais sur la base du bon sens ont été infirmées par la suite par de nouvelles recherches plus approfondies.
Il est impossible de faire entendre raison à ceux qui ont adopté une façon de penser conforme à leur intérêt.


Clément XIV





A chaque fois que nous refusons de nous aimer les uns les autres, un pauvre petit bébé chien verse une nouvelle larme.
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eodhel
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lun. mai 26, 2008 9:00 am

Vuillem, Hémiole : bravo.
<span style="color: #0000ff;">Mediaephile  </span><a href="http://mediaephile.com" target="_blank">http://mediaephile.com   </a> Si ceux qui disent du mal de moi savaient ce que je pense d'eux, ils en diraient bien davantage. S.Guitry
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yrwanel
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lun. mai 26, 2008 2:54 pm

D'où ma question: la notion "fourrure au MA" et à quelle période...

Nos "fourrures actuelles" ne sont pas celles du MA (vison, astrakan et bébés phoques): écosystèmes et relations commerciales ont changé en 1000 ans.

La "mode" aussi.

Là joue les lois de l'offre, de la demande et de la variable écosystème et voies commerciales.

Un animal velu peut parfaitement devenir, au fil du temps et des siècle une "fourrure de prix".
Exemple: le castor. (au hasard)

Il y a aussi une différence entre la forge, ET de qualité, qui demande un savoir-faire certain (=> quasi partout on retrouve une déité ou un mythe forgeron!), en sachant qu'il y aura de solides différences entre le forgeron de lames feuilletées et celui qui goupille des couteaux "tout venant", et un tannage à la cervelle (qui accompagne généralement la bestiole qu'on a tué), ou à la fumée, comme cité par Orchis, savoir-faire accessible et sans "trucs environnementaux spécifiques".

Soit: un paysan peut parfaitement "tanner" des peaux et peaux à poils, dans son village. Et, finalement, pour pas cher.
J' ai pas dit "fourrure"!!!!
Parce que si il a attrapé une bestiole dont la peau a un prix sur le marché, effectivement, il la vendra...(tannée? "pré-tannée"?).

Les tannages de luxe demandent effectivement un savoir-faire, je n'en disconvient pas.

Que routes et marchés existent, je n'en disconviens pas...
Mais voilà un descrïptif qui fait solidement penser à une mentalité "société de consommation", ce qui, pendant le MA et ce jusque aux années 1960, n'étaient pas vraiment le cas.

Besoin d'une échelle? on se la faisait, on allait pas au brico du coin.
Le berger savait assez de "forge" que pour faire ses clarines et ses colliers, sans les acheter "tout fait".

Et, svp: évitez de rêver que faire ses vêtements, cela ne prenait que 5 minutes. Tanner une peau (avec ou sans poil) avec cervelle ou fumée, c'est plus rapide!!!! [img]images/icones/icon15.gif[/img]
Les draps de marchands et de guildes étaient hors de portée du "pecus", accessoirement.

Le "ménagier" rappelle des recettes anti-mites destinées aussi aux fourrures... sans que ce ne soit vair, petit-gris et autres somptuosités.
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medieviste
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lun. mai 26, 2008 3:12 pm

yrwanel a dit : Mais voilà un descrïptif qui fait solidement penser à une mentalité "société de consommation",
Ben j'allais dire la même chose : ton discours, Vuillem, me fait furieusement penser à un Saint Drôme (priez pour nous) du capitalisme, de l'esprit d'entreprise, de la théorie du fonctionnement de la chaîne de production etc...etc... qui ne sont absolument pas Saint Ptômatique (priez pour nous, lui aussi) de l'époque médiévale.

Je pense également que ces "chaînes" de production existent dans les grandes villes, par exemple pour la production de lame en acier damassé feuilleté de grande qualité, et le p'tit forgeron du village du coin qui fait de la démerdouille en est très éloigné.

