Reconstitution d'un baudrier d'épée

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Modérateur : L'équipe des gentils modos

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medieviste
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mer. avr. 17, 2013 3:46 pm

Je vais répondre à la place de Haeron, le fourreau qu'il a publié n'est pas de lui, c'est un fourreau réalisé par Albion US, leurs fourreaux étaient de grande qualité mais deux fois plus chers que les épées.

Justement, tiens, parlons-en : tu poses la question de la longueur de la lanière 2 : et si elle était plus longue que la largeur du fourreau pour ensuite être renouée ailleurs comme ici :
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De même y a-t-il des traces sur la partie archéologique du fourreau de fentes dans le cuir dans lesquelles on pourrait passer une lanière comme on le voit dans la partie inférieure de la photo ci-dessus ?
Je fais ça sur mes fourreaux, ça aide à une solidarité totale entre le baudrier et le fourreau.

De même, j'ai une question absolument bêtissime : le cuir du fourreau est-il collé, cousu, cousu dans la tranche, dans l'épaisseur, quel point etc ? Je place sans doute la barre trop haut, au vu des photos j'ai l'impression qu'on ne voit pas ce type de détails...
N'empêche que ça m'intéresse au plus haut point.

Et pour l'absence de couture entre le baudrier et le fourreau, je crois bien que c'est la norme. Je n'ai pas souvenir d'avoir vu des coutures sur un baudrier, uniquement un système de laçage. Et pour solidariser le baudrier au fourreau, j'ai toujours vu un laçage.

Et pour répondre à ta question, oui, j'ai eu des pièces archéo entre les mains, je suis historien de formation et j'ai eu divers artéfacts en mains : épées, casques, hauberts... mais hélas aucun fourreau.
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Haeron
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mer. avr. 17, 2013 4:33 pm

En effet, comme dit, il s'agit d'un fourreau réalisé par Albion (j'ai donné la source dans le bas de ma réponse)

Au vue des différents fourreaux et baudriers réalisés dans ce même contexte par Albion, je soupçonne qu'ils se soient basé sur le fourreau d'Ekkehard Naumburg visible ICI

Le fourreau que j'ai cité est un dérivé légèrement simplifié de celui fait pour Arn :

Image

Albion a du élaboré ce type de fourreau au travers de leur multitude d’expérimentation que l'on peu voir ici et la :

Image Image

Mais comme dit avec cette source, on s'éloigne un peu du fourreau que vous expérimentez. La partie intéressante dans le cas présent étant plutôt et aussi reprise par medieviste.
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Guillaume de Pensac
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mer. avr. 17, 2013 5:03 pm

Haeron ! c'est toujours intéressant et instructif de voir des pièces reconstituées qui sont crédibles car beaucoup de reconstitutions hasardeuses ont tendance à "polluer" notre esprit.
Comme je me suis déjà exprimé il y a quelques temps, le jour où nous aurons fait un répertoire de baudriers historiques, bien sourcés, il nous sera possible d'établir une typologie qui tienne la route. Dans ce domaine, les chercheurs professionnels atteignent vite des limites par manque d'expérimentation. C'est pour cette raison que je pense que les troupes médiévales ont un rôle important à jouer dans le développement des connaissances du monde médiéval.
Pour exemple: En détaillant la pièce de fouille, nous avions pensé que l'usure de la face arrière du baudrier de Saunières était due au ragage de la pièce sur le fond de la rivière. Médiéviste, qui expérimente souvent son matériel confirme que cette usure sur la face arrière est principalement due au frottement du baudrier sur le vêtement de mailles. Ce qui est logique.

Pour terminer l'étude du baudrier avant une ultime reconstitution, je vous livre un dessin du laçage que je crois avoir compris.

