Reconstitution d'un baudrier d'épée

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khosrau de samarkand
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ven. mai 03, 2013 3:29 pm

Un courant fluvial peut draguer un objet. En ce cas là, il peut très bien traîner le fourreau uniquement au niveau de l'embouchure, le centre de gravité d'une épée se trouvant à cet endroit, le reste du fourreau étant surélevé par le courant, phénomène déjà établi par les géologues, le fait qu'il soit traîné sur le dos est du aux quillons qui ont empêché le retournement de l'ensemble.
Des choses similaires sont constatés sur les débris végétaux dans les fleuves.

Autrement, si la Saône n'a pas été draguée depuis 1991, ça laisse quand même la possibilité qu'une drague humaine antérieure ait abîmé le fourreau, à un endroit bien précis.
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Guillaume de Pensac
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ven. mai 03, 2013 5:17 pm

Khosrau, merci pour le dialogue que nous avons entretenu depuis de début.
Tu as peut-être raison quand tu dis que le courant fluvial peut draguer un objet (exemple : épée dans un baudrier), mais dans le cas présent de la rivière Saône je crois que ce n’est pas le cas. Dans ses Commentaires, Jules César raconte qu’il dû mettre sur l’eau un casque à l’envers pour déterminer dans quel sens coulait la Saône. En effet j’ai trouvé des poteries à l’aplomb précis du lieu même de leurs transbordements. Il faut aussi préciser que ces pièces n’étaient pas situées au milieu du chenal mais sur le bord de la rivière, à 4 m de profondeur.
En général les trouvailles sont faites en aval de gués où sur les vestiges submergés d’anciens habitats sur pilotis et surtout sur des portions de la rivière où il n’y a jamais eu de dragage.
Mais au travers de ton texte, je comprends entre les lignes que tu expliques qu’il faut étudier toutes les possibilités pour que l’étude scientifique soit digne d’intérêt. Là nous sommes en accord parfait.
Néanmoins, pour le sujet qui nous préoccupe, le titre est : reconstitution d’un baudrier d’épée. Chose que j’ai essayé de faire avec votre concours.
En revanche, tu comprendras que je ne peux pas poster sur ce forum un rapport d’étude scientifique de ce baudrier avec son épée, sans l’accord du conservateur et avant que celui-ci soit publié.
Néanmoins, espérons que les dessins, les reconstitutions et tous les commentaires que nous avons écrits au sujet de ce baudrier, auront été utiles à tous nos amis qui ont suivi ce sujet.
C’est très plaisant pour moi de dialoguer avec un interlocuteur qui sait faire des phrases et qui n’hésite pas à exposer et défendre ses idées. Et c’est pourquoi je te renouvelle mes remerciements.
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khosrau de samarkand
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sam. mai 04, 2013 11:31 am

Oui mon message est passé, c'est l'essentiel. En tout cas, la reconstitution est très bien, rien à redire là dessus. Je pense que j'aurais pris un cuir plus fin, de type basane, pour le baudrier (j'ai pris un cuir similaire pour le fourreau), même si sur la pièce archéologique le cuir semble épais, il pu gonfler, et lacer un cuir fin est plus facile et plus stable qu'un cuir épais. Toutes les autres pièces que je connaisse ont un cuir très fin (Sancho IV, Fernando de la Cerda, Saint Maurice, etc...) mais bon, ceux ci étaient dans des environnements plus secs et ont pu retrécir.

Aussi, j'ai constaté que la couture au dos du fourreau a changé: ça commence avec une couture en X puis passe sur une couture en Z. Il y a une raison?
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medieviste
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sam. mai 04, 2013 1:41 pm

khosrau de samarkand a écrit : Je pense que j'aurais pris un cuir plus fin, de type basane, pour le baudrier (j'ai pris un cuir similaire pour le fourreau), même si sur la pièce archéologique le cuir semble épais, il pu gonfler
Oui, même remarque (je l'avais d'ailleurs signalé en début de topic) : personnellement je prends aussi des cuirs fins (2 mm maxi) pour mes baudriers. Mais c'est un choix personnel validé par les trop rares sources archéologiques.
D'où une question : comment se comporte le cuir immergé plusieurs siècles dans l'eau douce : gonfle-t-il ou pas ?
J'imagine que la réponse est évidente, au regard des nombreuses trouvailles en cuir dans les milieux fluviaux (chaussures, fourreaux de couteaux) qui pourtant sont restées assez fines, si je ne me trompe pas.
On pourrait donc en déduire que cette source de baudrier viendrait confirmer l'existence de baudriers en cuir plus épais.
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Guillaume de Pensac
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sam. mai 04, 2013 1:48 pm