Quant à "avoir le temps" de faire quelque chose "de long"... Bof bof, comme le disait Yrwanel, si on a le temps de tisser des heures et des heures du tissu pour se fringuer, le tannage à la cervelle ne demande pas autant de temps, loin de là, et surtout, que font les paysans médiévaux de leur "temps libre" ? Cessons un peu de voir le passé avec nos yeux modernes : pas de télé débile avec émissions à deux balles, ou JT politiquement très prenant, pas de téléphone pour discuter des heures avec le voisin, d'Internet (pour les mêmes raisons), de Nintendo, de voiture pour aller au ciné ou au resto, bref, si on ôte toutes nos sacro-saintes occupations si importantes de nos vies actuelles, ben...on s'emmerderait royalement et on s'occuperait en faisant des p'tits trucs pour s'arrondir les fins de mois ou agrémenter le quotidien... Non ?

Surtout les soirées d'hiver, surtout sachant qu'une famille paysanne, c'est tout le monde qui participe, les gosses donnent très vite des coup de mains aux parents.

Tout ça pour dire que enluminurtes à l'appui (merci Estienne du Bailly), les paysans peuvent avoir des peaux "à poils" (fourrure ou "autres")

Note, (mode coup de gueule du soir ON) je commence à fatiguer de voir tout ce pinaillage souvent puérile sur tel mot : "évocation", "reconstitution", "restitution", "archéo expérimentale" ... ou "fourrure", "peaux à poils", "revêtement de corps animalier à pigmentation totale ou partielle transformé pour satisfaire des besoins humains"
Pitié, cessons de nous comporter comme nos "élites" pensantes qui inventent des termes ridicules pour rester dans un "politiquement correct" tout aussi ridicule (mode coup de gueule du soir OFF)
Reinhardt von Rappolstein
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berhthramm
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lun. mai 26, 2008 3:38 pm

Maître Grincheux a dit : Euh sinon vous penser quoi d'une peau de goupil (avec tete et pattes) commme écharpe au XIieme ? Une telle utilisation brute fait-elle trop "devin d'Astérix" (qui lui avait un loup)?
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j'en pense que je te classe d'emblée dans le facheux... :)
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Estienne le Fouineur
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lun. mai 26, 2008 4:16 pm

Dans le "livre des métiers" d'Étienne Boileau (mi XIIIème), sont évoquées les peaux de loir, écureuil, renard (désolé Gougou), chat, fouine, genette, martre, agneau, lièvre, lapin, chevreau mais aussi moutons et brebis de boucherie.

A qui étaient-elles destinées, puisque les classes les plus aisées portaient le vair, l'hermine, le petit-gris ?

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Gildwin
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lun. mai 26, 2008 4:27 pm

Estienne de Bailly a dit :
A qui étaient-elles destinées, puisque les classes les plus aisées portaient le vair, l'hermine, le petit-gris ?
[
Pourtant c'est bien connu que le loir est cher...
[img]smile/dejaout.gif[/img]
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Ysengrijn
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lun. mai 26, 2008 4:30 pm

yrwanel a dit : Le "ménagier" rappelle des recettes anti-mites destinées aussi aux fourrures... sans que ce ne soit vair, petit-gris et autres somptuosités.
C'est juste mais l'auteur du Mesnagier était un bourgeois fortuné comme en atteste son train de maison décrit en détail dans son oeuvre.
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olivier de graharz
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lun. mai 26, 2008 4:59 pm

vuillem a dit : Une chaîne opératoire est la colonne vertébrale d'un complexe technique qui lui-même peut faire parti d'un système technique. Le complexe technique se définie par l'ensemble des moyens mis en oeuvre pour mener à bien la chaîne opératoire. Par exemple, pour forger au Moyen Age, il faut du bois (pour avoir du charbon), de l'eau, de l'argile, des outils (enclume, marteau), des adjuvants et donc les moyens d'acquisitions de ces matières (point d'eau, carrière, récipients, etc...). De plus, la chaîne opératoire est un savoir-faire qui doit avoir été transmis. Tout ceci évolue au sein d'un espace technique donné.