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medieviste
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jeu. avr. 18, 2013 7:15 am

Ce dessin semble tout aussi plausible que les précédents à mes yeux.
Je pense qu'il n'y a pas 36 solutions : démonter l'original ou du moins l'étudier sous tous les angles en manipulant autant que faire se peut, sans le détruire pour être sûr à 100 % !
Deuxième chose : je pense qu'il est très utile d expérimenter : le refaire, le porter et le tester : en combat, en mouvement, en courant, en montant les escaliers, etc... pour voir ce que ça apporte comme stabilité, maintien, aisance etc.
Comprendre pourquoi ils ont fait ce type de laçage à l'époque, ce que ça leur apportait comme confort ou comme pratique lors du dégainage, du transport, des déplacements. Bref, de l'expérimentation !
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Haeron
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jeu. avr. 18, 2013 10:27 am

Ce nouveau schéma est très intéressant. Et si je peux me permettre, j'aurais peut être une suggestion concernant ce fameux coude.
A moins que ce ne soit déjà le cas et que je l'aurais mal interprété, il pourrait être pas mal de faire passer la sangle coudée entre la zone 5 et 6 derrière l’extrémité de la la zone 2.

Qu'en pensez vous?
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khosrau de samarkand
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jeu. avr. 18, 2013 11:01 am

Vous allez un peu vite je trouve... Expérimenter une hypothèse de laçage et vérifier son utilité ou sa praticité, ça ne fait QUE ça, ce n'est pas une validation historique. Seule une typologie permettrait en effet une certaine validation stylistique. Mais justement, les reconstituteurs n'ont AUCUN rôle à jouer là dedans. Une éventuelle typologie des baudriers et fourreaux est du seul ressort des historiens, et ne doit se baser que sur des pièces archéologiques, la statuaire et l'iconographie. Utiliser des "reconstitutions" là dedans polluerait inmanquablement la typologie. Les reconstituteurs ne peuvent QUE proposer une méthode pour obtenir un résultat proche en se basant sur la typologie, c'est tout.

De même que constater une usure sur l'arrière d'un baudrier porté ne signifie pas du tout que toutes les traces d'usure à l'arrière d'un baudrier ou d'un fourreau seront dûs à une cause similaire. Pour le cas de trouvailles d'épées dans les rivières, pourquoi la probabilité que ça soit des épées de simples soldats ou de guerriers serait-elle supérieure? On a retrouvé des épées d'excellente facture et relativement luxueuse dans des rivières. Oakeshott émet l'hypothèse que durant tout le moyen age, il y avait fréquemment des "offrandes" aux rivières et aux lacs, que les épées qu'on y retrouve ne sont pas forcément des épées "perdues". Les traces écrites (même si elles sont romancées, elles peuvent être le reflet d'une pratique tout aussi romancée, mais bien réelle), et le nombre de trouvailles en milieu aquatique, souvent distants d'un quelconque gué, lieu de passage connu ou pont, font que son hypothèse n'est pas à jeter.
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medieviste
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jeu. avr. 18, 2013 11:41 am

'ttention, que les choses soient claires, lorsque je parlais d'expérimentations du système de laçage, dans mon esprit c'est uniquement pour comprendre pourquoi c'était fait comme ça, quel est l'intérêt, l'apport en aisance-maniabilité ! Aucunement pour faire une typologie ! Juste comprendre le pourquoi du comment !

Quant à l'hypothèse d'une épée de soldat, j'ai jamais dit ça non plus, je disais que le seul moyen de savoir serait une analyse poussée de la structure du métal, la qualité de l'épée. ET ENCORE ! Même là, comme je l'ai déjà dit, on n'aurait pas pour autant de grandes certitudes ! Sauf si on tombe sur une épée franchement merdique avec un acier bas de gamme et une technique de forge à ch..., là oui, là on pourrait en déduire que c'était pas l'épée d'un grand seigneur.

Mais dans le cas présent, je trouve la démarche super : on retrouve un exemplaire rarissime de fourreau fragmentaire avec son baudrier encore lacé dessus, on cherche à comprendre, on reconstitue le bébé et on voit ce que ça donne ! C'est génial ! On voit trop peu d'initiatives de ce genre dans notre milieu !
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khosrau de samarkand
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ven. avr. 19, 2013 1:19 pm