Khosrau, il est évident que si mon budget avait été sans limites, dans cette expérience j’aurais pu réaliser plusieurs laçages du fourreau avec des cuirs plus ou moins fins. Cela m’aurait permis de dresser un comparatif. Mais j’ai préféré opter pour une épaisseur de cuir équivalente à celle de la pièce de fouille.
Cela fait plusieurs années que cette pièce a été retirée du fond de la rivière. La pièce archéologique a été stabilisée dans notre labo de conservation. Le cuir est devenu sec et on remarque, au toucher, un durcissement qui le fait ressembler à du cuir bouilli. Ce cuir qui s’est rétréci depuis sa sortie de l’eau, est devenu très fragile et cassant. D’ailleurs, sa manipulation (avec des gants) demande d’infinies précautions.
Sur la pièce archéo, nous n’avons plus que les trous dans lesquels passait le fil de couture qui maintenait la peau du fourreau. La couture a disparu. Dans la reconstruction du revêtement du fourreau j’ai voulu comparer la couture en X avec la couture en Z. Ces deux coutures me semblent crédibles. La couture en X, avec deux aiguilles demande un savoir faire pour « serrer » la peau sur le fourreau (sans utiliser une troisième main). En revanche, la couture en Z avec une seule aiguille (plus facile) permet de rapprocher les deux lèvres de la peau avec la main qui ne tient pas l’aiguille. Peut-être qu’un spécialiste du travail du cuir, qui a l’expérience de la réalisation des fourreaux et qui lit ce sujet, pourrait nous en dire plus.
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Guillaume de Pensac
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sam. mai 04, 2013 2:37 pm

Médiéviste, je vais tenter de répondre à ton questionnement.
Dans les collections archéologiques du Musée Vivant Denon nous avons des semelles de cuir cloutées qui ont probablement appartenu à des légionnaires romains. Le cuir est devenu très dur et il est difficile d’affirmer que ce cuir a beaucoup diminué en épaisseur depuis 2000 ans.
Chalon a été un haut lieu des « foires chaudes et « foires froides » dès le XIIe siècle. Les cordouaniers (de Cordoue) y possédaient leur halle. Nous avons fouillé leur emplacement lors des travaux de terrassement du parking de l’Hôtel de ville. Nous y avons découvert des chutes de cuir conservées dans un terrain humide. Mais pas de chaussure sur lesquelles nous aurions pu porter une analyse. Reste le fameux baudrier de Saunières.
Après son traitement au laboratoire de conservation, les pièces de cuir se sont rétractées. Phénomène que je n’avais pas perçu au tout début car mon esprit était embrouillé par le baudrier de VLD dont les lanières de la partie haute ne se touchent pas. Effectivement sur le baudrier de Saunières le laçage présente aujourd’hui des lanières qui ne sont pas cote à cote (voir pièce de fouille et dessin de la première page). Je ne vois qu’une seule raison à cela: le cuir s’est rétracté au séchage. C’est ce paramètre qui m’avait induit en erreur au tout début de mon investigation.
En page 3, la bouterolle en laiton laisse deviner un espace entre elle et le fourreau qui a été comblé par de la résine. On remarque que le cuir s’est rétracté mais que le bois du fourreau, s’est rétracté encore plus.
Sur la pièce de fouille, l’épaisseur est voisine de 3mm et c’est pourquoi j’ai opté, dans cette reconstruction, pour un cuir de 3,5mm.
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khosrau de samarkand
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dim. mai 05, 2013 10:30 am

C'est toujours difficile j'imagine de dire comment va gonfler ou rétrécir un cuir avec le temps. Sur des temps courts (cuirs du début XXè), j'ai vu des cuirs qui ont gonflé en milieu humide (ou trop gras) par rapport à leur taille normale, et d'autres qui ont rétréci, séché et sont devenu durs et cassants, ça arrive surtout aux cuirs pas entretenus, pas "nourris". Sur une période courte (1 siècle), un objet en cuir tiré d'un milieu très humide peut changer du tout au tout.

Concernant la couture, il semblerait que les points de sellier ou demi-sellier soient les plus courant. La couture en X peut se faire par étape (comme le point de sellier, ou tout autre point à 2 aiguilles), une fois une aiguille passée, on peut serrer, puis passer la deuxième aiguille et finir de serrer. J'arrive personnellement à faire des coutures bord à bord en demi sellier avec de la basane. Mais au point de sellier, je n'arrive pas a faire de couture bord à bord. Au vu des morceaux de cuir de fourreau retrouvés à Leyden, au XIVè les coutures en point de sellier donnent aussi un petit relief.
La seule façon que je vois pour faire une couture bord à bord avec un point de sellier, c'est de faire sortir les fils par la tranche du cuir (j'ai déjà fait ça pour un fourreau de sabre, mais ça requiert un cuir épais, là, pour le coup).
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Guillaume de Pensac
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sam. mai 25, 2013 9:55 am

Pour ma part, je n’ai plus d’information à vous livrer au sujet du baudrier de Saunières si ce n’est que la reconstitution est maintenant terminée en ce qui me concerne.
Pour parfaire cette étude, le baudrier va être porté pendant toute la saison médiévale pour voir comment il se comporte.
Il contiendra la réplique de l’épée réf. 80.87.4 du Musée Vivant Denon. Poids 900g.
Merci à tous ceux qui ont contribué à cette reconstitution.
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Haeron
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lun. mai 27, 2013 8:56 am

En ayant hâte de voir les éventuelles photo de son utilisation alors :)

Merci encore pour le partage de toutes ces informations!
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Guillaume de Pensac
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jeu. juil. 04, 2013 3:59 pm

Après cinq médiévales, dont la marches de 15 km dans les rochers du pays cathare, le baudrier reconstitué a tenu toutes ses promesses. Aucun relachement dans les sangles qui, rappelons le, ne sont pas cousues sur le fourreau.

Image
Mon épée est une arme de moins de 900g, mais pour une épée de spectacle, d'un poids de 1500g, je ne peux pas affirmer que ce baudrier historique conviendrait.
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Haeron
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lun. juil. 08, 2013 9:20 am

Merci pour le partage de ces informations :)
Encore une fois félicitation pour le travail accompli!
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