En archéologie et histoire des techniques, on montre bien qu'on ne peut dissocier un procédé technique du milieu où il est pratiqué. Et inversement, tout espace n'offre pas les moyens de pratiquer n'importe quelle technique.
Entièrement d'accord avec ce développement qui, finalement, ne ressort que du simple bon-sens. (Mais jargon peut-être pas très accessible pour tout le monde).

Petite question directement en rapport avec le sujet : Le fait que nous avons des sources manuscrites et iconographiques reprenant des chapeaux en fourrure (sur des personnes de tous statuts sociaux pour les iconographies)n'est-il pas la preuve de l'existence d'une chaîne opératoire de la fourrure dont les produits sont disponibles pour différentes classes de la société ?
L'intérêt que j'ai à croire une chose n'est pas une preuve de l'existence de cette chose.Voltaire





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vuillem
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mar. mai 27, 2008 1:37 am

A qui étaient-elles destinées, puisque les classes les plus aisées portaient le vair, l'hermine, le petit-gris ?
Ca c'est une bonne question.

Parmi les autres questions qui nécessitent des réponses avant d'affirmer simplement de bon-sens:

- Qu'est-ce qu'un paysan, où et à quelle époque ?
- Est-ce qu'un paysan chasse ? si oui, quoi ? Et pourquoi ?
- Est-ce qu'un paysan à le droit de chasser ?
- Est-ce qu'un paysan connaît les rudiment du tannage ? Si oui, va t'il tanner des peaux ?
- A quoi son destiné les peaux qu'il va tanner ?
- A-t'il le droit de porter des fourrures en vêtement ?

Je ne dis pas qu'Yrwanel ou d'autre ont tort ou sont dans le faux. Je dis juste que ce n'est pas avec le bon sens qu'on fait de l'histoire ou de l'archéologie. Les questions que je pose nécessitent des indices matériels ou textuels pour pouvoir y répondre. Qu'est-ce que cela implique en reconstitution ? Ca implique, de mon point de vue, qu'on ne justifie pas des éléments reconstitués par le simple bon-sens. Il existe des dizaines de sources qui peuvent servir de base pour une reconstitution. Pourquoi tenter de reconstituer quelque chose qui tient plus de l'ordre du fantasme que de la démarche historique ? Pour moi, c'est simple, pas de sources, pas de reconstitution. Je ne dis pas qu'il faut pas parfois interpréter. Interpréter ça doit permettre de combler un manque, pas de créer du nouveau.
Entièrement d'accord avec ce développement qui, finalement, ne ressort que du simple bon-sens.
Non, ça ne sort pas d'un simple bon-sens. C'est une version hyper résumée de plus dizaine d'années de recherche en ethnologie, anthropologie, archéologie et histoire des techniques (C. Levi-strauss, N. Chomsky, A. Leroi-Gourhan, A.-F. Garçon, R. Creswell, B. Gilles, j.-Y. Goffi, P. Bruneau, etc...). Il n'y a pas qu'Yrwanel qui lit des bouquins ...
Ben j'allais dire la même chose : ton discours, Vuillem, me fait furieusement penser à un Saint Drôme (priez pour nous) du capitalisme, de l'esprit d'entreprise, de la théorie du fonctionnement de la chaîne de production etc...etc... qui ne sont absolument pas Saint Ptômatique (priez pour nous, lui aussi) de l'époque médiévale.
Quoi répondre ? Je vais le faire, mais ça va être encore dans des termes qui vont choquer certains. L'histoire des techniques est depuis quelques années passée dans une vision holistique. C'est bien pour ça que je parle de systèmes techniques. Au Moyen Age, ça a été démontré par B. Gilles, les techniques ont "fait système", c'est à dire qu'elles font parties d'un tissu composé de noyaux (pour simplifier, les chaînes opératoires) reliés entre eux par des liens virtuels. Ainsi, pour reprendre l'exemple de la forge, pour forger, il faut un ou des soufflets. Cela nécessite donc qu'il existe des chaînes opératoires en amont qui permette la production du cuir des soufflets, du bois des soufflets, éventuellement du transport de ces derniers pour avant de pouvoir forger. Il en va de même pour l'eau nécessaire à la forge, il faut déjà qu'existe une chaîne de production de récipients de transport de l'eau pour amener l'eau à la forge (poterie en céramique, etc...). Tous ces éléments principaux qui sont nécessaires à la mise en place de la chaîne opératoire forment un complexe technique (A.F. Garçon). Ce complexe est un concept à bord flou, qui varie en fonction des différentes cultures techniques, des milieux, etc... L'agrégat de ces complexes techniques reliés entre eux forme pour le Moyen-Age le système "eau-bois-vent" (B. Gilles). Qu'est ce que ça veut dire ? Tout simplement qu'au Moyen Age, à la base des techniques, comme source d'énergie, on trouve l'eau (moulin, par ex.), le bois (charbon, outils, machines) et le vent (ventilation de four).