Reconstituer un fourreau et son baudrier au plus proche de la source, c'est ce qu'il y a de plus louable dans notre milieu, aucun doute là dessus. Mais tirer une quelconque conclusion de ça ne voudra pas dire que les propriétaires de la pièce d'origine l'auront fait pour les mêmes raisons. Ca vaut aussi pour l'aisance, pour le port, l'utilité, etc... Le seul argument pour justifier qu'historiquement, telle méthode a pour but tel usage serait une source textuelle qui dirait (il faut lier ça de telle façon à ce que... Afin que...).
Tout le reste n'est que du finalisme.
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Bouchard
Gentil Modo
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Je te suis tout à fait Khosrau . [img]images/icones/icon10.gif[/img]
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Guillaume de Pensac
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mer. mai 01, 2013 1:58 pm

J’ai quelque fois du mal à vous suivre dans vos raisonnements que je n’ose pas contredire.
A ma décharge, je dois vous avouer que j’ai derrière moi le poids de 35 années d’archéo subaquatique et d’études des collections archéos du Musée Denon. A cela il faut ajouter la publication d’une douzaine d’ouvrages à caractère historique et bon nombre de collaborations à plusieurs revues scientifiques médiévales. Bref, il faut aussi avouer que j’ai un âge très avancé, ce qui explique ceci.
C’est pourquoi je me suis tourné vers vous qui avez de la pratique sur le terrain de la reconstitution pour m’aider dans cette aventure de la reconstitution du baudrier de Saunières.

Khosrau affirme que : « Seule une typologie permettrait en effet une certaine validation stylistique. Mais justement, les reconstituteurs n'ont AUCUN rôle à jouer là dedans ».
J’ai l’impression que Khosrau : « botte en touche ». Mais je dois me tromper.
Personnellement, je crois que les « reconstituteurs » ont un rôle à jouer comme consultants et c’est pourquoi depuis une dizaine d’année nous essayons de collaborer avec eux. Avec Louis Bonnamour ( ex-conservateur et archéologue), nous avions ouvert spécialement le Musée à une délégation de la Cie de Trencavel pour qu’ils puissent tenir en main quelques pièces de fouilles médiévales.
Depuis, la façon d’appréhender les armes de guerre médiévales de nos collègues médiévistes a bien changée et leur collaboration (en expérimentation) s’est avérée fort utile pour nous.

En revanche je rejoints Médiéviste quand il dit que « démonter l'original ou du moins l'étudier sous tous les angles en manipulant autant que faire se peut, sans le détruire pour être sûr à 100 % ! ». Et c’est ce à quoi je me suis employé ces derniers jours.

Pour en revenir au Baudrier de Saunières, c’est la deuxième lanière en partant du haut qui me posait problème depuis le début de l’investigation. En effet, elle se trouve sur la face arrière du fourreau et elle n’est pas visible car elle est recouverte par la lanière 1.

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J’ai donc effectué un « laçage » avec du cuir d’épaisseur 3,5 mm, alors que sur la pièce de fouille l’épaisseur est de 3mm, mais les 800 ans d’immersion ont durci le cuir.
Pour cette reconstitution, j’ai utilisé du cuir non mouillé et il s’avère que le système de laçage est très solide. Avec du cuir mouillé ma liaison devrait être indémontable.
Pour la partie basse du baudrier, dans un premier temps, je n’ai pas fait passer les deux lanières au travers de la peau qui recouvre le fourreau pour ne pas l’abîmer.

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La lanière A qui dépasse, sera coupée après le laçage définitif.

Image

Dans la vue arrière du baudrier, la lanière 2 doit être coupée et ajustée au premier tour de la lanière 1, pour être invisible, comme c'est le cas sur la pièce de fouille.
Je renouvelle mes sincères remerciements à tous ceux qui ont bien voulu collaborer à mon étude.
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khosrau de samarkand
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mer. mai 01, 2013 6:02 pm

Joli CV. Pour ma part je suis jeune, mais j'ai un doctorat et je sais ce que sont les théories scientifiques, et je sais très bien aussi ce qu'est le finalisme en sciences. C'est assez comique d'ailleurs parceque je suis biologiste, on pourrait croire que je suis totalement en faveur de l'expérimentation. Et oui, je suis en faveur, lorsque les hypothèses sont clairement posées, et que l'expérience est menée avec les contrôles nécessaires.