La reconnaissance de l'existence de cet effet de système n'est en aucun cas "capitaliste". C'est une vision holistique des choses qui s'oppose à la vision réductionniste que propose Yrwanel et Médiéviste. Qu'est-ce que le réductionnisme ? Le réductionnisme est une conception épistémologique visant à réduire la nature complexe des choses à une somme de principes fondamentaux. Autrement dit, cela consiste à voir le monde comme un puzzle, dont on pourrait étudié chaque pièce séparément d'une autre, sans se demander si la pièce qu'on étudie interagie avec les pièces qui l'environnent.

Au passage, l'holisme, est à la base de la pensée structuraliste qui s'oppose au réductionnisme, et qui aujourd'hui la pensée dominante en sciences sociales.

En outre, il a aussi était démontré que dans tout société, on ne peut dissocier le tissu social du tissu technique (R. Cresswell). Ainsi, Creswell démontre que les organisations sociales peuvent être déterminé par l'organisation technique d'une société. Pour faire super simple, l'énergie dépensées dans des techniques ne l'ait pas pour le simple plaisir de le faire, mais bien pour répondre à une série de besoin, qu'ils soient de l'ordre de la survie ou d'un ordre social (et ce, déterminé à partir de l'étude de sociétés traditionnelles)

Donc, oui, peut-être qu'un jour un type s'est mis à tanner des peaux de manière totalement opportuniste. Mais pour l'affirmer, il faut des preuves, pas juste des idées.
Le monde est déjà saturé de passé, à tel point que le présent peut à peine y trouver ça place (L. Olivier/Le sombre abîme du temps)
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yrwanel
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mar. mai 27, 2008 6:21 am

euh... Vuillem....

Sans vouloir te vexer: je fonctionne "holistique", c'est une déformation professionnelle.
Je reconnais que, sur forum, je passe pas mon temps à "gratter" des trucs qui sont évidents, non plus.

L'humain, avec des technologies de base basiques et surtout manuelles, ira déjà s'installer prêt d'un point d'eau, que ce soit: ruisseau, rivière, étang, source.... OU trouvera le fil d'eau cachée lui permettant de creuser un puit. Il y a aussi, dans certain coin très très sec, le plan oasis [img]images/icones/icon17.gif[/img]

Le feu: euh.... y a quand même, au MA, un très solide bout de temps que la technique "allumer un feu" existe. Idem: le réflexe (perdu avec nos technologies) de l'entretenir...
Et ce sans se brûler ni aller au magasin acheter des "démarre-feu" synthétique (et assez dangereux: l'été, les gardes d'hosto ne comptent plus les accidents de barbecue! [img]images/icones/icon17.gif[/img] )

L'approvisionnement en bois dépend de la densité de population et des ravages sur les forêts. Y a pas que le bois qui chauffe, du reste: des endroits ont parfaitement fonctionné avec de la bouse ou de la tourbe. OU du charbon, encore à fleur de sol ou exploité en mines à ciel ouverts.

Le "vent"? Des tas de fours, que ce soit de forge ou de potier: pas de soufflet! (référence: expérience archéo de reconstitution pratique conjointe de 8 types de fours "celtes" à Beltaine au Luxembourg). Et les celtes n'étaient pas des ballots en matière de travail du fer... [img]images/icones/icon7.gif[/img]

Ce sera effectivement différent dans un "centre de production", lequel ne se mettra pas partout.

Si on revient aux fourrures:
- les fourrures de prix viennent, en tout cas pour le XIVème (voir le HS de Histoire et Images méd + le site de Che Khan + les exportations scandinaves et ce assez tôt) ne viennent pas de "la porte à côté" et encore moins en 48h/chrono.
Cela ne se chasse pas non plus à n'importe quel époque de l'année, cela prend un temps pour cavaler dans les milieux naturels des bestioles => on fait un stock...
=> je DOUTE que, vu leur valeur marchande, que le chasseur (trappeur) soit incapable d'effectuer au fin fond de sa toundra (ou ailleurs) un MINIMUM "pré-tannage" avec ce qu'il a sous la main, et HORS circuit marchand de proximité.
Sans cette préparation conservatoire "minimum" (et de qualité tout de même), son stock de belles fourrures se décompose et ne vaut plus un rond.
Que ces fourrures fussent, à bon port, re-manufacturées: plus que probable.

- il reste les tanneries citadines sur lesquelles nous avons des infos: ET ce ne sont pas ces fameuses fourrures de grand prix => QUI mettait ses fourrures?
Les bourgeois d'un certain standing? Cela ne fait pas, et de loin, l'essentiel de la population d'une ville.
ET il avait les moyens de payer un "pro" pour avoir une "fourrure" souple, à poil luisant, qui "tienne" un bon bout de temps, grâce au savoir-faire très spécialisés des tanneurs professionnels.

- Les campagnes: lorsque que on chasse ne fût-ce que les "nuisibles pullulaires" (rongeurs, par ex. rat, taupes etc...): ne venez tout de même pas me dire que le paysan préférait foutre la bestiole avec fourrure à la poubelle et ne pas tenter de récupérer la peau pour l'une ou l'autre utilisation possible!
Dont: ne pas se les cailler en hiver!
ET d'utiliser des procédés "néolithiques" basiques mais qui avaient fait leurs preuves. Quitte à ce que effectivement, ce soit une peau moins souple, qui perde plus vite ses poils, etc...

- Quant aux "droits" éventuels: (soit celui de passer BEAUCOUP plus de temps à se goupiller un textile) possible effectivement que les dirigeants ont préférés que le menu peuple claque de froid comme des mouches. Niveau "renouvellement de main d'oeuvre", c'est pas top, mais bon. OU ALORS: rat et autres "nuisibles" effectivement n'étaient pas repris dans la catégorie "fourrures" parce que "trop commun".
Je doute aussi qu'on a interdit de bousiller (chasser) ce genre de bestioles nuisibles....Pourquoi alors ne pas interdire de planquer les récoltes à l'abri de ces "nuisibles", tant qu'à faire?

Les règlements, très souvent, c'est AUSSI pour préserver des privilèges et des statuts (vair, hermine, petit gris...) et... la thune qui en découle!

Accessoirement: quelqu'un peut-il m'expliquer POURQUOI l'homme préhistorique ou barbare est TOUJOURS représenté habillé de fourrures?
Ne venez pas me dire qu'ils se coltinaient des peaux en voie de décomposition sur le dos!
De là a dire que c'était des bestioles velues

-
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vuillem
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mar. mai 27, 2008 7:34 am

Sans vouloir te vexer: je fonctionne "holistique"
Et bah... Ca ne se lit pas...
technologies de base
Qu'est ce qu'une technologie de base ?
Le feu: euh.... y a quand même, au MA, un très solide bout de temps que la technique "allumer un feu" existe. Idem: le réflexe (perdu avec nos technologies) de l'entretenir...
Et ce sans se brûler ni aller au magasin acheter des "démarre-feu" synthétique (et assez dangereux: l'été, les gardes d'hosto ne comptent plus les accidents de barbecue!
Je n'ai jamais parlé de feu, d'où il sort là... Et en plus tu as l'air de prendre les gens qui te lisent pour des idiots. Non mais franchement, tu crois vraiment que B. Gilles quand il parle de "système eau-bois-vent" fait référence aux techniques d'allumage du feu. Je te parle de système technique, du fonctionnement en réseau des lignés d'outils, ...
Le "vent"? Des tas de fours, que ce soit de forge ou de potier: pas de soufflet!