Si on a un texte historique expliquant une technique ET le pourquoi de la technique, et qu'on reproduit la technique en question pour arriver au résultat, alors oui, c'est une validation. L'expérience ne servant qu'à confirmer le lien supposé entre deux informations historiques.
En revanche, dire que l'usure de telle partie EST DUE au port de l'épée alors que l'épée a passé un temps long dans l'eau, a été dragué, a probablement subi toutes sortes de malheurs, c'est un raisonnement faux.
C'est comme si je disais que la raison pour laquelle il manque le reste du fourreau et le baudrier, c'est parceque le porteur est tombé dessus et l'a cassé, parceque ça m'est arrivé, et ça a donné le même résultat (fourreau cassé et baudrier en miettes, cqfd).

Avoir accès à des artefacts médiévaux (j'en ai aussi eu un paquet en main) ne fait pas de quelqu'un un consultant, ni le qualifie pour émettre des hypothèses. Les historiens et les archéologues sont formés, formés à émettre des hypothèses et de les valider. Parfois ils se trompent. Un reconstituteur, c'est un amateur qui reproduit (au mieux, parcequ'il y en a un paquet qui ne font que copier les autres aveuglément, voire font ce qu'ils veulent sans se soucier d'historicité, et très souvent, c'est que l'apparence qui compte pour un reconstituteur). Un reconstituteur qui a accès à des sources de qualité est ravi parcequ'il il va pouvoir reproduire l'objet de façon précise, et c'est très gentil de la part du conservateur de l'avoir laissé approcher la pièce. Ca ne qualifie en rien le reconstituteur pour affirmer ou infirmer des hypothèses historiques.
Un reconstituteur qui trouve telle ou telle technique historique pratique pour une raison ne valide rien, historiquement parlant. Ceux qui utilisaient la technique en question à l'époque ont très bien pu l'utiliser pour une toute autre raison. Raison qu'aucune reconstitution ne pourra établir, seule une source historique le pourrait. Au mieux, un reconstituteur peut poser une hypothèse, mais la validation requiert une démarche scientifique (et non, reconstituer un objet n'est pas une démarche scientifique, c'est reconstituer un objet).
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Hermelind
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mer. mai 01, 2013 6:51 pm

:clap: :clap: :clap: :clap: :clap:
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Rhum ! Rhum ! Rhum !
ENLUMINURE ! PAS ICONO ! SCROGNEUGNEU !
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La Prez a TOUJOURS raison !

CQHB !!!
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mer. mai 01, 2013 8:26 pm

D'accord aussi ! [img]images/icones/icon13.gif[/img]
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mer. mai 01, 2013 8:28 pm

Et moi de même .Je suis ce sujet depuis le début avec un grand intérêt [img]smile/thumb.gif[/img] :clap: .
DUM SPIRO,SPERO...
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Guillaume de Pensac
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ven. mai 03, 2013 2:45 pm

Khosrau, il est évident que je ne peux qu’être d'accord avec toi sur ce que tu viens d'écrire. Néanmoins l'expérience m'a appris que l'avis des autres était toujours utile et c'est pourquoi je persiste à dire que le concours des "médiévistes reconstituteurs" n'est pas à écarter, pour les scientifiques qui étudient l'armement médiéval.
Pour en revenir à l’étude du baudrier retrouvé au fond de la Saône, son usure n'est que sur l'arrière et elle est limitée à la partie supérieure. Depuis 1991 la Saône n'est plus draguées pour préserver le mobilier archéologique qui y repose.
Lors de l’investigation, nous nous sommes posés la question : "pourquoi une usure limitée là, et pas ailleurs ?"
Médiéviste nous a proposé une solution pertinente que nous n'avions pas encore envisagée. L'avis de Médiéviste, qui est un homme de terrain, méritait donc d'être pris en considération et c'est ce que j'ai fait.

J’ai donc effectué un dernier « laçage » en respectant scrupuleusement toutes les largeurs des lanières et leurs épaisseurs. Pour ce faire j’ai utilisé du cuir tanné végétal préalablement mouillé. Mais peut être l’ai-je trop « mouillé » ?

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Maintenant il ne me reste plus qu’à équiper ce baudrier d’une attache et à le teinter. Mais pour aller au bout de l’expérimentation, il me semble que le baudrier devra être utilisé en situation. La conclusion ne sera écrite qu'après cette dernière phase.
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