Je n'ai jamais limité ça aux soufflets. Le vent, c'est un comburant. En outre, c'est un sujet que je connais assez bien.

voir ici:
http://halshs.archives-ouvertes.fr/inde ... &version=1

ET d'utiliser des procédés "néolithiques" basiques mais qui avaient fait leurs preuves
Les techniques ne sont pas linéaires et n'existent pas ex nihilo. Entre le Néolithique et le Moyen Age, il y a quelques milliers d'année. Entre le Moyen Age et aujourd'hui, il y a entre 1500 et 500 ans. Peux-tu me dire combien de techniques médiévales, pratiquées comme telles, sont encore connus par le "pelot moyen" d'aujourd'hui (pour reprendre ton expression)?

Il va falloir comprendre que les techniques n'ont pas une histoire linéaire, qu'il ne suffit pas qu'une pratique ait eu lieu à un moment pour quelle soit définitivement répliquée de génération en génération.
possible effectivement que les dirigeants ont préférés que le menu peuple claque de froid comme des mouches
Qu'est ce qui te fait penser que les moyens pour se tenir chaud autre que la fourrure ne suffisait pas au "peuple".

Tu m'as reproché d'avoir des considérations trop moderne. Je peux comprendre que ce que j'écris n'est pas clair. Mais, franchement ta façon de présenter la société médiévale avec une vision fin XIXeme, genre "Marx pour le nuls", les élites face au peuple, comme si il existait une dichotomie évidente est peut-être aussi à revoir, non ?

Je vais arrêter là ce hors-sujet, j'en ai marre d'avoir à tout justifier face à quelqu'un qui n'a aucun argument pour expliquer sa démarche. Je te parle de méthode et de démarche en te donnant des sources et tu me réponds les mêmes insanités depuis le début. Tes démonstrations sont bancales, et ne s'étaye presque jamais sur des indices valables.

Oui les textes et les enluminures que nous avons vu sont pertinents par rapport à la question posée, ce qui n'est pas le cas des réponses de "bon-sens"
Le monde est déjà saturé de passé, à tel point que le présent peut à peine y trouver ça place (L. Olivier/Le sombre abîme du temps)
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kalima
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mar. mai 27, 2008 10:33 am

Dans les résultats de fouilles archéologiques à St Denis, il y a des éléments sur un atelier de pelletier du XIIème

voici ce qui est indiqué :
"Une fosse de tannage devait relever d'un atelier de pelletier actif au cours du dernier quart du XIIe siècle. Elle avait été aménagée pour pouvoir être remplie d'eau. Son utilisation s'est traduite par le dépôt d'une couche de vase entrecoupée de fines strates de plâtre ou de chaux blanche et de cendres. C'est dans cette couche qu'ont été prélevées plusieurs centaines de pattes d'animaux en connexion anatomique, correspondant très probablement aux déchets de nettoyage de peaux en cours de tannage.
Le pelletier était spécialisé dans le traitement des fourrures d'animaux de petite taille. Si l'on en juge par la proportion des pattes, les espèces domestiques prédominent : le chat représente les trois quarts de l'ensemble ; le lapin appartient encore à une minorité, car cet animal, très prisé pour sa fourrure, venait tout juste d'être introduit dans la région. Parmi les espèces sauvages, on note le renard et l'écureuil."

et le lien, bien sûr (avec une photo) : http://www.chalain.culture.gouv.fr/cult ... letier.htm

C'est un élément d'un dossier plus global sur l'artisanat intra-muros de la ville au MA.
http://www.chalain.culture.gouv.fr/cult ... dieval.htm
Joieuse Aguille
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